Réforme des retraites : une communication gouvernementale souvent épinglée
Dangers d’une "France à l’arrêt", femmes pénalisées par la réforme, pension minimum à 1 200 euros : la communication du gouvernement a souvent été mise en défaut depuis la présentation le 10 janvier de sa réforme des retraites.
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Tenir bon, menacer des conséquences du mouvement social et diviser les Français. C'est la stratégie que semble avoir adoptée dans sa communication le gouvernement français en cette semaine cruciale pour la réforme des retraites.
Alors que l'intersyndicale appelle à mettre "la France à l'arrêt", mardi 7 mars, pour signifier une nouvelle fois l'opposition des Français à une réforme qui doit faire reculer de 62 ans à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite, la communication de l'exécutif ne cesse d'être mise en difficulté et d'évoluer. Sur les manifestations, sur ses conséquences pour les femmes ou sur la retraite minimum à 1 200 euros, petit tour d'horizon des affirmations fluctuantes de la Première ministre Élisabeth Borne et de son gouvernement.
Du "profond respect pour les Français qui se mobilisent" à la mise en garde
Si un "appel à la responsabilité" a été lancé dès le 12 janvier par la Première ministre Élisabeth Borne pour "ne pas pénaliser les Français" lors de la première journée de mobilisation, le 19 janvier, contre la réforme des retraites, les manifestations sont dans un premier temps saluées par le gouvernement pour leur bon déroulement. "Je salue l'engagement des forces de l'ordre, comme des organisations syndicales, qui ont permis aux manifestations de se dérouler dans de bonnes conditions. Permettre que les opinions s'expriment est essentiel pour la démocratie", écrit ainsi Élisabeth Borne sur Twitter après la première manifestation, selon france24.
Je salue l’engagement des forces de l’ordre, comme des organisations syndicales, qui ont permis aux manifestations de se dérouler dans de bonnes conditions.
Permettre que les opinions s’expriment est essentiel pour la démocratie.
Continuons à débattre et à convaincre.
Et au soir de la deuxième journée de mobilisation, le 31 janvier, le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, fait part sur le plateau de TF1 de son "profond respect pour les Français qui se mobilisent".
Cinq semaines plus tard, le ton a changé. Alors que l'intersyndicale espère réunir mardi 7 mars le plus grand nombre de manifestants dans la rue depuis le début du mouvement et mettre "la France à l'arrêt", le gouvernement tente de retourner l'opinion contre les grévistes.
"Quand j'entends des responsables expliquer qu'ils veulent bloquer la France, en réalité, c'est les Français qu'ils vont bloquer. Quand j'entends certains qui disent qu'ils veulent mettre l'économie à genoux, c'est les travailleurs qu'ils vont mettre à genoux. Et surtout, c'est toujours ceux qui sont le plus en difficulté. Ceux qui trinquent en général, c'est ceux qui triment, c'est-à-dire les Français qui doivent se lever le matin, prendre leur métro, leur RER, leur voiture pour aller travailler", fustige le même Gabriel Attal, samedi 4 mars, au Salon de l'agriculture.
D'une pension minimum de 1 200 euros garantie à seulement 2,5 % des futurs retraités concernés
Mais le plus gros couac de communication – le plus gros mensonge, accusent les oppositions – concerne la pension minimum à 1 200 euros. Alors que le texte de la réforme précise bien que seules les personnes ayant eu une carrière complète au niveau du SMIC verront leur pension atteindre 85 % du Smic, soit environ 1 200 euros, de nombreux ministres et députés laissent entendre dans leurs interventions médiatiques que la réforme crée une pension plancher pour tous. "Deux millions de retraités actuels qui ont une retraite inférieure à 1 200 euros verront leur retraite majorée à 1 200 euros bruts par mois", affirme même le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, le 11 janvier, sur FranceInfo. "Nous avons voulu garantir une retraite minimale à 1 200 euros pour ceux qui ont les niveaux de retraite les plus faibles", assure quant à lui le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, le 2 février, sur LCI.
Mais plusieurs articles de presse et, surtout, l'intervention de l'économiste Michaël Zemmour sur France Inter, le 7 février, démontre qu'il n'en est rien et le gouvernement se retrouve dans l'embarras. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a alors bien du mal à chiffrer le nombre de bénéficiaires de la pension à 1 200 euros. "Grâce à cette réforme, parmi les retraités actuels, 1,8 million vont bénéficier d'une revalorisation de leur pension", explique-t-il le 13 février à l'Assemblée nationale. Et "nous savons que sur les 800 000 nouveaux retraités chaque année, 200 000 bénéficieront d'une pension plus importante du fait de cette mesure", soit une revalorisation pour un "quart des nouveaux retraités", assure-t-il, sans toutefois répondre à la question du nombre de personnes qui toucheront effectivement 1 200 euros.
Puis, deux jours plus tard, le ministre donne un chiffre sur France Inter : "Quand on me dit combien grâce à cette réforme vont passer le cap des 85 % du SMIC ? On a une prévision, elle m'est arrivée hier soir : 40 000 personnes de plus chaque année", indique Olivier Dussopt.
Ce chiffre est contesté dès le lendemain par le député socialiste Jérôme Guedj, qui interpelle le ministre du Travail au Palais Bourbon. Ce dernier refuse de lui répondre, mais dans un courrier daté du 23 février et rendu public le 28 février, Olivier Dussopt revoit ses estimations à la baisse, indiquant que seuls 10 000 à 20 000 nouveaux retraités chaque année verront leur pension revalorisée à 1 200 euros, soit moins de 2,5 % des futurs retraités.
Autant de couacs de communication qui alimentent déjà les rumeurs de remaniement ministériel après la réforme des retraites.