France: À Nîmes, les larmes de Florent Pagny
Roulements de tambour, guitares électriques, arène plongée dans le noir, scène aux lumières bleutées, deux minutes d'instrumental?.
Florent Pagny avait soigné son entrée sur scène. Mais les premières secondes de son titre « L'instinct » sont interrompues par une coupure technique. Pas de quoi déstabiliser le chanteur, lunettes fumées et tout de cuir noir vêtu. « J'ai perdu l'habitude », s'amuse-t-il, avant de reprendre sa chanson jusqu'à la note finale, vibrante et puissante.
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Florent Pagny, en rémission d'un cancer, est de retour sur scène devant 10 000 spectateurs réunis aux Arènes de Nîmes et qui frémissent d'impatience. « Je suis une fan de la première heure de sa voix, de ses textes qui font écho à nos vies, et de l'homme, humble et sincère », glisse Fabienne, de Villeneuve-lès-Avignon. Corinne est impressionnée par « cet artiste inclassable, un battant, qui aide par sa franchise à parler du cancer ». Annie et Cathy, 50 et 60 ans, venues de Marseille, ont cassé leur tirelire pour être en carré or. « Il a une voix magnifique et une écoute pour son public. Quand on regarde The Voice, c'est uniquement pour lui ! »
Florent Pagny a choisi de dérouler les tubes qui ont jalonné ses 35 ans de carrière. Un voyage dans le temps en 18 chansons, « toutes celles qui vous ont accompagnées, qui se rattachent à vos souvenirs, à vos émotions ». Une heure et demie intense, mêlant souvenirs, collaborations et fulgurances vocales. « N'importe quoi » pour commencer la rétrospective, suivie de « Comme d'habitude ». L'occasion de saluer sur scène l'ami pianiste, Alain Lanty, et son copain Gusto, présent dans le public.
L'amitié, valeur chère à l'artiste, est évidemment au c?ur de la soirée, avec un « Si tu veux m'essayer » pétillant, en duo avec Zazie, première partie de la soirée. Et le répertoire Obispo-Lionel Florence, de « Savoir aimer » à « Et un jour une femme ». Même dans les ballades, le timbre est clair, l'articulation parfaite, et le vibrato incandescent.
On quitte la pop pour un rock plus sombre avec « Châtelet les Halles », titre offert par Calogero sur l'album éponyme daté de l'an 2000. Jeu élégant d'Alain Lanty au piano, guitares électriques volontairement saturées, note de fin tenue? La gravité du titre impressionne. « Caruso », toujours maîtrisé, ne manque pas au top 18 de la soirée. Nouvelle prouesse, à laquelle il a depuis longtemps habitué nos oreilles, le « Vesoul » de Brel, repris en 2007.
Entre souci technique sur « Ma liberté de penser » et petite pique à la responsable du prompteur, Marie-Pascale, Pagny se montre aussi un chef d'orchestre pointilleux. Mais il sait remercier ses fidèles et sa troupe : « Vous n'avez rien perdu les gars. »
« Un public en béton » en lettres blanches
Au premier rang, 15 spectateurs forment en effet, avec des lettres blanches, le message : « Un public en béton », clin d'?il à « Murs porteurs », chanson de 2013. Déroulant la chronologie, Pagny offre encore ses chansons en espagnol, signées du Cubain Raul Paz, avant d'entonner « Je te promets » de Johnny Hallyday. « J'ai mis du temps avant de lui rendre hommage. Le temps que la tristesse passe », dit-il.
Pagny semble ne jamais vouloir s'arrêter tant le répertoire est vaste. Il prévient pourtant : « Je vous ai habitués à la troisième mi-temps en faisant durer les rappels. Mais les médecins m'ont dit que j'avais suffisamment de problèmes. Alors je ferai un départ à la Beatles, en laissant finir les musiciens. » La clôture de la fête est inéluctable. « Il y a certainement un bel avenir », entonne-t-il. Il n'y avait pas de meilleur refrain prophétique. Rapporte Le Point