La France face à un tournant en Afrique : tensions avec le Tchad et nouvelles priorités diplomatiques
Le 29 novembre 2023, Jean-Noël Barrot a rencontré les dirigeants africains à Addis-Abeba pour relancer le dialogue avec l'Union africaine.
Cette reprise, après cinq ans d'interruption, se faisait dans un contexte diplomatique complexe, marqué par une série d'événements qui viennent redéfinir les relations de la France avec l'Afrique.
Un retrait militaire inattendu du Tchad
Le moment fort de la visite de Jean-Noël Barrot fut pourtant éclipsé par une annonce inattendue venant du Tchad. Moins de 24 heures après son départ de N'Djamena, un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères tchadien mettait fin à la coopération militaire entre les deux pays.
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En conséquence, les quelque 300 militaires français stationnés sur le sol tchadien doivent quitter le territoire. Un coup dur pour la France, qui perd ainsi sa dernière base militaire au Sahel, après les départs successifs du Mali et du Burkina Faso.
Le Quai d'Orsay a réagi avec prudence, en se contentant de « prendre acte » de cette décision, tout en assurant vouloir poursuivre le dialogue avec le Tchad pour « la mise en œuvre des orientations à venir ».
Ce retrait marque la fin d'un chapitre de la présence militaire française dans la région, qui, jusqu'ici, avait pour objectif de lutter contre le jihadisme au Sahel.
Crise humanitaire au Soudan : la France sur le front humanitaire
Le ministre français a également abordé la situation dramatique au Soudan, où le conflit, depuis avril 2023, a plongé le pays dans une crise humanitaire de grande ampleur.
Jean-Noël Barrot a annoncé un financement supplémentaire de 7 millions d'euros pour soutenir les organisations humanitaires luttant contre le choléra et venant en aide aux femmes et enfants réfugiés. L'ONU et d'autres ONG mènent des actions vitales pour répondre aux besoins urgents des millions de déplacés. Toutefois, le ministre a évité de nommer les acteurs impliqués dans le soutien militaire aux belligérants soudanais, comme les Émirats arabes unis, malgré les informations faisant état de livraisons d'armes aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Relations tendues avec l'Éthiopie et ses voisins
La visite de Jean-Noël Barrot en Éthiopie a également été marquée par des échanges tendus sur les violations des droits de l'homme, notamment en Amhara, où l'armée fédérale lutte contre des rebelles Fano. La situation dans la région du Tigré, marquée par des exactions qui restent largement impunies, a également été abordée en coulisse.
Toutefois, le ministre a surtout souligné les enjeux géopolitiques dans la Corne de l'Afrique, en particulier en ce qui concerne l'accord controversé entre l'Éthiopie et le Somaliland, qui pourrait offrir à Addis-Abeba un accès à la mer Rouge, mais au prix de tensions avec la Somalie.
Ce projet, soutenu par le gouvernement éthiopien, suscite des inquiétudes internationales, notamment en raison de la violation apparente de la souveraineté somalienne.
Le ministre français a rappelé que la recherche d'un accès à la mer pour l'Éthiopie, pays enclavé, est légitime, mais qu'il est crucial d'éviter d'alimenter de nouvelles tensions dans une région déjà fragile.
Culture et coopération éducative : un autre volet de la diplomatie
Malgré les tensions militaires et diplomatiques, la France n'a pas négligé la dimension culturelle et éducative de ses relations avec l'Afrique.
À Addis-Abeba, Jean-Noël Barrot a annoncé le lancement du projet « Patrimoine durable en Éthiopie », visant à restaurer des sites emblématiques comme les églises monolithiques de Lalibela.
La restitution de 3 500 objets archéologiques éthiopiens, conservés en France depuis les années 1980, a également été un moment symbolique de cette visite.
Le ministre a aussi signé un accord avec le gouvernement éthiopien pour soutenir l'accès à l'éducation, en particulier pour les élèves issus de milieux modestes, un engagement qui s'inscrit dans la volonté de renforcer les liens entre les deux pays sur des enjeux au long terme.
Des signaux contrastés au Sénégal
La tournée de Jean-Noël Barrot en Afrique a également fait escale au Sénégal, où le ministre a participé aux cérémonies marquant le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye.
Ce déplacement, empreint de symbolisme, a été l'occasion pour la France de reconnaître officiellement ce tragique événement. Cependant, le président sénégalais a exprimé son désir de tourner la page de la coopération militaire avec la France, rejoignant ainsi la tendance observée dans plusieurs pays de la région.
Au-delà des tensions militaires, ces visites soulignent la diversité des défis auxquels la France doit faire face en Afrique, oscillant entre la gestion des crises humanitaires, la diplomatie géopolitique et la nécessité de renouveler les relations sur des bases plus culturelles et éducatives.
Face à ce panorama complexe, l'avenir de la présence française sur le continent semble de plus en plus incertain.