Réseaux Sociaux : Un nouveau langage voit le jour « l’algospeak »
Algospeak est un anglicisme qui désigne une forme de langage codé utilisé par les utilisateurs des réseaux sociaux, comme TikTok ou YouTube, afin de contourner les algorithmes qui modèrent certains contenus..
Le langage crypté pour contourner la censure n’est pas une pratique nouvelle. Sous les régimes dictatoriaux, par exemple, de nombreuses personnes ont développé des mots codés pour discuter de sujets tabous. Sur le web, le principe est le même. Pour contourner les systèmes de modération des contenus sur les réseaux sociaux, de plus en plus performants, les internautes multiplient les ruses langagières.
L’algospeak, contraction d’« algo » pour « algorithme », et de « speak » qui signifie « parler » en anglais, est un de ces dialectes des temps modernes en vogue actuellement sur les réseaux sociaux.
Le but est de Publier un message sur un sujet tabou, ou considéré comme « inapproprié » par les règles de modération des plateformes, sans se faire déclasser ou supprimer.
La plupart des réseaux sociaux (Facebook, YouTube, TikTok, etc.) sont équipés de systèmes de modération automatiques, qui fonctionnent à partir d’algorithmes capables de détecter des contenus extrêmes. Pour déjouer ces systèmes d’intelligence artificielle, le langage algospeak consiste à remplacer des mots tabous ou interdits par d’autres mots, des mots codés ou des tournures de phrases que les algorithmes ne (re)connaissent pas encore.
Créativité et ruse
Ce nouveau langage est né en particulier sur la plateforme TikTok, au début de la pandémie. Alors que les plateformes avaient tendance à déclasser les vidéos mentionnant le terme « Covid-19 » pour lutter contre la désinformation, les utilisateurs ont commencé à parler de la « tournée de retrouvailles des Backstreet Boys » ou à désigner la pandémie sous les termes de « panini » ou « panda express », explique le quotidien américain The Washington Post , dans un article publié au printemps 2022.
Pour parler de leurs difficultés psychologiques, des jeunes se sont mis à utiliser la formule « devenir non vivant » à la place de « pensées suicidaires » sur les réseaux, afin d’avoir des discussions franches sur le sujet.
Les euphémismes sont en effet courants dans certaines communautés radicalisées, car ils permettent d’atténuer des mots pour échapper aux restrictions. Et le phénomène s’observe pour la plupart des sujets de discussion sensibles.
Autre exemple : les travailleurs du sexe, qui ont longtemps été censurés par les systèmes de modération. Ils se désignent sur TikTok comme des « comptables » et utilisent l’émoji maïs pour remplacer le mot « porno ».
L’an dernier, des groupes « antivax » sur Facebook (opposés à la vaccination) ont commencé à changer leur nom en « dance party » ou « diner party » . Sur Instagram, on a vu des influenceurs désigner les personnes vaccinées par le mot de « nageurs ».
Plus récemment, lors de discussions sur l’invasion de l’Ukraine, des internautes sur YouTube et TikTok ont utilisé l’émoji tournesol pour désigner ce pays.
Brouiller la compréhension
De quoi pousser les internautes à renouveler sans cesse leur lexique pour échapper aux filtres des modérateurs. La culture web a d’ailleurs toujours été très inventive en termes de langage.
Dans les années 1980, les programmateurs informatiques communiquaient en leet speak, littéralement le « langage de l’élite ». Le principe ? Utiliser des caractères graphiquement voisins, par exemple « 5 » au lieu de « S », « 7 » au lieu de « T » pour brouiller la compréhension.
Depuis plusieurs années, il existe aussi le Voldemorting, une pratique en référence au personnage Voldemort dans la série Harry Potter, autrement appelé « celui dont on ne prononce pas le nom ».
L’objectif est de freiner la notoriété de certaines célébrités, ou marques par exemple, en ne les désignant pas nommément.
Face à ces ruses langagières, les algorithmes de modération sont toutefois toujours plus performants. Car derrière ces jeux de langage, il s’agit avant tout d’éradiquer les mauvais comportements, le harcèlement, les abus et la désinformation.
Nous rapporte ouest france .