Erdogan entend tisser les liens économiques avec les pays du Golfe
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, entame une tournée de trois jours dans le Golfe: en Arabie saoudite puis au Qatar et aux Émirats arabes unis.
Accompagné de plusieurs ministres et hommes d'affaires, Erdogan souhaite renforcer les liens avec la région et traiter des questions internationales et régionales d'intérêt commun, notamment la Syrie, la Libye, la Palestine et l'Irak.
«Les préoccupations économiques seront la principale priorité de la visite d'Erdogan dans le Golfe», a déclaré Robert Mogielnicki, chercheur non résident à l'Institut des États arabes du Golfe à Washington, soulignant l'importance d'attirer les investissements étrangers et les partenariats stratégiques.
M. Mogielnicki reconnaît que le renforcement des liens économiques et commerciaux sera un processus progressif dont le retour sur investissement est incertain, malgré les annonces d'investissement ou les protocoles d'accord qui pourraient résulter de la visite d'Erdogan.
Le président Erdogan a rencontré lundi soir le prince héritier Mohammed ben Salmane d'Arabie saoudite.
En outre, trois forums économiques se tiendront à Djeddah, à Doha et à Abu Dhabi.
La visite devrait déboucher sur plusieurs accords bilatéraux dans divers secteurs dont l'énergie, les produits pharmaceutiques, la technologie, l'alimentation, la logistique, l'agriculture et la pétrochimie.
Cette visite est étroitement liée au besoin urgent de la Turquie, qui traverse une période de turbulences économiques, d'attirer des investissements directs étrangers et d'augmenter ses réserves de devises internationales.
Erdogan s'est tourné vers les investisseurs du Golfe à la recherche de ressources extérieures avant le mois de novembre, alors que le pays doit rembourser plusieurs dettes.
Aylin Unver Noi, professeure à l'université Halic d'Istanbul, a noté que divers facteurs, tels que les accords d'Abraham, le changement d'administration américaine, l'accord d'AlUla de 2021, l'impact économique de la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les séismes dans le sud-est de la Turquie, ont contribué à la normalisation des relations entre les acteurs régionaux.
Mme Unver Noi a souligné l'importance des questions économiques dans la nouvelle approche de la politique étrangère de la Turquie et des pays du Golfe.
«La recherche de partenariats économiques joue un rôle déterminant dans cette nouvelle approche de la politique étrangère», a-t-elle indiqué à Arab News.
«Le mois dernier, Aramco a rencontré 80 entrepreneurs turcs pour discuter de projets potentiels d'une valeur de 50 milliards de dollars en Arabie saoudite», a-t-elle ajouté.
Le ministre turc du Trésor et des Finances, Mehmet Simsek, s'est récemment rendu en Arabie saoudite, accompagné de la nouvelle gouverneure de la Banque centrale turque, Hafize Gaye Erkan.
Les entreprises turques ont signé plusieurs accords avec leurs homologues saoudiens dans les domaines du conseil en ingénierie, de la construction et du développement immobilier, ce qui témoigne d'un renforcement de la collaboration, selon ArabNews.
Coopération avec Riyad
Avant le voyage d'Erdogan, le vice-président Cevdet Yilmaz, chargé de préparer le plan économique à moyen terme du pays, a déclaré dimanche qu'il prévoyait une augmentation de l’entrée de capitaux en Turquie après cette visite.
Lors du forum d'affaires turco-saoudien qui s'est tenu à Istanbul le 12 juillet, les opportunités d'investissements turco-saoudiens, en particulier dans des domaines tels que le développement urbain, les villes intelligentes et l'immobilier, ont été discutées.
Le ministre saoudien des Affaires municipales et rurales et du Logement, Majed al-Hogail, a invité les entreprises turques à investir dans le secteur immobilier du Royaume et à participer à l'exposition immobilière Cityscape Global à Riyad en septembre.
Le commerce bilatéral entre la Turquie et l'Arabie saoudite s'est élevé à 6,5 milliards de dollars américains (1 dollar = 0,89) l'année dernière et a atteint 3,4 milliards de dollars au cours du premier semestre de cette année.
L'objectif du commerce bilatéral à court terme est de 10 milliards de dollars, avec un objectif à long terme de 30 milliards de dollars. Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a répondu à la précédente visite d'Erdogan en Arabie saoudite par une visite dans la capitale turque, Ankara.
De retour en Turquie après le sommet annuel de l'OTAN dans la capitale lituanienne, Erdogan a répété la semaine dernière qu'il espérait renforcer les liens de son pays avec l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis lors de sa visite dans la région.
«Au cours de notre visite, nous aurons l'occasion d'assurer un suivi direct du soutien que ces pays apporteront à la Turquie», a-t-il déclaré jeudi.
«Lors de mes précédents contacts, ils ont déjà exprimé leur volonté d'investir sérieusement en Turquie», a-t-il ajouté.
Pour Hakan Akbas, de la société de conseil d’investissement Albright Stonebridge Group, en Turquie, Erdogan a récemment donné la priorité à la reconstruction de relations positives avec les voisins régionaux de la Turquie afin d'attirer le soutien économique indispensable à l'économie turque à l'approche de deux élections cruciales qui se tiendront en mai.
«Au cours des deux dernières années, la Turquie a normalisé ses relations avec les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite et a ardemment courtisé les investissements du Golfe pour soutenir son économie en difficulté», a-t-il déclaré à Arab News.
Ankara «a également cherché à améliorer ses relations avec Israël – avec la visite prochaine du Premier ministre Benjamin Netanyahou à Ankara – et avec l'Égypte – en rétablissant les liens par la nomination d'ambassadeurs – bien que la prudence reste de mise dans les deux pays», a-t-il ajouté.
Selon M. Akbas, l'Arabie saoudite, dans le cadre de sa stratégie Vision 2030, poursuit une «diplomatie du carnet de chèques» avec Ankara qui comprendra davantage de lignes de swap avec la Banque centrale turque, l'investissement dans des actifs appartenant à l'État dans le cadre du Fonds de patrimoine turc, et l'investissement dans des entreprises exportatrices cotées en bourse dont les prix des actions sont au plus bas et dans des mégaprojets immobiliers tels que le Canal Istanbul.
«La visite d'Erdogan entraînera une augmentation du commerce bilatéral et des flux touristiques saoudiens vers la Turquie. De nouveaux accords seront également conclus pour l'acquisition d'équipements militaires et de défense, car le gouvernement saoudien entend diversifier ses fournisseurs en plus des États-Unis», a déclaré M. Akbas.