Génocide des Tutsis au Rwanda : le mémorial de Kigali pris entre realpolitik et devoir de mémoire
La capitale rwandaise, Kigali, commémore le génocide des Tutsis, survenu il y a trente ans, une tragédie qui a coûté la vie à un million de personnes entre avril et juillet 1994.
Dans cette nation encore marquée par les cicatrices de cet épisode sombre de son histoire, le mémorial de Gisozi, érigé en hommage aux victimes, est devenu un symbole de mémoire et de recueillement. Mais récemment, ce lieu emblématique a été le théâtre de controverses liées à des considérations politiques et économiques.
Depuis son inauguration en 2004, le mémorial de Gisozi est devenu l'une des attractions les plus visitées du Rwanda, attirant des visiteurs du monde entier, y compris des dignitaires étrangers comme le président français Emmanuel Macron en 2021. Géré par l'ONG britannique Aegis Trust, en partenariat avec les autorités rwandaises, le mémorial se veut un lieu de mémoire, d'éducation et de réconciliation.
Cependant, une récente visite a suscité des réactions mitigées. Le général soudanais Mohamed Hamdan Dagalo, alias "Hemetti", ancien chef de la milice Janjawid accusée de crimes de guerre au Darfour, a été accueilli au mémorial. Cette rencontre a soulevé des questions sur la pertinence d'accueillir des personnalités associées à des violations des droits de l'homme.
Pendant ce temps, des tensions persistent autour de la représentation des autres génocides au mémorial. La mention du génocide arménien a été retirée du plan de visite, alimentant les spéculations sur d'éventuelles pressions turques. Bien que les autorités rwandaises démentent toute influence extérieure sur leur politique mémorielle, des observateurs soulignent les liens économiques croissants entre le Rwanda et la Turquie, ce qui pourrait influencer les décisions politiques.
Alors que le Rwanda se prépare pour une élection présidentielle et fait face à des défis économiques et géopolitiques, la question de la mémoire du génocide reste complexe. La nation tente de concilier son devoir de se souvenir avec les impératifs politiques et économiques du présent, dans un équilibre délicat entre justice, réconciliation et réalpolitik.