La descente en enfer de la politique d’E. Macron au Sahel étrillée par le Wall Street Journal.
Sous la présidence d’Emmanuel Macron, la relation de la France avec ses anciennes colonies est devenue des plus tumultueuse.
Cette dernière allant même jusqu’à perturber les efforts français et américains dans leur lutte respective contre le terrorisme.
C’est ce qu’analysent en détails Gabriele Steinhauser et Noemie Bisserbe dans les colonnes du Wall Street Journal, le 9 janvier 2024 (How France Fumbled Its Africa Ties and Fueled a Geopolitical Crisis).
Pour s’en convaincre, The Wall Street Journal, révèle que peu de temps après un coup d'État militaire au Mali, des responsables américains de haut niveau se rendirent au Palais de l’Élysée pour une réunion des plus secrète avec leurs homologues français.
Objectif de cette réunion ? S’accorder sur une liste de candidates susceptibles de prendre la suite du chef de la junte à Bamako.
Or Paris a bien suggéré quatre noms. Étant entendu qu’à l’Élysée qu'il était encore possible planifier un nouveau gouvernement civil.
Dans ce contexte, un appui de Washington était le bienvenu quant au soutien aux principaux candidats lors des discussions avec les instigateurs du coup d'État, pour autant les responsables américains ont refusé de fournir le moindre soutien et aucun des candidats choisis par les Français, n'a finalement conduit de gouvernement au Mali.
Depuis le Mali, ce vaste pays désertique est désormais l'épicentre de l'insurrection islamiste la plus active au Sahel .
Mais il y a plus, la crise au Mali est bien symptomatique de la politique étrangère du Président Emmanuel Macron en Afrique.
Force est de constater qu’Emmanuel Macron fait maintenant face à une vague de colère sans précédent dans le pré-carré de la France. Cette colère a large spectre s’entend du reste au Putschistes, aux leaders de l’opposition comme à la société civile.
Dès lors la France est accusée de tous les maux : il en va du sous-développement comme de la mal-gouvernance.
Dans ce contexte, estime, The Wall Street Journal, que les efforts américains quant à la lutte contre la montée de l'insurrection djihadiste en Afrique de l'Ouest-qui a tué environ 41 000 personnes depuis 2017- ont bel et bien été sapés.
Washington a- t-il dépensé des centaines de millions de dollars pour armer et former des armées locales afin de lutter contre les insurgés de l'État islamique et d'Al-Qaïda au cours de la dernière décennie.
Pour l’heure, ces mêmes commandants établissent des liens de sécurité avec la Russie et, dans le cas du Mali, ont engagé des mercenaires du groupe Wagner lié au Kremlin, souligne le quotidien.
Par ailleurs, les juntes militaires qui ont renversé les gouvernements élus au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont renforcé leur popularité en chassant les troupes françaises qui les aidaient à combattre les jihadistes.
Dans ce contexte, confrontés à des restrictions sur l'aide militaire aux gouvernements qui ont pris le pouvoir par des coups d'État, les États-Unis ont, au cours des derniers mois, réduit leur présence au Niger dans la région, à 650 soldats contre environ 1 100, et ont réduit les activités de leur base de drones à Agadez.
A ce titre, l'administration de Joe Biden est-elle actuellement en pourparlers pour déployer des drones au Ghana, en Côte d'Ivoire et au Bénin afin de tenter d'endiguer la propagation djihadiste.
Quant à la France ? Elle maintient ses soldats au Tchad, en Côte d'Ivoire, au Sénégal et au Gabon, souligne The Wall Street Journal.
"Nous en avons assez de la France. Nous en avons assez du mépris qu'ils nous montrent, Allez-y, laissez-nous tranquilles. Nous nous en sortirons très bien." Martèle Yaou Sangaré Bakary, le ministre des Affaires étrangères nommé par la junte du Niger, lors d'un rassemblement en octobre 2023 devant ce qui était alors la principale base française dans la capitale Niamey. "
Pourtant, Emmanuel Macron, premier chef d'État français né après la fin de l'ère coloniale, avait bien débuté son mandat en 2017 en promettant de réinitialiser la relation de son pays avec ses anciennes colonies africaines…
Or, il a suscité l'indignation de la droite en déclarant que la colonisation était un "crime contre l'humanité" et en promettant de restituer des œuvres d'art africaines pillées et de réformer le Franc CFA dont la moitié des réserves sont détenues à Paris.
« Après des décennies de politiques qui soutenaient effectivement des autocrates corrompus mais francophiles, une pratique devenue connue sous le nom de "Françafrique", Emmanuel Macron a-t-il déclaré qu'il voulait approfondir les liens avec la société civile africaine et les pays qui n'avaient pas fait partie de l'empire français » ne manquent pas de souligner Gabriele Steinhauser et Noemie Bisserbe dans The Wall Street Journal.
"Je suis d'une génération qui ne vient pas dire à l'Afrique quoi faire", a lancé Emmanuel Macron à une foule d'étudiants à l'université de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, quelques mois après son entrée en fonction. "
La proposition avec laquelle je viens devant vous est... que nous inventons ensemble une amitié."
Somme toute, les idées empruntées par d’Emanuel Macron reflétaient pourtant une criante nouvelle réalité pour le Continent.
Pour illustrer ce changement en Afrique, chacun relèvera qu’aujourd'hui que les plus grands partenaires commerciaux de la France en Afrique subsaharienne sont représentés par le Nigeria, l'Angola et l'Afrique du Sud. Étant entendu que ce sont trois pays qu'elle n'a jamais colonisés.
Chemin faisant, The Wall Street Journal, ne manque pas de pointer du doigt les succès français mais aussi les erreurs du Président Emmanuel conduisant à une catastrophe diplomatique, très largement consécutive aux bévues de commandement et aux ratés de communication …
De fait, les troupes françaises avaient-elles dirigé en 2013 une campagne réussie pour libérer le nord du Mali, y compris le site du patrimoine mondial de l'Unesco de Tombouctou, des militants d'Al-Qaïda.
Et lorsque les attaques se sont propagées au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, François Hollande, le prédécesseur de Macron, a-t-il lancé en 2014 l'opération Barkhane pour aider les gouvernements sahéliens à endiguer la montée djihadiste.
Pour sa part, Emmanuel Macron a-t-il continué d'ajouter des troupes à l'opération Barkhane, qui comptait jusqu'à 5 000 soldats français à son apogée.
Ces soldats français ont bel et bien éliminé des commandants djihadistes locaux, mais n'ont pas contenu l'insurrection plus vaste.
Dans ce contexte, les responsables français ont-ils argué qu'une grande partie du problème trouvait son fondement dans l'incapacité des gouvernements locaux à fournir des services dans des zones longtemps négligées.
C’est ainsi que Marc Mémier, ancien conseiller du représentant spécial de la France pour le Sahel avait lancé : "Nous tournions en rond", "Il n'y avait pas de volonté politique de la part des États où Barkhane était présent de s'installer dans les territoires où les terroristes avaient été éliminés." " Sans le soutien des gouvernements sahéliens, c'était une bataille perdue". "La plus grande erreur de la France, a été de continuer à mener une guerre de plus en plus impopulaire même lorsqu'elle réalisait que les armées locales étaient en proie à des problèmes de gouvernance et de corruption. " confesse Marc Mémier.
Sans le soutien des gouvernements sahéliens, c'était une bataille perdue", ajoute ce dernier.
Du reste, les soldats sahéliens estimaient qu'ils supportaient le poids de la lutte, sous les ordres de commandants français et avec un accès limité aux renseignements français, appuie Delina Goxho, chercheuse à la Scuola Normale Superiore de Florence, qui était basée à Niamey jusqu'au coup d'État de l’été 2023.
Depuis, les groupes islamistes ont comblé le vide, distribuant leur propre justice à travers des tribunaux de la charia. Certaines communautés les considéraient comme des protecteurs contre des armées nationales accusées d'atrocités contre les civils par les Nations Unies et des groupes de défense des droits de l'homme.
Dans la décennie suivant 2013, 58 soldats français ont été tués au combat au Sahel, contre plusieurs milliers de soldats des pays sahéliens, commente the Wall Street Journal.
Au chapitre des ratées de la communication, souligne le quotidien américain, la théorie du complot entourant la présence militaire française, l'ingérence politique et l'exploitation économique se sont bien répandues sur les médias sociaux, souvent amplifiées et parfois orchestrées par la Russie.
Or force est de constater que les efforts d’Emmanuel Macron pour contrer de telles désinformations ont souvent été vains et maladroits.
En décembre 2020, on a supprimé des dizaines de faux comptes et groupes d'Instagram et Facebook liés à l'armée française. Utilisant des photos de profil volées, dont celle de la légende de la boxe Muhammad Ali, les comptes français cherchaient à démasquer et à se quereller régulièrement avec un réseau de trolls en ligne russes. François Chauvancy, spécialiste de la cyber-guerre et général de brigade à la retraite de l'armée française, a confessé que ses anciens collègues avaient fait des "erreurs de débutant" dans leur cyber-campagne.
"Nous avons sous-estimé notre adversaire", a-t-il déclaré. Les troupes françaises ont également largué des tracts sur des villes et villages du nord du Mali pour rallier la population locale à leur cause. Certains prospectus censés dire "Barkhane vous protège" disaient plutôt "Barkhane vous surveille" en raison d'une erreur de traduction dans les langues locales, selon un rapport de l'Assemblée nationale de 2021.
Plus tôt cette année-là, une frappe aérienne française au Mali a accidentellement tué une vingtaine d'invités lors d'un mariage, selon une enquête de l'ONU.
Les responsables français affirment qu'ils ont commis des erreurs au Sahel, mais qu'ils sont injustement blâmés pour des problèmes qui, soixante ans après l'indépendance, relevaient de la responsabilité des gouvernements nationaux.
"La France a joué le rôle du bouc émissaire", confesse Marc Mémier.
Qu’on y songe, le style de communication parfois désinvolte d’Emmanuel Macron a également suscité l'indignation.
De fait, lors de son discours à Ouagadougou en 2017, l'ambiance a changé lorsque Macron a critiqué les taux de natalité des pays sahéliens, parmi les plus élevés au monde.
"Quand vous avez sept, huit, neuf enfants par femme, êtes-vous absolument sûr que dans chaque cas, dans chaque famille, c'était le choix de la femme ?", a demandé Macron aux auditeurs médusés, suscitant à la fois des huées et des applaudissements.
Pour certains auditeurs, la question rappelait des commentaires antérieurs où Emmanuel Macron qualifiait les taux de natalité élevés de problème "civilisationnel" déstabilisant le Sahel.
Une remarque improvisée lors d'une séance de questions-réponses avec le public de Ouagadougou a également suscité moult commentaires et polémiques : . "Il est parti réparer la climatisation", a plaisanté Emmanuel Macron lorsque son homologue burkinabè, Roch Kaboré, est parti de la scène peu après une question sur les pénuries d'électricité du pays.
Les collaborateurs de Rock Kaboré ont plus tard déclaré que le président était parti pour aller aux toilettes. Des commentateurs en Afrique et en France ont alors affirmé que Macron était raciste et condescendant, des accusations qu'il a niées.
"La communication de Macron a été désastreuse", a déclaré Nicolas Normand, ancien ambassadeur français au Mali, au Sénégal. "Il n'a jamais cessé de donner matière aux ennemis de la France."
Kako Nubukpo, homme politique togolais et commissaire à l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UMOA) qui représente un bloc de pays utilisant une monnaie régionale soutenue par la France, a déclaré que les promesses d’Emmanuel Macron de s'éloigner de dirigeants africains douteux ont créé des attentes qu'il n'a pas pu satisfaire….
Et il y a plus, en octobre 2021, Emmanuel Macron a organisé un sommet africain à Montpellier, invitant de jeunes activistes de la société civile mais aucun président africain. "Il prononce un discours qui donne aux jeunes l'impression qu'il se débarrassera des dictateurs africains", souligne Kako Nubukpo. "Et puis il ne le fait pas. Cela affaiblit la position de la France. Et cela montre une arrogance extrême envers les chefs d'État africains."
"En réalité, ce sont les mêmes dirigeants africains sur lesquels la France comptait dans sa lutte contre les djihadistes au Sahel. Cela a renouvelé la nécessité d'alliances gênantes avec des politiciens qui organisaient des élections de façade ou dont les administrations étaient impliquées dans des scandales de corruption". Conclut Kako Nubukpo.
Les manifestations de 2020 qui ont précédé le coup d'État malien ont été déclenchées par la colère contre des élections parlementaires où la participation n'était que de 23%.
Même après que les forces de sécurité ont réprimé violemment les manifestants, le gouvernement français est resté aux côtés du gouvernement de Keïta.
Un an plus tard, au Tchad, Macron a été le seul chef d'État occidental à assister aux funérailles du dirigeant de 30 ans, Idriss Déby. Son administration a reconnu son fils, Mahamat Déby, comme le nouveau président, même si son accession au pouvoir ignorait la ligne de succession prévue par la constitution tchadienne.
Beaucoup de ceux qui ont rejoint les manifestations pro-coup d'État au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon, où l'armée a destitué le président Ali Bongo en août 2023, ont déclaré considérer la démocratie comme un concept imposé par l'Occident qui n'a pas tenu ses promesses.
Kako Nubukpo, le commissaire togolais, a déclaré que de nombreuses politiques françaises, y compris son soutien au franc CFA, qui reste lié à l'euro, ont principalement profité aux élites locales.
"Ils achètent des maisons à Paris et envoient leurs enfants étudier en France", a-t-il pesté.
Pour l'économie en général, a-t-il ajouté, le manque de contrôle des gouvernements sur leurs taux de change a entravé le financement des entreprises et la croissance.
Dans cette perspective, Kako Nubukpo martèle volontiers que rompre les liens avec la France, que ce soit en ce qui concerne la monnaie ou le soutien militaire pour lutter contre les djihadistes, est une étape nécessaire, même si cela entraîne plus de turbulence à court terme.
"C'est le début d'une nouvelle ère" qui s’annonce. "Mais aussi une ère d'instabilité, d'incertitude." …
Olivier d’Auzon