Politicien français : Les relations entre la France et les EAU sont fortes et multiformes
L’ancien député de Vaucluse, Julien Aubert revient pour Al-Ain News sur les relations entre la France et les Émirats arabes unis, la COP 28 organisée à Dubaï à l’automne prochain et le grand sommet pour un « Nouveau pacte financier mondial ».
Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains, président d’Oser la France, mouvement d’inspiration gaulliste et chroniqueur géopolitique régulier pour Le Dialogue.
Voici le texte intégral de l’interview :
Al Ain : Les relations entre la France et les Émirats arabes unis (EAU) sont très bonnes. Comment évaluez-vous la coopération multiforme entre Paris et Abou Dhabi à l’international et particulièrement au Moyen-Orient ?
Julien Aubert : La relation est multiforme, mais elle a une caractéristique majeure : sa colonne vertébrale est la culture, avec la Sorbonne des sables et le Louvre d’Abu Dhabi. Ce sont deux projets qualitatifs car il ne s’agit pas d’un processus en surplomb, mais bien pour la France d’investir durablement et dans le respect des identités de chacun au cœur du Golfe.
AA : Du 30 novembre au 12 décembre 2023, les EAU seront le pays hôte de la COP 28, la conférence de l’ONU sur le climat. Le choix de ce pays et surtout la nomination de Sultan Ahmed al-Jaber, directeur général d'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) depuis février 2016, pour présider cette COP 28, ont suscité des critiques en Occident notamment de la part de certaines organisations écologistes. Quel est votre avis personnel sur ce dossier ?
JA : Il ne faut pas considérer que le fossile est un péché mortel. Chacun cherche à se développer avec les outils que lui a donnés la Nature, et les pays du Golfe ont bien compris que dans une génération, le développement économique basé sur la rente pétrolière déclinera.
Je trouve au contraire que le symbole est assez fort, et que Abu Dhabi est mobilisé sur ce sujet depuis de nombreuses années (cf. iRENA). Après, il faut que le pays hôte donne l’exemple et que cela ne soit pas juste de la « com’ ». L’enjeu est trop important pour les générations futures.
AA : Comme vous le soulignez, Les EAU n'ont cessé de consentir des efforts visant à lutter contre le changement climatique notamment la diversification des sources d'énergie. En quoi ces efforts peuvent faire de ce pays un modèle à suivre ?
JA : Je ne crois pas que l’on puisse transférer ou imiter les modèles des pays voisins. La France a commis cette erreur en voulant transposer le modèle Allemand, alors que son mix énergétique et sa structure économique étaient radicalement différentes.
En revanche, le fait qu’un pays faiblement peuplé et qui pourrait se reposer sur sa rente pétrolière prenne toute sa charge dans le concert des Nations peut avoir un impact psychologique à l’égard de pays plus importants, plus dépendants au fossile ou moins engagés.
AA : Depuis la nomination de Sultan Ahmed al-Jaber pour présider la COP 28, une campagne de stigmatisation a été lancée par certaines parties contre lui. Qu'en pensez-vous ?
JA : L’actuel ministre émirati de l’Industrie et des Technologies avancées est vu comme le PDG du géant pétrolier national, ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company), depuis 2016.
Nous avons en France le même problème à l’égard du groupe Total, victime de harcèlement injustifié. Il y a chez certaines ONG une forme de diabolisation des entreprises fossiles, comme si elles ne pouvaient que disparaître et certainement pas s’adapter.
Certaines ONG ne luttent pas contre le réchauffement climatique mais pour la décroissance et contre l’économie de marché. Je crois qu’il ne faut pas seulement voir Ahmed Al-Jaber sous ce prisme : avant ses fonctions à l’ADNOC, il est surtout le fondateur de Masdar, entreprise publique d’énergies renouvelables qui a investi dans plus d’une quarantaine de pays depuis sa création en 2006.
Je crois qu’on peut comprendre les inquiétudes des défenseurs historiques de l’environnement, mais c’est à Abu Dhabi de casser ces préjugés en montrant que les Cop ne sont pas là pour pleurer sur le problème mais trouver des solutions. Ce serait aussi l’occasion de démontrer que Masdar n’est pas une façade marketing mais qu’elle fonctionne. Pour ma part, je juge les gens aux résultats et aux actes.
AA : Les 22 et 23 juin 2023, la France accueille une conférence internationale pour un « Nouveau pacte financier mondial ». De nombreux pays seront représentés et bien entendu les EAU. Vous êtes un opposant à Emmanuel Macron mais comment jugez-vous cette initiative du président français lancée lors de la COP 27 en Égypte ? Et quel rôle concrêt peuvent jouer les bonnes relations entre Paris et Abou Dhabi dans cet évènement ?
JA : Le Président de la République est un habitué de ces initiatives politiques visant à susciter une mobilisation internationale sur les sujets internationaux.
Je suis assez sceptique sur la forme car l’endettement public post-Covid limite considérablement les possibilités de financement des États, si l’on est réaliste, et car les montants nécessaires sont gigantesques. La seule manière de résoudre l’équation serait de s’entendre pour taxer ce qui échappe aujourd’hui à l’impôt (par exemple, la spéculation internationale) et reverser au développement.
Mais jamais les Etats-Unis n’accepteront ceci. Donc nous verrons si la montagne accouche d’une souris. Abou Dhabi pourrait vouloir jouer le rôle de leader vert du Golfe.