Projet de loi immigration en France : ces mesures que le Conseil constitutionnel pourrait retoquer
Selon, le président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, Sacha Houlié, une trentaine de dispositions du texte adopté le 19 décembre par le Parlement pourraient être contraires à la Constitution.
Conditionnement de l'accès aux prestations sociales, restriction du droit du sol, instauration de quotas migratoires par le Parlement... Des dispositions du projet de loi immigration, adopté mardi 19 décembre par le Parlement, pourraient poser un problème d'inconstitutionnalité, selon Franceinfo.
Interrogé sur RTL, Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois à l'Assemblée nationale, estime leur nombre à une "trentaine". "Des mesures sont manifestement et clairement contraires à la Constitution", avait lui-même prévenu le jour du vote le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à propos de ce texte issu de la commission mixte paritaire (CMP).
Au lendemain de l'adoption, le président de la République a annoncé sur France 5 saisir le Conseil constitutionnel. Une soixantaine de députés de gauche (insoumis, socialistes, écologistes et communistes) ont aussi saisi les Sages et réclament, dans leur recours, la censure totale de la loi. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a pour sa part déposé un recours (PDF) concernant trois mesures.
"Cela signifie que ni les membres du gouvernement, ni les parlementaires n'estiment avoir comme responsabilité de contrôler ou de s'assurer au préalable de la constitutionnalité d'une loi, détachant l'action politique du cadre de la Constitution", relève Jean-François Kerléo, professeur de droit public à l'Université d'Aix-Marseille. "Le scénario le plus probable, c'est ce qu'on appelle une inconstitutionnalité partielle", c'est-à-dire que seule une "partie de la loi va pouvoir être promulguée", a estimé de son côté sur franceinfo Thibaud Mulier, constitutionnaliste.
Les "cavaliers législatifs" dans le viseur
Interdits par l'article 45 de la Constitution, les "cavaliers législatifs" sont des articles introduits par des parlementaires dans le texte, alors qu'ils "ne sont pas en rapport avec l'objet de la loi", rappelle sur franceinfo le constitutionnaliste Thibaud Mulier. Dans son recours auprès du Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron détaille les objectifs du texte qui, selon son intitulé officiel vise à "contrôler l'immigration" et "améliorer l'intégration" : "prévoir de nouvelles garanties au profit des étrangers qui suivent un parcours d'intégration de qualité", "accélérer les procédures destinées à éloigner du territoire national ceux qui commettent des infractions graves (...)", réformer "l'examen des demandes d'asile" et simplifier le "contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers".
Plusieurs mesures pourraient ne pas concerner ces objectifs : le projet de loi introduit par exemple des points concernant l'acquisition de la nationalité française, et non le séjour des étrangers sur le territoire français. Dans le volet du texte "assurer une meilleure intégration des étrangers", la fin de l'article premier prévoit par exemple de compléter des articles du Code civil portant sur l'acquisition de la nationalité française.
Ainsi, un niveau de langue minimum est requis. Plus loin, l'article 2 bis A ajoute un motif de déchéance de nationalité à l'article 25 du Code civil, et ce, en cas de condamnation pour "homicide volontaire commis sur toute personne dépositaire de l'autorité publique".
De même, le projet de loi ajoute au Code civil une obligation pour les personnes nées en France de parents étrangers de "manifester leur volonté" d'acquérir la nationalité française à leur majorité, à l'article 2 bis. Cela met fin au caractère automatique du "droit du sol".
Gérald Darmanin avait prévenu le Sénat, le 7 novembre : "Il ne faut pas mélanger le débat sur les étrangers en France avec celui sur l'accès à la nationalité ." "Nous ne mélangeons pas le Code civil [qui contient le Code de la nationalité] avec le Ceseda [qui encadre l'entrée et le séjour des étrangers et du droit d'asile]", avait-il encore assuré, le lendemain. Le ministre de l'Intérieur reprochait alors à la droite ses "amendements relatifs au code de la nationalité, qui sont d'évidents cavaliers législatifs".
Une atteinte possible à des droits protégés par la Constitution
Les dispositions durcissant le regroupement familial font également beaucoup parler. Elisabeth Borne a, elle-même, évoqué l'exigence d'un niveau de français élémentaire pour l'étranger souhaitant bénéficier du regroupement familial, prévue l'article 1er C. "Si vous épousez demain un Canadien ou un Japonais, il ne pourra pas rejoindre la France s'il ne parle pas bien français", a expliqué le 20 décembre sur France Inter la Première ministre, qui précise avoir fait part de ses doutes aux Républicains, à l'origine de cette disposition. Thibaud Mulier considère que cette mesure "va être censurée" pour "atteinte au droit et au respect à la vie privée" tel que prévu dans le préambule de la Constitution.