Berlin en Afrique se dédouane de Paris
"Pendant trop longtemps, les Européens se sont reposés sur les implications coloniales de la France en Afrique - la récente vague de coups d'État est un signal d'alarme des plus éloquent…
Il convient dorénavant d’appeler au réveil de l’Union européenne.
Cette dernière, devrait à l’avenir mieux s’y prendre. Et pour être clair se défaire de tout paternalisme.
Maintenant, l'Allemagne a besoin d'un plan pour rivaliser sur place avec la Chine." Exhorte Mathieu von Rohr, éditorialiste au magazine allemand Der Spiegel.
Pour illustrer son plaidoyer l’éditorial du Der Spiegel, " Wir brauchen eine neue deutsche Afrikapolitik " ( Nous voulons pour l’Allemagne une nouvelle politique en Afrique) commente -t -il les récents coups d’État qui ont secoué « le pré carré gaulois » : Encore un coup d’État, encore dans une ancienne colonie française : au Gabon, la junte militaire vient de renverser le président Ali Bongo, qui a passé quatorze ans au pouvoir – après avoir succédé à son père, Omar Bongo, lequel gouvernait depuis 1967.
Ce pays riche en matières premières incarne mieux que tout autre la Françafrique : les liens politico-économiques funestes entre la France et ses anciennes colonies africaines.
Derrière une façade démocratique, ce tissu de corruption sert avant tout les entreprises françaises. Mais son heure semble bel et bien avoir sonné, déclare Mathieu von Ruhr
Ces derniers temps, Ali Bongo avait pris ses distances avec Paris, et Paris avec lui. Il n’en demeure pas moins que la proximité de son père avec le monde politique français était légendaire .
De fait, "Omar Bongo s’est trouvé au centre d’un immense scandale de corruption, l’affaire Elf Aquitaine (actuel groupe TotalÉnergies), et aurait injecté des millions dans la campagne présidentielle de Jacques Chirac de 1981 – plus tard, il lui aurait même offert une montre ornée de 200 diamants", peste l’éditorialiste.
Rares sont les dirigeants africains à avoir aussi brillamment maîtrisé le jeu du pouvoir postcolonial que Bongo père. Arrosant allègrement les leaders du pays, il s’est immiscé dans la politique intérieure française, et aurait eu un jour cette formule : “L’Afrique sans la France, c’est une voiture sans chauffeur. La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant.”
Une formule d’un autre temps. "L’époque française sur le continent africain touche en effet à sa fin. Voilà bien longtemps que l’Afrique ne veut plus de chauffeur" , martèle Mathieu von Rohr.
Force est de constater que la succession de coups d’État balaie les uns après les autres les gouvernements des anciennes colonies françaises.
Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, des putschistes explicitement opposés à Paris ont pris le pouvoir ; le sentiment anti-français gagne les populations de vastes pans de l’Afrique de l’Ouest.
"Dans le même temps, un peu partout sur le Continent, des pays aux régimes autoritaires à l’instar de la Russie, de la Chine ou de la Turquie gagnent du terrain.
Ils proposent même avec succès, des coopérations économiques, politiques et militaires aux nations africaines", souligne volontiers Der Spiegel.
On l’aura compris , le magazine germanique plaide assurément pour une nouvelle politique allemande en Afrique.
Dans cette perspective, Berlin a-t-il mis le cap sur le Continent.
Pour s’en convaincre, le chancelier allemand, Olaf Scholz a-t-il atterrit tour à tour au Kenya et en Éthiopie en mai 2023 et au Nigeria en octobre 2024, où un contrat d'approvisionnement en gaz a été dévoilé la semaine dernière avec le Nigeria, avec la livraison, à terme, de 1,2 million de tonnes de gaz naturel liquéfié par an.
Tandis que le ministre de l'Économie, Robert Habeck, s'est rendu en Namibie et en Afrique du Sud fin 2022 et que le ministre des Finances, Christian Lindner, allait au Mali et au Ghana en février 2023.
Leur objectif ? renforcer les liens économiques avec le Continent africain. Un marché trop longtemps ignoré par les entreprises allemandes. Étant entendu que ces dernières se sont focalisées sur l’Europe de l’Est et bien sûr sur l’Asie.
De fait, en 2022, la Chine contrôlait 30 % du marché africain des machines-outils, loin devant l'Allemagne (10 %). L’Afrique représentait dans les années 2010, moins de 1 % des investissements directs à l'étranger selon une étude de la banque publique KfW.
Pour Olaf Scholz, cette coopération avec les pays africains s'inscrit dans la vision d'un « monde multipolaire » -dans le même esprit que le forum économique « Compact with Africa » (pacte avec l'Afrique), une initiative lancée en 2017 par Berlin, à l'époque où elle présidait le G20- loin de l'affrontement classique Chine-Etats-Unis, où une Europe devrait trouver sa place, précise les Echos.
« Le potentiel de croissance en Afrique est énorme. Le continent est tout simplement incontournable dans la résolution des questions mondiales. Nous voulons, nous devons plus que jamais, en faire un partenaire pour l'économie durable de demain », a lancé Olaf Scholz.Et dans cette perspective, il a annoncé que l’Allemagne investirait quatre milliards d’euros supplémentaires dans l’initiative Afrique-UE pour l’énergie verte.
On l’aura compris, Berlin entend détrôner Paris en Afrique…