Interview - Quels sont les scénarios possibles pour la crise au Niger?
L'enseignant des sciences politiques à Geneva School of Diplomacy et Geneva International Peace Research Institute", Gilles-Emmanuel Jacquet, a passé en revue les scénarios possibles pour la crise au Niger, suite au coup d'État militaire du 25 juillet der
Jacquet, également chercheur à l'Institut genevois de la paix a précisé dans une interview à "Al-Ain News" qu'il existait plusieurs scénarios futurs pour la crise, ajoutant que même s'il était difficile de prédire l'avenir du président Muhammad Bazoum, la question dépendra de l'issue des négociations ou d'une intervention militaire dont les effets sont difficiles à évaluer.
Selon le chercheur, le premier scénario est que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a prévu une intervention militaire vendredi dernier et a tenu des discussions à Abuja le 10 août mais sans parvenir à une solution politique.
« Entre-temps, l'ancien émir de Kano s'est rendu mercredi à Niamey pour des négociations selon lesquelles la crise au Niger pourrait également soulever des questions sur la crédibilité et la viabilité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, dont certains membres ont également été connu des coups d'État au cours des trois dernières années années (Mali et Guinée, puis Burkina Faso).
Jacquet a estimé que le scénario le plus probable est que l'option militaire est possible mais peu probable à l'heure actuelle, car le Nigeria et d'autres pays de la région ne semblent pas prêts à intervenir.
L'autre scénario réside dans l'incapacité du président Mohamed Bazoum à revenir au pouvoir, car il est d'origine arabe, issu d'une ethnie minoritaire au Niger, et ne lui assure pas une réelle représentation politique et un soutien parmi les ethnies du sud du pays. Il lui est donc difficile de revenir en tant que président du Niger.
Le chercheur français a rappelé que le Niger n'est pas le seul pays de la région à avoir connu un coup d'État récemment, puisqu'il a été précédé par le Mali puis le Burkina Faso, dont les autorités militaires soutiennent les putschistes nigérians.
« Le Niger souffre d'une instabilité politique chronique depuis son indépendance et a connu plusieurs coups d'État", a relevé l'académicien expliquant que le pays est composé de plusieurs groupes ethniques dont les relations peuvent conduire à des conflits liés à des facteurs ethniques et culturels, à un sens de la représentation politique et sociale et les enjeux du développement économique.
Jacquet a rappelé également que le Niger a été touché par l'intervention occidentale en Libye en 2011, qui a conduit à la fin du contrôle qu'il exerçait sur les Touareg et les différents groupes armés et criminels impliqués dans diverses opérations de contrebande dans la région du Sahel, mettant en garde que ce contexte chaotique avait conduit à déclencher la rébellion touareg au Mali et a également permis aux groupes terroristes d'étendre leurs opérations dans la région.
Selon le chercheur français, la faiblesse des États (exacerbation de la corruption) et la pauvreté sont les causes structurelles qui alimentent le terrorisme dans la région. Cette menace est transnationale comme en témoignent les cas de régions telles que la zone des trois frontières (entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger), la zone frontalière entre le Nigeria et le Niger, ainsi que la région du lac Tchad.
Quant à la méthode du coup d'État, Jacquet a noté que la Garde présidentielle au Niger bénéficie d'une situation stratégique en raison de sa proximité du pouvoir et souvent en raison de son équipement ou de sa formation, généralement supérieure à celle des autres unités.
Le succès du coup d'État peut s'expliquer par plusieurs facteurs, tels que les liens entre les officiers supérieurs, les affiliations politiques et ethniques et les intérêts économiques, a-t-il dit soulignant que la faisabilité du coup d'État est encore discutable.
Jacquet a mis en garde que cette crise complique la sécurité régionale et le contexte politique, notamment la coopération entre les pays du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, ainsi que la France dans la lutte contre le terrorisme, expliquant que l'intervention militaire au Niger, qui n'a pas réussi à atteindre rapidement ses objectifs et conduit à un conflit de longue durée, pourrait également créer un environnement propice au terrorisme.