Maghreb: la Russie bat la France dans ce domaine
Pendant des décennies, la France a été perçue comme le principal partenaire économique des pays du Maghreb.
Ses relations privilégiées avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie étaient ancrées dans des accords bilatéraux, une proximité géographique, et un héritage historique. Cependant, cette position dominante, en particulier dans des secteurs stratégiques comme l'agriculture, fait face à de nouveaux défis. Parmi les concurrents émergents, la Russie s’affirme comme un acteur clé, bouleversant l’ordre établi et menaçant la suprématie française dans la région.
Le secteur céréalier, longtemps un pilier des échanges entre la France et les pays du Maghreb, subit actuellement des changements majeurs. En août 2024, un tournant s'est opéré lorsque la Russie a surpassé la France pour devenir le principal fournisseur de blé tendre au Maroc, une première historique. Ce bouleversement reflète non seulement les difficultés de l'agriculture française, mais aussi la montée en puissance de la Russie dans le secteur agricole mondial.
La récolte de blé tendre en France en 2024 a été catastrophique, n'atteignant que 25,17 millions de tonnes, soit un retour à des niveaux observés en 1940. Cette baisse drastique, bien en dessous de la production habituelle de 35 millions de tonnes, a gravement affecté les capacités d'exportation françaises, ouvrant ainsi la porte à la concurrence étrangère.
Profitant du recul de la France, la Russie a su se positionner comme un fournisseur de blé fiable et compétitif. En août 2024, sur les 4,3 millions de quintaux de blé tendre importés par le Maroc, la Russie en a fourni 1,92 million, soit 45 % du total. En comparaison, la France, reléguée à la quatrième place, n'a exporté que 0,33 million de quintaux, derrière la Roumanie et l'Ukraine.
Cette avancée russe sur le marché marocain des céréales n'est pas un cas isolé. Le Maroc, cherchant à diversifier ses sources d'approvisionnement, importe également du maïs et d'autres types de blé. Le port de Casablanca, principale plateforme d'entrée des céréales au Maroc, accueille désormais des cargaisons russes, roumaines et ukrainiennes, réduisant ainsi la part des exportations françaises.
Ce bouleversement dans les flux commerciaux céréaliers pourrait annoncer une transformation plus profonde des relations économiques entre le Maghreb et ses partenaires traditionnels, en particulier européens. La Russie, en s’affirmant comme un acteur clé et compétitif, pourrait élargir son influence dans d’autres secteurs économiques du Maghreb.
Pour la France, cette perte de parts de marché sonne comme un signal d'alarme. Elle souligne la nécessité pour l'agriculture française de s'adapter aux défis climatiques et à une concurrence internationale de plus en plus féroce. La diminution des exportations françaises vers le Maghreb pourrait affaiblir l'ensemble de la filière céréalière, qui dépendait largement de cette région comme débouché.
Cette nouvelle dynamique pousse à repenser les stratégies de coopération économique autour de la Méditerranée. Les pays du Maghreb, cherchant à sécuriser leur approvisionnement alimentaire, pourraient diversifier davantage leurs partenariats, renforçant ainsi les échanges avec des acteurs comme la Russie. Dans ce contexte, la France devra innover et renforcer ses relations économiques avec la région pour conserver sa position privilégiée.