Jordan Bardella : Parcours, enfance, et origine d'un enfant de banlieue à la tête du RN
L’enfance de Jordan Bardella à Saint-Denis, du mythe à la réalité
La tête de liste du Rassemblement national aux européennes du 9 juin a passé une partie de sa jeunesse à Saint-Denis.
Parmi ceux qui l’ont côtoyé à l’époque, amis ou camarades du lycée privé où il donnait des cours de français aux migrants, son engagement politique surprend encore.
Une naissance à Drancy en 1995, une scolarité dans un établissement privé exigeant de Saint Denis (93), baignant dans un multiculturalisme paisible... Jordan Bardella est le fils unique de parents divorcés. Il peut compter sur un père généreux qui, post-divorce, laisse toutefois une mère en difficulté financière.
Sur ce quotidien de galère à la cité Gabriel Peri avec une mère seule, Jordan Bardella communiquera beaucoup. "Bardella, ce n’est pas Cosette", raconte un haut responsable du parti qui le connaît bien dans un récit-enquête du magasine M Le Monde sur l'enfance de la tête de liste RN.
"Il y a une part de réalité dans ce qu’il décrit, mais c’est surtout l’histoire d’un divorce qui laisse sa mère dans la galère", ajoute-t-il.
Le jeune garçon coule une adolescence plutôt tranquille, où il observe, plus qu'il ne subit, les difficultés de la banlieue très populaire où vit sa mère. C'est avec les cadeaux et les sous de papa qu'il se lance dans le monde adulte.
Un voyage à Miami en sortant du bac, une Smart offerte, un appartement à sa disposition à Montmorency dans le Val d'Oise, des virements sur son compte jusqu'à sa première paye... Le tout juste majeur, Jordan Bardella jouit d'une aisance et d'une chance que beaucoup n'ont pas dans la cité maternelle.
Très jeune, le jeune homme soigne ses mots et son apparence. On peut le voir, seul en chemise blanche, au milieu de ses camarades, sur une photo de classe du lycée, racontent nos collègues du M Magazine. "Il est très aimable et pas mal élevé du tout", s'accordent à dire beaucoup de politiques à BFMTV.com, dont certains sont ses plus farouches opposants.
ENCARTÉ AU FN À 16 ANS À LA STUPEUR GÉNÉRALE
Après avoir défendu dans un exercice d'éloquence les idées lepénistes, le jeune lycéen Bardella s'encarte au FN, à la stupeur de ses camarades.
Selon ses dires et ceux de son équipe de campagne qui aime raconter "la petite histoire", c'est un débat entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en 2012 dans l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2 qui le pousse dans le bain de l'engagement politique.
En parallèle de son parcours balbutiant chez les jeunes du FN 93, celui qu'on ne voyait pas particulièrement quelques années plus tôt ni parler de politique, ni s'y intéresser, s'occupe consciencieusement de dispenser des cours de français aux personnes exilées. Une contradiction avec les idées politiques qu'il défend que son entourage au lycée ne comprend pas.
Au Rassemblement national dans le 93, il gagne en notoriété après avoir exclu du mouvement un certain Maxence Buttey. Ce catholique converti à l'islam a eu le malheur de partager du contenu sur les réseaux sociaux pour expliquer son choix.
À l'époque, Jordan Bardella, secrétaire départemental du parti, évoque en ces mots l'épisode: Maxence Buttey est un "garçon instable, timoré et avec une capacité limitée au travail en groupe", explique froidement Jordan Bardella aux médias, pour qui la vidéo vantant l'Islam a été "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase".
À cette occasion, le jeune homme fait son premier passage télévisé sur France 3 Paris. L'éloquence est présente, la chemise blanche également. Le jeune Jordan ressemble déjà beaucoup à celui qui a pris fièrement la première place du podium des élections européennes 2024.
ZONES D'OMBRE ET PREMIER ÉCHEC
Sa carrière, ensuite, démarre en flèche. Après le secrétariat départemental du parti en 2014, à 19 ans, il devient de février à juin 2015, assistant du député européen FN Jean-François Jalkh. Ces cinq mois d'activité politique, il n'en parle pas. Est-ce à cause des propos négationnistes tenus par l'eurodéputé sur les chambres à gaz?
"Jordan Bardella n'a jamais fait et ne fait jamais d'erreur", défend auprès de BMFTV.com une de ses collaboratrices. La ligne disgracieuse est gommée du CV impeccable du jeune premier.
2015: il est élu pour la première fois. Tête de liste du Front national en Seine-Saint-Denis pour les élections régionales, il fait une campagne réussie où il s'occupe, selon ses mots, de "déconstruire le mythe qui oppose front national et banlieue".
C'est Florian Philippot, en pleine popularité dans le parti à la flamme et protégé de Marine Le Pen qui rapidement s'occupe de le former. Avec son aide, il lance un des énièmes "collectifs patriotes" qui ont fleuri à cette époque de montée en respectabilité du FN qui cherche à s'implanter parmi les corporations. Naturellement, celui du jeune Jordan, s'appelle Collectif Banlieues patriotes.
En 2017, il fait partie de l'équipe de la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Un débat d'entre-deux tours raté de la candidate plus tard, il s'essaie aux législatives et échoue.
BARDELLA REDEVIENT L'ENFANT DU 93
Jusqu'à cette date, Jordan Bardella ne revendique aucun passé ni aucune origine. De la Seine-Saint-Denis, point de mention. C'est en 2018 et en 2019 que le storytelling du gamin de banlieue s'écrit. Marine Le Pen le nomme d'abord porte-parole du parti et un an plus tard, (très) jeune tête de liste Rassemblement national aux élections européennes.
Un récit se créé. Des phrases comme "10 euros sur la table à la fin du mois”, la peur de “mourir pour une cigarette" commencent à sortir de la bouche du candidat. À cette époque, le RN assume de chercher des visages incarnés issus des banlieues, pour contrer l'influence du parti communiste et de La France insoumise dans les quartiers populaires.
"L'enfant du 93 qui n'a pas fini ses études et qui offre des scores record au Rassemblement national pour ces européennes... Ce storytelling, tout le monde l'a un peu gobé", constate auprès de BFMTV.com le politologue spécialisé de l'extrême droite, Jean-Yves Camus.