Les sociétés européennes au bord de l’explosion ?
Encore une fois et chaque jour, l’actualité européenne démontre le vrai visage des dangers géopolitiques qui guettent le Vieux continent.
Exactement ce que j’avais décrit dans ma précédente chronique du 3 novembre dernier.
Et c’est moins la montée de l’extrême-droite, que les médias mainstream et les intelligentsias progressistes essaient une nouvelle fois de nous présenter comme le risque absolu après la Russie (!), que la menace d’affrontements intercommunautaires violents et croissants qui attend les sociétés européennes.
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
Le jeudi 23 novembre, près d’une école à Dublin, en Irlande, un homme a poignardé, sans la moindre raison, un groupe de femmes et d'enfants, faisant cinq blessés.
Le soir de l’agression, The Irish Times évoquait une personne naturalisée irlandaise et vivant dans le pays depuis vingt ans. Le lendemain, Newsweek indiquait que le suspect était probablement un Algérien.
Des manifestations spontanées ont alors éclaté dans la capitale irlandaise et ont tourné à l'émeute. Des voitures et même un centre d'hébergement de clandestins ont été brûlés aux cris de « Les migrants dehors ! ». Les émeutiers ont été immédiatement décrits par le chef de la police comme « des hooligans déments motivés par une idéologie d’extrême-droite », alors que l’identité de l’agresseur fut délibérément occultée plusieurs heures…
Même Connor McGregor, le célèbre champion irlandais de MMA, a déclaré sa sympathie et son soutien aux émeutiers, se fendant d’un message sur X on ne peut plus clair : « c’est normal qu'on en ait assez de se faire tuer par des tordus qui n'ont de toute façon rien à faire là ! ».
La semaine précédente en France, c’était le drame de Crépol, petite commune de 500 habitants dans la Drôme.
Lors d’une fête de village, un groupe d’individus venu des cités voisines a pénétré de force dans la salle des fêtes et le jeune Thomas, 16 ans, a été poignardé à mort et plusieurs personnes ont été blessées lors de la rixe.
« On est là pour tuer des Blancs », aurait entendu à cette occasion un témoin, cité par Le Dauphiné Libéré, lors de la bagarre. Si l’éventuel mobile raciste anti-blanc (demandé par la famille de thomas) n’est toujours pas exclu par les enquêteurs, celui-ci a beaucoup agité les réseaux sociaux, notamment ceux de l’ultra-droite.
Quelques jours après le drame, des militants de cette ultra-droite ont manifesté à Romans-sur-Isère où le jeune Thomas était scolarisé. Très rapidement, six personnes ont alors été jugées en comparution immédiate au tribunal de Valence.
Elles ont été condamnées à des peines de six à dix mois de prison ferme. Ces hommes âgés de 18 à 25 ans ont également été interdits de séjourner dans la Drôme et de détenir une arme pendant cinq ans.
On peut déjà noter une nouvelle fois le deux poids deux mesures des autorités françaises et leur fâcheuse propension à être fort avec les faibles et faibles avec les forts qui irrite tant la majorité des Français.
En effet, rappelons les peines plutôt bienveillantes pour les émeutiers de l’été dernier où par exemple, un incendie d’une mairie (Villeneuve) n’avait valu que 6 mois de prison avec sursis pour leurs auteurs ou encore les 30 jours de travaux d’intérêt général pour un délinquant qui avaient traîné un policier sur 25 mètres avec sa voiture à Nantes…
Et on attend toujours de la part du ministre français de l’Intérieur, qui veut dissoudre les associations d’extrême-droite, la même sévérité avec l’organisation des Frères musulmans, interdits dans de nombreux pays arabes mais ayant encore pignon sur rue en France et en Europe !
Quoi qu’il en soit, on l’observe encore avec notamment la dernière sortie ubuesque à l’Assemblée nationale du garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, ou encore l’éditorial scandaleux de Patrick Cohen, les vrais dangers pour eux sont ailleurs et dans cette tragique affaire de Crépol, comme pour le Stade de France, Lampedusa, les émeutes de juillet, les attaques du Hamas du 7 octobre, l’insécurité en général, etc… c’est toujours la même stratégie pour certains responsables politiques comme certains journalistes : minimiser, relativiser, occulter la réalité (par exemple l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales qui détaillait la nature des violences - attaques au couteau, etc.-, a été fermé par l’État en 2020, et seules subsistent des données générales - coups et blessures volontaires...- !), mentir et enfin faire diversion.
Or les majorités silencieuses française et européenne ne sont plus dupes. Les opinions publiques ne supportent plus ces dénis et ce politiquement correct. La colère monte.
Ainsi, comme le rappelle Xavier Raufer, criminologue et essayiste, « L’origine profonde de tout cela résulte d'une méconnaissance complète du milieu criminel par les gens qui nous gouvernent ».
Une ignorance, selon lui, qui pousse le Président et ses ministres à réduire leur action à des coups de com’ et des « Je condamne fermement ».
L’expert ajoute : « nous ayons affaire à des dirigeants qui sont dans autre monde, vivant dans une autre sphère et dans l’illusion », et dénonce cette justice à deux vitesses concernant les auteurs de ces agressions à répétition.
Enfin, Raufer conclut que ce phénomène ne semble pas prêt de s’arranger car « Il est normal que les faits divers liés aux agressions et à l’insécurité aient lieu puisqu’on ne fait rien pour contrer réellement ceux qui se livrent à ces exactions ».
Plus encore, il est voué à s’aggraver car, selon le criminologue, la lâcheté de l’État face à ces nombreux faits divers finira par faire naître une auto-défense explosive chez ceux qui en sont les victimes.
L’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la Sécurité intérieure, ne dit pas autre chose. Selon lui, « nous sommes au bord d’un vrai risque d’affrontement » !
Celui-ci n’est malheureusement qu’une question de temps. Comme je l’écrivais déjà en 2019, « les frustrations, la déception, la rancœur et le désespoir s'enkystent de plus en plus dans les esprits et les cœurs.
Face à une classe dirigeante totalement discréditée, perçue comme hors-sol, confrontés à la « mondialisation malheureuse » et sans aucune alternative politique sérieuse, nul ne peut prévoir la réaction de certains de nos concitoyens désespérés et exaspérés qui, ne se sentant plus représentés, écoutés, protégés, sont habités par une colère qui n'attend malheureusement plus qu'une étincelle pour exploser ». « (…) La future guerre civile, que certains évoquent, a malheureusement déjà bel et bien commencé sur les réseaux sociaux » depuis au moins 2015…
Certes, les scores des partis dits d’extrême-droite vont continuer à croitre dans les prochaines élections, notamment dans la future échéance européenne. De même, Comme le souligne si justement Gabrielle Cluzel, la directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire, « Gérald Darmanin est content : la France a évité un scénario à l’irlandaise ! Mais pour éviter le scénario à l’israélienne, il y a quelque chose de prévu ? ».
Or comme je le notais déjà et encore en 2019, devant l’incompétence et la déconnection du personnel politique français face à l’insécurité et l’immigration, même si certains membres de l’ultra-droite se préparent au « Grand soir » (pour eux, la guerre civile), nous sommes encore très loin de la dangerosité et du sérieux de groupes comme La Cagoule, l’OAS, ou l’IRA irlandaise, ou encore l’ETA basque.
Pour l’instant, le vrai danger viendrait plutôt d’un illuminé ou d’un déséquilibré plus ou moins isolé, une sorte d’Anders Breivik ou d’un Brenton Tarrant version locale.
Ou pire des petites cellules complètement déconnectées et indépendantes les unes des autres, composées seulement de 2 à 3 personnes vraiment déterminées (pas plus, pour éviter ainsi les fuites et les infiltrations, comme en son temps les meilleures cellules de l’IRA que j’ai évoquée plus haut) et bien sûr totalement « low tech » (sans portables, internet ou réseaux sociaux…).
Là ce serait une tout autre histoire et le rêve de guerre civile en Europe d’Al-Souri, le théoricien d’Al Qaïda, pourrait malheureusement finir par se réaliser…