E-gaming: le Maroc souhaite percer dans le domaine
Le Maroc œuvre à devenir un leader africain en matière de développement du e-sport.
En effet, de nombreuses initiatives ont été lancées ces dernières années par le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication, en coordination avec la Fédération royale marocaine des jeux électroniques (FRMJE).
En témoigne la déclaration de Mohamed Mehdi Bensaid, le jeudi 20 octobre, en marge du Morocco e-sport Summit.
« Ce premier rendez-vous autour du gaming est très important compte tenu de la volonté du Royaume de développer cette industrie prospère au niveau mondial. Les jeunes Marocains sont les premiers consommateurs de e-sport au niveau continental, et il est temps de passer à la production et au développement de contenus dans le domaine du gaming », a-t-il noté.
Et d’ajouter : « Le e-sport est un vecteur de développement de nouveaux métiers, comme l’intelligence artificielle et le coding, dont nous devons exploiter le potentiel. »
« Nous estimons que c’est le moment opportun pour aller dans le sens d’un développement du gaming, notamment au niveau de la création de contenus », a-t-il fait savoir, précisant que cette démarche est également portée par des entreprises mondiales leaders dans ce domaine.
État des lieux
Où en est le secteur du gaming au Maroc ? « La Fédération a été créée dans le sillage du développement social et économique insufflé par le Roi Mohammed VI en 2020 », rappelle le directeur marketing et communication de le FRMJE, Soufiane El Filali. Depuis, la fédération travaille étroite collaboration avec le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication.
Dans le cadre d’une convention de partenariat conclue en mars dernier entre ledit ministère et la Fédération « 28 Maisons de jeunes ont été équipées en espace de gaming un peu partout dans le Royaume, notamment à Agadir, Rabat, Dakhla, Es-Semara, Casablanca et Youssoufia », précise notre source.
« Nous avons l’ambition d’en équiper 100 d’ici la fin de l’année. L’idée à travers ce projet est l’inclusion des jeunes dans le gaming, mais aussi de leur permettre de jouer dans des conditions optimales. Nous aspirons également à identifier les talents qui pourraient nous représenter dans les années à venir dans les compétitions internationales ».
« La Fédération organise par ailleurs des formations au profit des jeunes dans les associations locales. Ce que l’on peut dire, c’est que le Maroc est sur le bon chemin pour devenir un hub du gaming en Afrique. Il s’agit d’un vrai levier d’investissement et d’emploi pour le pays. »
Le secteur a besoin d’une étude élargie
Quid du nombre de gamers au Maroc ? « Différents chiffres circulent dans ce sens », nous confie Soufiane El Filali. « Certaines études parlent de 4 millions de gamers, dont un million d’actifs, alors que d’autres parlent de 8 millions, dont 3 millions d’actifs. Tout dépend de la manière dont est défini un gamer. Par exemple, est-ce qu’un utilisateur qui joue à Candy Crush sur son mobile peut être considéré comme gamer ? »
« Dans tous les cas, ce que l’on peut assurer, c’est que le secteur ne se limite pas aux hommes et aux adolescents. Il attire une tranche d’âge plus large, notamment des personnes entre 34 ans et 44 ans qui commencent à consacrer beaucoup de temps aux jeux vidéo, mais aussi de plus en plus de femmes. »
« A ce jour, la Fédération connaît plus ou moins sa cible. On a lancé, dans ce sens, en début d’année, un ‘pass gamer’, qui est l’équivalent d’une licence. Ce pass permet aux gamers marocains de s’inscrire sur la plateforme de la Fédération, et d’être ainsi au courant de toutes les compétitions que nous allons organiser. »
Depuis son lancement, « nous avons pu identifier 37.000 personnes, avec leurs coordonnées, et les jeux qu’elles pratiquent. Le top 5 des jeux pratiqués au Maroc est le suivant : Fifa, Pubg mobile, Football, Free Fire et Valorant. Quant au top 5 des villes qui regroupent le plus de joueurs, il s’agit de Casablanca, en premier lieu, suivie de Marrakech, Agadir, Rabat et Fès ».
Pas de données précise sur l’activité économique du secteur
« A ce jour, il n’y a pas de chiffre exact du nombre d’entreprises opérant exclusivement dans le secteur », reconnaît Soufiane El Filali, qui estime qu’une étude élargie doit être menée pour avoir des chiffres plus parlants.
« La FRMEJ n’a démarré officiellement ses activité qu’en août 2021. Il faut donc lui laisser le temps de s’installer, de comprendre l’écosystème et de voir la possibilité de nous faire accompagner par des universités dans ce type d’études. »
Cependant, « ce secteur fait appel à plusieurs métiers, notamment les boîtes d’événementiel, les agences de communication et de marketing, les boîtes de production vidéo, les photographes, les auto-entrepreneurs tels les commentateurs, analystes et arbitres. Ce sont des métiers annexes au gaming, qui, peut-être dans les prochaines années, seront exclusivement dédiés à cette industrie ».
« Aujourd’hui, on fait appel à beaucoup de métiers, mais plus le secteur deviendra important, plus des entreprises se créeront et y opéreront exclusivement. On pourra à ce moment-là, par exemple, penser à la création de studios pour développer des jeux… »
Quant au chiffre d’affaires, « dans le monde, l’industrie du gaming a été évaluée en 2020 à 1.175 milliards de dollars. Elle dépasse ainsi les industries du cinéma et de la musique confondues, qui atteignent à elles deux 60 milliards de dollars. Ces chiffres donnent ainsi une idée sur ce que le gaming représente dans le monde ».
« Au Maroc, on parle d’un secteur évalué à 1,2 milliard de DH, avec de plus en plus d’emplois générés. Les débouchés existent dans le marketing, la communication, le e-commerce, la production de vidéos et dans plusieurs autres secteurs. »
La Fédération ne dispose pas non plus du chiffre exact relatif aux dépenses des gamers marocains dans cette industrie, mais Soufiane El Filali nous explique ce qui suit : « Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter des consoles à 5.000 DH ou des PC gamers à 30.000 DH, d’où l’objectif de la FRMJE de donner au maximum de Marocains la possibilité de jouer dans de bonnes conditions. Nous pourrons détecter des génies ou des talents qui représenteront le Royaume à l’international. »
Quelles opportunités pour l’économie marocaine ?
« La plus grande opportunité reste l’emploi », nous répond le directeur marketing et communication de la Fédération. « Le gaming peut représenter la porte d’entrée pour les jeunes Marocains, notamment dans le contexte actuel de digitalisation. Il y a également le fait que la moitié des métiers qui existeront en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. »
D’autres opportunités peuvent se présenter au Maroc, « notamment devenir le hub africain du gaming, à travers l’attraction d’investisseurs étrangers pour investir dans les jeux africains à venir, l’hébergement des serveurs au Maroc pour l’Afrique, et en attirant les médiateurs de jeux. Nous disposons de talents et de compétences qui pourraient répondre aux standards des grosses boîtes ».
Pour conclure, Soufiane El Filali nous cite cinq principaux défis et perspectives d’avenir. La première « est le développement d’une stratégie sportive responsable. C’est une mission à part entière. On ne veut pas que le gaming soit associé à l’addiction ou qu’il soit perçu comme néfaste pour les participants ».
« Deuxièmement, il faut installer des compétitions nationales ou internationales pour détecter les meilleurs profils qui vont représenter le Maroc à l’international. » Notre interlocuteur précise que le Royaume a déjà organisé plusieurs évènements au niveau national, et participé à des manifestations sur le plan international. Il a également gagné quelques compétitions.
« Il faut, par ailleurs, mettre en place des filières de formation dans le gaming. Pour réussir dans un domaine, il faut des compétences. Et pour cela, il faut former des gens. Nous allons dans ce sens essayer d’entamer un travail avec les universités, pour développer des diplômes en gaming. »
Soufiane El Filali appelle aussi à la « valorisation de l’attractivité du Maroc sur le e-sport, et à assurer une représentativité au niveau international ».
Et de conclure : « Enfin, il faut accompagner la transformation numérique dans le e-sport en général, sans oublier le fait que le gaming a son rôle à jouer dans la digitalisation, à travers les emplois et les compétences", selon medias24.