Poutine, évoque dans son discours de réélection, l’établissement d’une "zone sanitaire/sécuritaire"… de quoi s’agit-il ?
Si les dynamiques militaro-stratégiques demeurent stables...
et que l'Occident est dirigé par des leaders "rationnels" soucieux d'éviter une apocalypse nucléaire, la proposition de Poutine d'établir une "zone sanitaire/sécuritaire" pourrait ouvrir la voie à un compromis visant à gérer de manière responsable la partition asymétrique de l'Ukraine.
Dans son discours de réélection, Poutine a averti lundi 18 mars au matin que les incursions terroristes de Kiev et l'utilisation d'armements occidentaux à longue portée pour frapper le territoire russe pourraient contraindre son pays à instaurer une "zone sanitaire" également qualifiée de "zone de sécurité". Cette idée avait été évoquée en janvier 2024 et ses dernières déclarations font suite aux propos de Medvedev, ancien président et actuel vice-président du Conseil de sécurité, sur les "frontières stratégiques" de la Russie.
Ce scénario est envisagé dans un contexte où l'OTAN pourrait intervenir de manière conventionnelle en Ukraine par le biais d'une "coalition des volontaires", probablement dirigée par la France, le Royaume-Uni et la Pologne, avec la participation attendue des États baltes. En parallèle, CNN, le Wall Street Journal et le Washington Post ont finalement reconnu que la Russie avait remporté la "course logistique" avec l'OTAN, une affirmation déjà avancée en septembre dernier par the New York Times.
En d'autres termes, le pire scénario imaginable du point de vue de Kiev pourrait bientôt se matérialiser, où l'avantage logistique de la Russie se traduirait par une percée de la ligne de contact (LOC), provoquant ainsi une intervention conventionnelle de l'OTAN.
Les risques d'un déclenchement de la Troisième Guerre mondiale par erreur de calcul augmenteraient, à moins qu'une entente tacite entre l'OTAN et la Russie ne soit conclue sur les limites de leur intervention respective.
C'est là que réside l'importance de la suggestion de Poutine d'établir une "zone sanitaire/sécuritaire" en Ukraine, car un compromis pourrait consister à ce que les forces armées ukrainiennes organisent un retrait aussi ordonné que possible au-delà du Dniepr si la Russie perce la LOC.
La Russie se limiterait alors aux frontières administratives de ses régions nouvellement réunifiées, sans franchir le Dniepr, tandis que l'OTAN resterait à l'ouest du fleuve, permettant ainsi la reprise des pourparlers de paix pour formaliser cet accord.
Ainsi, les risques d'une Troisième Guerre mondiale déclenchée par erreur de calcul pourraient être réduits au minimum, et les États-Unis et la Russie pourraient alors négocier les détails de la partition asymétrique de l'Ukraine.
L'OTAN établirait une "zone d'influence" sur la moitié ouest du pays, tandis que l'Occident accepterait tacitement le contrôle russe sur les quatre anciennes régions ukrainiennes réunifiées en septembre 2022. Le reste de l'Ukraine orientale resterait sous le contrôle politique de Kiev, mais deviendrait une zone tampon démilitarisée.
Ce compromis répondrait aux intérêts de chaque partie tout en laissant de la marge de manœuvre à l'autre pour y adhérer, sans pour autant réaliser leurs objectifs maximalistes respectifs.
La Russie sécuriserait ainsi ses régions nouvellement réunifiées et établirait une zone sanitaire/sécuritaire dans le reste de l'Ukraine orientale, tandis que Kiev maintiendrait la "légitimité" de ses frontières d'avant 2014 et que l'OTAN formaliserait sa présence dans le pays. Les deux parties s'équilibreraient le long de la nouvelle LOC et de la frontière biélorusse.
La Russie aurait un avantage en cas de rupture de l'armistice, comme celui évoqué par l'ancien commandant suprême de l'OTAN, James Stavridis, en novembre 2023.
La région démilitarisée dans l'est de l'Ukraine jouxterait directement la Biélorussie, la Russie d'avant 2014 et ses territoires nouvellement réunifiés, renforçant ainsi la nécessité de la présence formelle de l'OTAN dans la moitié ouest du pays pour rassurer le bloc quant à l'absence de toute intention russe d'exploiter cette position pour lancer une offensive.
Poutine a également mentionné la présence de forces de l'OTAN en Ukraine lors de son discours de réélection, ce qui justifie la proposition de formaliser cette présence afin de réduire les risques d'une Troisième Guerre mondiale déclenchée par erreur de calcul, comme une intervention conventionnelle de l'OTAN dans une "Course vers le Dniepr" si la LOC venait à céder. Cette formalisation pourrait s'accompagner d'un retrait aussi ordonné que possible des UAF au-delà du Dniepr pour démilitariser le reste de l'est de l'Ukraine, tandis que la Russie resterait dans les frontières de ses nouvelles régions.
Ce plan dépend, bien sûr, de plusieurs facteurs … à savoir :
1) une percée russe imminente à travers la LOC ;
2) l'intervention éventuelle de l'OTAN dans une "Course vers le Dniepr" ;
3) ce qui pourrait accroître les risques de déclenchement de la Troisième Guerre mondiale par erreur de calcul, une série d'événements que tout décideur responsable souhaite éviter.
Il est également possible qu'aucune percée ne se produise, que l'OTAN n'intervienne pas en cas de percée, ou qu'elle intervienne dans le but de "monter en escalade pour désescalader", flirtant ouvertement avec l'idée d'une Troisième Guerre mondiale.
Si les dynamiques militaro-stratégiques restent stables et que l'Occident est dirigé par des leaders "rationnels" soucieux d'éviter une apocalypse nucléaire, la proposition de Poutine d'établir une "zone sanitaire/sécuritaire" pourrait ouvrir la voie à un compromis visant à gérer de manière responsable la partition asymétrique de l'Ukraine.
On l’aura compris Moscou pourrait solliciter un médiateur de confiance tel que le Saint-Père et/ou l'Inde pour sonder l'intérêt de l'Occident à cet égard, une démarche que Washington pourrait considérer favorablement alors qu'il se prépare à se "Recentrer (à nouveau) vers l'Asie" pour contenir la Chine.