Turquie : L’inflation officielle atteint de nouveaux sommets
L’inflation a dépassé les 21 % sur un an alors que le cours de la livre turque a perdu 30 % depuis le mois d’octobre
Conséquence de la dégringolade de la monnaie, l’inflation a atteint vendredi un nouveau plafond en trois ans en Turquie et dépassé officiellement les 21 % sur un an, enfonçant encore davantage le pays dans le marasme. Cette inflation à 21,31 % (+1,5 point en un mois), qui rend le coût de la vie difficilement supportable pour nombre de familles, est plus de quatre fois supérieure à l’objectif initial du gouvernement.
Pourtant, l’opposition et plusieurs observateurs ont aussitôt mis en doute la réalité de ces chiffres officiels, accusant l’Office national des statistiques (Tuïk) de les sous-estimer. « Ce n’est plus une institution de l’Etat mais une dépendance du Palais », a ainsi dénoncé le chef du principal parti d’opposition, le CHP, Kemal Kilicdaroglu.
Le taux de change approche les 14 livres pour un dollar
La hausse des prix s’explique en grande partie par la chute de la livre turque, qui a vu sa valeur fondre de plus de 45 % face au dollar depuis le début de l’année et de près de 30 % depuis fin octobre, ce qui renchérit le coût des importations. Ce vendredi en fin de matinée, le taux de change approchait les 13,87 livres turques pour un dollar. En octobre, l’inflation avait atteint 19,89 % en glissement annuel.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a remplacé mercredi le ministre des Finances par son adjoint, a de nouveau rejeté cette semaine toute inflexion dans sa politique économique, qui suscite pourtant la défiance des marchés. Le chef de l’Etat continue de prôner des taux d’intérêt bas, arguant à rebours des théories économiques classiques que les taux élevés favorisent la hausse des prix. Face à la perspective de nouvelles baisses des taux d’intérêt qui pourraient intervenir ce mois-ci, l’agence de notation Fitch Ratings a annoncé vendredi avoir abaissé, de stable à négative, la perspective de la dette souveraine de la Turquie.
Image écornée auprès des investisseurs
Et pour entacher encore un peu plus l’image de la Turquie auprès des investisseurs, le Conseil de l’Europe, réuni à Strasbourg, a annoncé vendredi l’ouverture d’une rare procédure d’infraction pouvant conduire à des sanctions contre Ankara qui maintient en détention sans jugement le mécène Osman Kavala depuis quatre ans, en dépit d’une décision de la CEDH qui demandait sa « libération immédiate » en décembre 2019.
Conformément au souhait du président, la Banque centrale turque, officiellement indépendante, a abaissé son taux directeur en novembre (de 16 à 15 %) pour la troisième fois en moins de deux mois, au risque d’accroître plus encore l’inflation. La Banque centrale turque a toutefois annoncé mercredi être intervenue pour stopper la chute de la livre turque en vendant une partie de ses réserves en dollars. Cette mesure n’a pourtant pas réussi à freiner la glissade de la monnaie.