Les Américains mangent de la vache enragée au Niger
La junte militaire qui dirige le Niger, autrefois considéré comme un allié majeur des États-Unis en Afrique de l'Ouest jusqu'en 2023, a annoncé le 16 mars 2024 sur les ondes de la télévision nationale qu'elle mettait fin à sa coopération militaire avec le
L'annonce, émanant du porte-parole du gouvernement de la junte qui a renversé le président démocratiquement élu du Niger en 2023, est survenue juste après la visite de Molly Phee, secrétaire d'État adjointe américaine aux affaires africaines, et du général Michael E. Langley, responsable des opérations militaires américaines en Afrique, dans la capitale Niamey.
Cette mission s'inscrivait dans les efforts diplomatiques des États-Unis pour trouver des moyens de collaborer avec les gouvernements militaires de la région, où la violence perpétrée par des extrémistes islamistes s'est intensifiée ces dernières années.
Pour autant, dans la déclaration diffusée à la télévision, Amadou Abdramane, porte-parole de la junte, a vivement critiqué l'attitude du chef de la délégation américaine, accusé d'avoir sapé la longue relation entre les deux pays. Il a annoncé que le gouvernement nigérien "dénonçait avec effet immédiat" l'accord entre le Niger et l'armée américaine, ainsi que la présence de civils travaillant pour le Département de la Défense américain.
Amadou Abdramane a-t-il déclaré que la présence américaine sur le territoire nigérien était illégale et violait les règles constitutionnelles et démocratiques, soulignant que les citoyens du Niger devaient être consultés avant d'accueillir une armée étrangère sur leur sol.
Le porte-parole du Département d'État américain, Matthew Miller, a indiqué que les responsables américains étaient "conscients de la déclaration" et qu'elle faisait suite à des "discussions franches" avec les dirigeants de Niamey. Il a ajouté que les États-Unis étaient "en contact" avec la junte et fourniraient d'autres mises à jour si nécessaire.
Qu’on y songe, selon l'armée, plus de 1 000 soldats américains sont stationnés au Niger, et les États-Unis exploitent une base de drones dans le nord du pays pour surveiller les groupes extrémistes dans la région du Sahel.
Après le coup d'État de l'année dernière, les États-Unis ont largement suspendu leur aide militaire au Niger, se limitant à la surveillance pour protéger leurs forces. Molly Phee avait déclaré dans une interview au Washington Post en février 2024 que l'aide américaine resterait suspendue tant que le Niger n'aurait pas fixé de calendrier pour le rétablissement de la démocratie.
Le gouvernement nigérien a jusqu'à présent refusé de fixer une date pour les élections présidentielles, et le président Mohamed Bazoum, élu démocratiquement, reste assigné à résidence.
Le Niger, ainsi que ses voisins le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des juntes militaires, se sont rapprochés de la Russie, qui a déployé des efforts pour étendre son influence dans la région, notamment par le biais de partenariats en matière de sécurité. Abdramane a souligné que les relations du Niger avec la Russie remontent à des décennies et a critiqué les États-Unis pour avoir tenté "de priver le peuple souverain du Niger du droit de choisir ses partenaires et le type de partenariat capable de l'aider à lutter contre le terrorisme."
Peu après le coup d'État, la junte a demandé aux troupes françaises de quitter le pays, suivant l'exemple des juntes au Mali et au Burkina Faso. Chaque junte a justifié sa prise de pouvoir en promettant de progresser sur le plan de la sécurité. Mais tout comme au Mali et au Burkina Faso, le Niger a connu une augmentation significative des attaques de militants islamistes à la suite du coup d'État.
Les responsables militaires américains affirment que la base d'Agadez, construite il y a six ans pour 110 millions de dollars, est vitale pour la surveillance des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique en Afrique.
Dans une interview, général Michael E. Langley a averti que la fermeture de la base de drones aurait un "impact" au Niger et dans la région, ainsi que sur la stratégie antiterroriste des États-Unis. Il a souligné que la base était cruciale pour la surveillance active et l'alerte, y compris pour la défense intérieure.