Turquie : Défaite cuisante pour l’AKP d’Erdogan aux municipales
C’est la grande surprisse…
Le président turc a reconnu la défaite historique de son parti l’AKP, alors que l’opposition conserve Istanbul et Ankara et fait une percée spectaculaire en Anatolie… Le dépouillement partiel des urnes en Turquie dimanche soir des élections municipales dévoile une tendance favorable à l’opposition à Istanbul et Ankara, malgré l’investissement dans la campagne du président Recep Tayyip Erdogan. Le maire sortant d’Ankara, l’opposant Mansur Yavas, a revendiqué dimanche soir sa victoire dans la capitale turque devant une foule en liesse.
“Les élections sont terminées, nous continuerons de servir Ankara et (ses) six millions d’habitants sans discrimination”, a promis l’élu du parti CHP (social-démocrate), alors que le dépouillement des urnes, encore en cours, lui octroie une très confortable avance sur son principal rival.
Face à la crise économique qui frappe les ménages, les maires d’opposition d’Istanbul et Ankara, la capitale, étaient donnés favoris par les instituts de sondage.
Sur 33% des urnes dépouillées à 20H00 locales (17H00 GMT), le maire CHP (social-démocrate) sortant d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, était crédité de 49,7 % contre 41,5% à son principal adversaire du parti au pouvoir, AKP. Et à Ankara, le maire CHP Mansur Yavas était en bonne voie d’être reconduit avec 57,1% contre 35,6% à son opposant, après dépouillement de 15,4 % des urnes.
Le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis plus de deux décennies, a jeté tout son poids dans la campagne, en particulier à Istanbul, la capitale économique et culturelle du pays dont il a été le maire dans les années 1990 et qui avait basculé dans l’opposition en 2019. Mais son engagement n’a pas suffi, semble-t-il, au vu des premiers résultats.
Une réélection de M. Imamoglu à la tête de la plus grande ville du pays le lancerait d’ores et déjà dans la course à l’élection présidentielle de 2028. Le maire sortant a voulu rester prudent: “La photo que nous avons sous les yeux nous fait plaisir, mais attendons les résultats complets”, a déclaré M. Imamoglu à la presse dimanche soir.
À Ankara, la capitale politique, Mansur Yavas, autre poids lourd du CHP, s’oriente lui aussi vers une réélection confortable, avec 56,3% des voix après dépouillement de 12,4% des urnes. À Izmir (ouest), la troisième ville du pays - fief du parti social-démocrate - son candidat est également donné largement en tête.
“Il y a un besoin d’équilibre au moins au niveau local contre le gouvernement”, affirmait dimanche matin à l’AFP Serhan Solak, 56 ans, un habitant d’Ankara venu voter pour Mansur Yavas.
Dans le reste du pays, les candidats de l’AKP font comme attendu la course très largement en tête dans plusieurs grandes villes d’Anatolie (Konya, Kayseri, Erzurum) et de la mer Noire (Rize, Trabzon), bastions du président Erdogan, tandis que le parti pro-kurde DEM est donné vainqueur dans les grandes villes du sud-est à majorité kurde, dont Diyarbakir, la capitale informelle des Kurdes de Turquie.
Tout au long de la campagne, le président Erdogan a enchaîné deux à trois meetings par jour, bénéficiant d’un temps d’antenne illimité. Une nouvelle défaite de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) à Istanbul serait lourde de conséquences pour le chef de l’Etat.
S’accrochant à la ville, le président y avait fait rejouer l’élection municipale de 2019, pour finalement voir M. Imamoglu l’emporter de plus belle lors d’un second scrutin organisé trois mois plus tard, subissant ainsi son pire revers électoral depuis son arrivée au pouvoir en 2003 en tant que Premier ministre.
Le maire d’Istanbul, abonné au podium des personnalités politiques préférées des Turcs, n’a eu de cesse depuis de se poser en rival direct du chef de l’Etat, qui l’a pourtant dépeint en “maire à temps partiel” dévoré par ses ambitions nationales. Une victoire dimanche soir renforcerait son aura.