Minéraux critiques et pétrole : au cœur des priorités chinoises en Afrique
La récente tournée africaine du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi illustre bel et bien l’importance croissante que Pékin accorde à ses relations avec le continent africain, tant sur le plan stratégique qu’économique.
En visitant la Namibie, la République du Congo, le Tchad et le Nigeria au début de l’année 2025, Wang Yi poursuit une tradition de 35 ans consistant à inaugurer l’année diplomatique par une tournée africaine, signalant ainsi la place centrale de l’Afrique dans la politique étrangère chinoise.
Selon l’agence Xinhua, cette tradition témoigne de la volonté de la Chine d’être perçue comme un « partenaire fiable » et un « soutien indéfectible » pour l’Afrique sur la scène mondiale.
Contexte stratégique : minéraux critiques et repositionnement géopolitique
Cette tournée met en lumière plusieurs priorités stratégiques pour Pékin. D’une part, la quête de ressources critiques – telles que le lithium, le cobalt et l’uranium – est essentielle pour soutenir l’expansion chinoise dans les secteurs des énergies renouvelables et des technologies avancées, notamment les véhicules électriques.
La Namibie, par exemple, riche en uranium et située sur le littoral atlantique, constitue un acteur clé pour la Chine.
Paul Nantulya, chercheur au Centre d’études stratégiques sur l’Afrique, souligne que le pays est un partenaire maritime stratégique pour Pékin, où se concentrent plusieurs projets portuaires chinois.
La Namibie n’est cependant pas uniquement une source de ressources naturelles. Les investissements chinois y visent également les infrastructures, notamment une centrale solaire et une usine de dessalement.
Cette approche diversifiée reflète la stratégie de long terme de la Chine pour renforcer ses liens économiques avec ses partenaires africains tout en promouvant une image de coopération équitable.
République du Congo : diversification pétrolière et influence économique
La République du Congo, autre étape majeure de cette tournée, illustre une autre dimension des relations sino-africaines : le pétrole. Avec une économie dominée par cette ressource, représentant 80 % de ses exportations selon la Banque mondiale, le pays joue un rôle dans la diversification des approvisionnements énergétiques chinois. Cobus van Staden, éditeur au China Global South Project, note que Pékin cherche à élargir ses sources d’importations pétrolières, ce qui pourrait expliquer l’intérêt renouvelé pour ce pays.
Outre le pétrole, la Chine investit dans des projets d’infrastructure d’envergure, tels qu’un barrage hydroélectrique de 9 milliards de dollars et un aéroport modernisé. Ces investissements, associés à des dons comme le nouveau bâtiment du parlement congolais, renforcent la présence chinoise dans le pays et consolident son rôle d’allié stratégique.
La Chine entend combler le vide laissé par le retrait des troupes françaises.
Le Tchad, riche en pétrole et situé dans le Sahel instable, incarne l’intersection entre enjeux sécuritaires et économiques. Après avoir élevé ses relations avec Pékin au rang de « partenariat stratégique » lors du dernier FOCAC, le Tchad est devenu un point focal des ambitions chinoises pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques.
Paul Nantulya explique que cette région, marquée par une recrudescence des coups d’État et une montée du sentiment anti-français, offre une opportunité pour la Chine de combler le vide laissé par le retrait des troupes françaises.
Nigeria : le poids du commerce et de la démographie
Le Nigeria, avec sa population de plus de 200 millions d’habitants et son économie dynamique, est naturellement une priorité pour Pékin. Le commerce est un thème central des discussions, notamment l’accès des produits africains au marché chinois. Selon Cliff Mboya, chercheur au Centre d’études sino-africaines de l’Université de Johannesburg, le Nigeria a été l’un des pays les plus actifs lors du dernier FOCAC à demander un meilleur accès au marché chinois.
Cependant, les enjeux sécuritaires ne sont pas en reste. Le Nigeria partage avec le Tchad des défis liés aux insurrections djihadistes. Oluwole Ojewale, chercheur à l’Institut des études de sécurité, estime que Pékin pourrait également chercher à renforcer ses partenariats sécuritaires dans ces régions, consolidant ainsi sa position en tant qu’acteur global.
Un repositionnement géopolitique en toile de fond
Cette tournée africaine s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par le retrait progressif des puissances occidentales, notamment dans les anciennes colonies françaises d’Afrique. Paul Nantulya note que le Tchad est le cinquième pays de la région à demander le départ des troupes françaises, ouvrant ainsi la voie à une influence accrue de la Chine et de la Russie.
De plus, le voyage de Wang Yi survient à un moment critique : à quelques semaines de l’investiture de Donald Trump pour un second mandat présidentiel aux États-Unis. Selon Cobus van Staden, « la Chine cherche à projeter une image de stabilité et de fiabilité, contrastant avec les incertitudes liées à la politique étrangère américaine envers l’Afrique ».
En combinant symbolisme et pragmatisme, la tournée de Wang Yi met en évidence l’ambition de la Chine de s’imposer comme un partenaire incontournable pour l’Afrique.
À travers des investissements massifs, une diplomatie active et une attention aux préoccupations des pays africains, Pékin continue de renforcer sa position sur le continent, tout en exploitant les opportunités laissées vacantes par l’Occident
Olivier d’Auzon