France/Retraites : Mélenchon tweet et vient bousculer les débats
Le leader insoumis a fustigé le retrait des amendements du PCF pour aller à l’article 7 et donne du grain à moudre au gouvernement…
Ce sont de longs soupirs, sur les visages des membres de la Nupes, ce jeudi 16 février au soir à l’Assemblée nationale. En cause ? Un tweet de Mélenchon.
Encore un. À 17 heures, le leader insoumis est venu interrompre les débats sur les retraites qui patinaient au Palais Bourbon et semer un peu plus la pagaille dans les rangs d’une union de gauche aussi fragile que fragilisée.
« Incompréhensible retrait des amendements du PCF. Pourquoi se précipiter à l’article 7 ? Le reste de la loi ne compte pas ? Hâte de se faire battre ? », a lancé, sur le réseau social, l’ancien député des Bouches-du-Rhône, depuis Montpellier (Hérault) où il a défilé contre les retraites le jour même et où il tient meeting ce soir, au côté des députés insoumis du coin.
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Encore un coin, justement, au sein de la Nupes, et notamment des rangs socialistes qui comptent méthodiquement chaque voix présente dans l’hémicycle et qui espèrent arriver à l’article 7, le fameux qui reporte l’âge légal de 62 à 64 ans, comme les syndicats le leur ont demandé.
« Quand Jean-Luc Mélenchon dit quelque chose, parfois ça produit l’effet inverse… » Julien Bayou, député écologiste
« Avec leurs deux meetings, (des députés Insoumis étaient aussi à Bobigny, ndlr) ils nous enlèvent dix voix ! », peste un député socialiste qui tient les comptes.
« À 16h, on était majoritaires pour rejeter l’article 7… », assure-t-il, tableaux de votes en tête. « Renaissance n’est pas pleinement mobilisé, et nous, on est 31 députés socialistes sur 31 présents ! », se félicite-t-il encore, comme en miroir de la stratégie LFI.
Les socialistes ont retiré tous leurs amendements pour faire avancer le débat. Le PCF aussi. Il en restait moins de cinq chez les écologistes avant la coupure du dîner à 20 heures.
« Notre rôle, c’est d’accompagner le mouvement social. La stratégie classique est de freiner les débats pour laisser le temps aux syndicats d’installer la contestation dans la rue, mais là elle est installée. Notre intérêt désormais est que tout le monde puisse s’exprimer sur cet article, pour que chacun soit face à ses responsabilités », résume Julien Bayou, du groupe écologiste, qui lève les yeux au ciel quand on lui parle du tweet de Mélenchon, mais qui conclut, dans un espoir : « Quand Jean-Luc Mélenchon dit quelque chose, parfois ça produit l’effet inverse… »
Toute la soirée, dans les travées du Palais Bourbon, les partenaires de LFI ont tenté de convaincre leurs alliés d’aller au vote sur l’article 7. Manuel Bompard, « la courroie de transmission de Mélenchon », comme le surnomme un député, ne voulait rien entendre. « Nous voulons parler du fond, du financement, c’est ce que nous faisons actuellement avec ces amendements. Il faut étudier tout le texte, c’est au gouvernement de laisser plus de temps à ce débat essentiel », martelait-il déjà, bien avant le tweet de son mentor, en début d’après-midi.
« Les syndicats mettent la pression sur les parlementaires. Or, il ne faut rien lâcher » Sébastien Delogu, député LFI
Version Sébastien Delogu, présenté régulièrement comme le « chauffeur » de Mélenchon parce qu’il l’a souvent conduit à Marseille, député des Bouches-du-Rhône : « Les syndicats mettent la pression sur les parlementaires.
Or, il ne faut rien lâcher et défendre chaque amendement. Accélérer ne servirait à rien, car le gouvernement ne veut pas aller à l’article 7 », assure-t-il. À son côté, Carlos Martens Bilongo acquiesce, et défend Mélenchon :
« Il est libre, il tweete ce qu’il veut. On peut enlever tous les amendements qu’on veut, les députés Renaissance n’iront pas au vote, car le gouvernement va bloquer », assure-t-il.
Au même moment, des informations de presse faisaient état d’une réunion au sein de LFI qui aurait tranché à une voix près la stratégie : retirer quelques amendements pour accélérer, mais s’en garder sous le coude pour rester maître du temps. Le reste du groupe préférant abandonner tous les amendements.
Dans l’hémicycle, Gabriel Attal, le ministre des Comptes Publics, surfe sur l’information et évoque « une bascule » dans le débat. « Cette bascule, c’est le tweet de Mélenchon.
Je ne sais pas s’il a fait un ’dm fail’ (message privé envoyé en public par erreur, ndlr) mais quand on dit qu’on a hâte de se faire battre, c’est qu’on sait qu’on est minoritaire, qu’on n’a pas de majorité », enfonce-t-il. « Les socialistes sont partis parce qu’ils sont probablement dégoûtés, tout comme les communistes ! Il ne reste plus que vous, les insoumis ! », pointe-t-il, sous les applaudissements de son groupe et les huées des insoumis.
Les socialistes se sont en effet réunis dans la foulée pour affiner la stratégie : ne pas réagir au tweet pour ne pas en rajouter sur la division à gauche, mais continuer de convaincre « les copains insoumis » d’aller à l’article 7.
Attablé dans un café proche de l’Assemblée, un député communiste qui en a vu d’autres soupire « Il faut être unitaire pour quatre… », mais, prévient Mélenchon à distance : « Il a déjà perdu la moitié de son groupe et il précipite les verts et le PS avec nous, c’est embrassons-nous Folleville ! », rit-il à moitié, en terminant son café.
Beaucoup constatent avec lui que la journée, commencée par le coup de Jérôme Guedj, se termine par un affaiblissement de la Nupes, à vingt-quatre heures de la fin des débats à l’Assemblée, prévue vendredi à minuit. Si les jeunes écologistes et socialistes avaient encore un espoir de faire changer d’avis leurs alliés vendredi, cet élu communiste enterrait l’affaire : « De toute façon, c’est plombé pour l’article 7. On ne l’étudiera pas. Personne n’y a intérêt ».
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