La riposte inédite de l’Iran contre Israël, est une attaque à minima
Samedi 13 avril 2024 au soir, l'Iran a lancé une attaque de drones et de missiles contre des cibles militaires en Israël, en réaction au bombardement du consulat iranien à Damas plus tôt dans le mois par l'État hébreu.
Dès lors on pourrait s’interroger sur la portée de cet acte.
Georges Malbrunot, journaliste au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient, le déclare de tout de go sur X " l’attaque de l'Iran contre Israël est absolument inédite "
Mais quels en sont les premiers enseignements ? Et Georges Malbrunot de poursuivre : " Premières leçons
. 1- 99% des 335 drones et missiles ont été interceptés par les systèmes de défense israéliens aidés par les US, la GB et la France… sans compter la Jordanie. Très peu de dégâts causés. Efficacité du Dôme de fer confirmé.
2- L'Iran a rompu avec sa politique traditionnelle de riposte asymétrique. Besoin de laver l'affront de l'assassinat par Israël des 7 gardiens de la révolution au consulat iranien de Damas. Une ligne rouge avait été franchie par Israël.
Téhéran répond en franchissant une ligne rouge. Sa crédibilité avait déjà été sérieusement entachée par l'élimination de très nombreux cadres militaires iraniens en Syrie par Israël au cours des dernières années. La guerre de l'ombre iranienne contre Israël ne suffisait plus, selon Téhéran.
3- L'Iran considère l'affaire "close". Elle ne veut pas aller plus loin. Il n'y a pas eu de collaboration massive de ses alliés - deux roquettes tirées par le Hezbollah contre le plateau du Golan et d'autres par les Houthis.
Son attaque suivie en direct peut être considérée comme une attaque à minima.
Téhéran a averti qu'en cas de riposte israélienne, la réponse iranienne serait cette fois plus massive. L'Iran a pris un risque. Téhéran a perdu le bénéfice de l'accusation d'escalade. C'est Benjamin Netanyahou qui légitimement peut accuser l'Iran de vouloir une escalade. Les pays arabes sans dénoncer nommément l'Iran désapprouvent.
4 - Quelle suite? La réponse est en grande partie à chercher aux Etats-Unis.
Selon le site Axios, Joe Biden s'opposera à une nouvelle attaque de riposte israélienne. Joe Biden a convoqué une réunion du G-7 cet après-midi du 14 avril 2024 pour entériner une "réponse diplomatique" à la plus grave crise irano-israélienne de ces dernières décennies "
Pour mémoire, l'Iran a répondu selon l'article 51 de la charte de l'ONU, pour asseoir juridiquement la riposte de Téhéran contre Israël. On oublie trop souvent de mentionner que deux bases aériennes israéliennes ont été détruites ainsi que des F35.
La Mission permanente de l'Iran auprès des Nations unies avait préalablement averti que son pays serait contraint de riposter à cette violation flagrante du droit international, après l'échec du Conseil de sécurité à agir.
Suite à ces frappes du 13 avril 2024, le même compte a déclaré : "La question peut être considérée comme réglée."
Plus tard, Joe Biden a affirmé que des militaires américains "ont aidé Israël à abattre presque tous les drones et missiles entrants", des rapports affirmant également que la Jordanie et le Royaume-Uni ont également fourni une assistance pertinente.
Pour l’heure, Israël n'a pas encore répondu à la salve de la nuit précédente, mais Axios a rapporté que Joe Biden avait déclaré à Benjamin Netanyahou que les États-Unis ne participeraient pas à des opérations offensives contre l'Iran. Selon eux, il lui aurait dit : "Vous avez gagné. Prenez la victoire."
Il est impossible de déterminer de manière indépendante si l'Iran a infligé des dommages sérieux aux installations militaires israéliennes ou si c'était simplement une attaque symbolique destinée à infliger de sérieux dommages psychologiques à sa population.
Un débat fait actuellement rage sur les réseaux sociaux pour savoir si cette réponse était plutôt un échec qu'autre chose. Les partisans de cette opinion croient que l'Iran voulait seulement "sauver la face" après le bombardement de son consulat à Damas et qu'il a télégraphié ses plans de frappe pour éviter une escalade.
Pour cette raison, ils pensent que sa décision de lancer cette salve de drones et de missiles depuis le territoire iranien visait tacitement à donner à Israël et à ses alliés suffisamment de temps pour en intercepter certains.
Quant au reste qui a réussi à passer, ils n'ont visé que des installations militaires, de sorte que le brouillard de la guerre pourrait être exploité par l'Iran et ses partisans sur les réseaux sociaux pour affirmer qu'Israël dissimule des dommages sérieux.
Cette théorie est plausible, mais ses opposants qui pensent que la réponse de l'Iran n'était pas un fiasco ont aussi des arguments valables.
Après tout, c'est la première fois que l'Iran attaque Israël depuis son territoire, l'impact psychologique de cela ne peut être surestimé.
L'intention aurait donc pu être de signaler ce qu'il est capable de faire à une échelle beaucoup plus grande en cas de nouvelle provocation afin de rétablir une semblance de dissuasion plutôt que d'infliger des dommages militaires significatifs cette fois-ci.
Si le rapport d'Axios est exact, alors les États-Unis ont reçu ce signal et comprennent très bien que l'Iran pourrait faire bien pire s'il le voulait.
Chaque point de vue offre des arguments convaincants, laissant penser que chacun pourrait avoir raison à sa manière.
Par conséquent, il se pourrait très bien que l'impact militaire de la réponse de l'Iran ait été délibérément destiné à être un échec, mais pour autant l'impact psychologique était significatif car il a laissé la population israélienne stupéfaite. Netanyahou n'a peut-être pas non plus prévu que Joe Biden lui intimerait l’ordre de se calmer…
Pour l’heure, la pression est dans le camp de B. Netanyahou. Elle tend chemin faisant à souligner la dépendance d’Israël vis à vis de ses alliés dans une situation sécuritaire fortement dégradée sous son administration. Dans ce contexte on indiquera que les États-Unis et le Royaume-Uni ont utilisé des missiles coûtant 500 000 dollars chacun pour détruire des drones coûtant 2 000 dollars à fabriquer.
Les prochains jours seront cruciaux. La possible conformité d'Israël à la demande rapportée des États-Unis de ne pas riposter de manière conventionnelle à l'intérieur de l'Iran suggérerait qu'un « climat » de dissuasion a effectivement été rétablie, ce qui donnerait donc du crédit aux affirmations selon lesquelles l'Iran aurait remporté une victoire stratégique.
Si Israël va à l'encontre de la demande rapportée des États-Unis, cependant, cela suggérerait que la dissuasion n'a pas été rétablie ou que Benjamin Netanyahou escalade pour des raisons personnelles et/ou politiques au risque considérable pour Israël.
Il est également possible qu'Israël télégraphie sa réponse conventionnelle à l'intérieur de l'Iran à des fins similaires de maîtrise de l'escalade afin de également "sauver la face" et ensuite en finir avec l'affaire pour le moment.
Dans ce cas, il ne peut être acquis que l'Iran laisserait tout à cela et ne se sentirait pas obligé de mener une autre frappe pour ses propres raisons de "sauver la face", risquant ainsi une spirale d'escalade incontrôlable. La réponse la plus rationnelle est qu'Israël se calme, mais il est prématuré de prédire qu'il le fera.