Climat : Qui seront les Français les plus exposés aux anomalies de chaleur l’été ?
Les simulations climatiques confirment qu’au cours des trois prochaines décennies, le nombre de journées et nuits anormalement chaudes augmentera notablement en France. L’Insee et Météo-France ont cherché à savoir qui seront les Français les plus exposés
Des séries exceptionnelles en cours de journées de chaleur (plus de 25°), depuis 113 jours à Marseille ou 50 jours à Strasbourg. Un thermomètre qui a atteint à plusieurs reprises des records, comme à Brest (39,3 °C) ou dans le port de Dieppe (40,4 °C) en juillet.
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L’été 2022, avec ses trois épisodes de canicules qui ont fait suffoquer la quasi-totalité du pays, est le plus chaud depuis 2003, pointe Météo France ce mardi. Ce bilan s’inscrit dans la lignée de ceux qui l’ont précédé et qui rangent ces dernières années parmi les plus chaudes jamais enregistrées. Juste un début ? « Les simulations climatiques les plus récentes confirment qu’au cours des étés des trois prochaines décennies, le nombre de journées et de nuits anormalement chaudes augmentera notablement sur l’ensemble du territoire métropolitain », notent en préambule l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et Météo France dans une étude qui paraît ce mardi également.
Anormalement chaud ?
Cet Insee Première ne s’est pas arrêté à ces projections climatiques, mais a cherché à déterminer les Français qui seront les plus exposés aux anomalies de chaleur.
« On considère comme tel une journée ou une nuit pour laquelle la température maximale (ou minimale pour une nuit) est au moins 5 °C supérieure à la température maximale (ou minimale) de référence », explique Caroline Jamet, directrice générale de l’Insee Occitanie et responsable de l’étude.
Ces températures de référence sont calculées au niveau local sur la période 1976-2005. Elles étaient en moyenne de 23 °C le jour et 16 °C la nuit pour Paris entre juin et août ; 23 °C et 14 °C pour Nantes ; 26° et 17 °C pour Toulouse…
Autrement dit, l’étude ne dit pas où il fera le plus chaud en France dans les trois décennies à venir, mais où les écarts avec les températures maximales des étés de 1997 à 2005 devraient être les plus fréquents. Un indicateur qui a son importance. « Il y a des territoires plus habitués que d’autres à la chaleur, si bien qu’un 39 °C ne sera pas vécu de la même façon, ni n’aura les mêmes conséquences sanitaires à Marseille qu’à Brest », souligne Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France et coauteur de l’étude.
9,3 millions de Français dans des territoires les plus exposés
Quoi qu’il en soit, cet Insee Première commence par mettre toute la métropole sur un pied d’égalité : au cours des trente prochaines années, l’ensemble du territoire sera exposé à une hausse du nombre de journées et de nuits anormalement chaudes en juin, juillet et août. Une large partie même, regroupant près de 80 % de la population, subira de 16 à 29 journées anormalement chaudes en été, contre moins de 16 sur la période 1976-2005. La tendance est la même pour les nuits. « Certains territoires connaîtront jusqu’à 19 nuits anormalement chaudes, alors que le maximum était de 7 au cours des années 1976-2005 », poursuit l’étude.
Certains territoires devraient connaître plus de 20 journées anormalement chaudes. « Soit l’équivalent de 3 semaines sur les 12 que compte l’été », illustre Caroline Jamet. 9,3 millions de Français résident actuellement dans ces régions. Soit un métropolitain sur sept.
Auvergne-Rhone-Alpes, Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté sur le podium
Parmi ces régions les plus exposées, on trouve notamment les nombreux espaces de basse montagne (moins de 1.000 mètres d’altitude) de métropole. « Ce qu’on explique par leur climat continental, un peu plus contrasté », indique Jean-Michel Soubeyroux.
Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Occitanie sont en première ligne : 68 % des habitants de la première région, 47 % de la deuxième et 20 % de la troisième (principalement Lot, Aveyron, Tarn, Tarn-et-Garonne) vivent dans des territoires qui devraient connaître plus de 20 journées anormalement chaudes par été, détaille l’étude. Elle ajoute une partie du Grand-Est (14 % de la population – surtout Vosges et Aube) et de la Nouvelle-Aquitaine (13 % - Creuse, Correze et Haute-Vienne).
Les littoraux un peu plus épargnés ?
Près des deux-tiers de la population métropolitaine (65 %) vivent, pour leur part, dans des territoires où l’on comptera entre 16 et 20 journées anormalement chaudes par été. Il s’agit majoritairement de plaines. « Presque tous les habitants d’Ile-de-France et du Centre-Val de Loire, une large majorité de ceux des Pays de la Loire (89 %) et du Grand-Est (86 %) et les trois quarts de ceux des Hauts-de-France (77 %) et de Nouvelle-Aquitaine (77 %) résident dans l’un de ces territoires », détaille l’étude.
Seules alors la Bretagne, la Corse, la Normandie et Provence-Alpes-Côtes-d’Azur paraissent moins exposées. « Les anomalies de chaleur affecteront un peu moins le littoral que l’intérieur des terres », expliquent les auteurs. Ainsi, en Bretagne et en Corse, seulement 13 % de la population habitent dans des zones qui subiront quinze journées anormalement chaudes dans les trois prochaines décennies. Le ratio grimpe à 26 % en Paca et 27 % en Normandie.
880.000 personnes de 75 ans et plus dans les régions les plus exposées
La répétition de journées anormalement chaudes, associées à des nuits où les températures restent élevées, augmente les risques sanitaires (déshydratation, aggravation de certaines maladies chroniques, coup de chaleur…), rappelle l’étude. Parmi les catégories les plus exposées : les personnes âgées. Actuellement, 880.000 personnes de 75 ans et plus – soit 16 % d’entre elles – résident dans les territoires qui seront les plus exposés en journée. Les jeunes enfants, peu autonomes pour s’hydrater, figurent aussi parmi les populations les plus vulnérables, pointent l’Insee et Météo-France. 400.000 enfants de moins de 6 ans, soit 13 % d’entre eux, vivent dans les territoires qui seront les plus exposés.
Le niveau de vie est un autre critère à prendre en compte. En raison de leurs conditions de logement – souvent avec une moindre performance énergétique les personnes les plus modestes sont davantage vulnérables aux fortes chaleurs, rappelle l’étude. 1.180 000 personnes pauvres (13 % d’entre elles) résident dans un territoire parmi les plus exposées aux anomalies de chaleur en journée.
Enfin, l’Insee première s’est penché sur certaines professions travaillant en extérieur et, elles aussi, plus exposées à la chaleur. Ce sont notamment les travailleurs agricoles et les ouvriers de la construction. « Dans les trois régions les plus exposées (Auvergne-Rhones-Alpes, Occitanie, Bourgogne- Franche-Comté), près de 462.000 emplois relevaient de la construction en 2020, et 193.000 personnes travaillaient dans l’agriculture, selon 20minutes.