Guerre en Ukraine: TotalEnergies accusé de crime de Guerre
Deux associations ont porté plainte à Paris pour complicité de crimes de guerre, accusant le groupe français TotalEnergies d'avoir continué à exploiter un gisement en Russie .
TotalEnergies aurait permis de fabriquer du carburant utilisé par des avions russes engagés dans le conflit en Ukraine, a appris vendredi 14 octobre l'AFP de source proche du dossier.
Cette plainte a été déposée jeudi auprès du procureur national antiterroriste, compétent pour les crimes de guerre, par l'association basée en France Darwin Climax Coalition et l'association ukrainienne Razom we stand, qui appelle à imposer un embargo sur les importations d'énergie fossile de Russie.
Sollicité par l'AFP, le groupe français a dénoncé des accusations «outrancières», «diffamatoires» et «infondées».
La plainte, dont l'AFP a eu connaissance, rappelle que TotalEnergies détenait jusqu'à septembre 49% de la coentreprise Terneftegaz, qui exploite le gisement de Termokarstovoïe, dans le Grand Nord russe. Les 51% restants étaient détenus par le groupe russe Novatek, dont TotalEnergies est par ailleurs actionnaire à hauteur de 19,4%.
Or, selon un article du Monde paru le 24 août qui se basait sur plusieurs documents et une enquête de l'ONG Global Witness, le champ gazier de Termokarstovoïe a fourni du condensat de gaz à une raffinerie proche d'Omsk en Sibérie, qui en a fait du carburant, lequel a ensuite été expédié pour alimenter les avions russes engagés dans le conflit en Ukraine au moins jusqu'en juillet dernier.
Après la publication de l'article du Monde, le géant français de l'énergie avait assuré qu'il ne produisait «pas de kérosène pour l'armée russe». Deux jours plus tard, il avait indiqué s'être accordé le 18 juillet pour céder ses 49% dans Terneftegaz à Novatek. Cette vente a été finalisée en septembre.
Selon les plaignants, «en continuant d'exploiter le gisement de Termokarstovoïe» après l'invasion russe en Ukraine, lancée le 24 février, TotalEnergies a «contribué à fournir au gouvernement russe les moyens nécessaires à la commission des crimes de guerre» dans ce pays, où l'armée russe a notamment lancé des frappes aériennes contre des civils.
«Le carburant, indispensable aux opérations militaires aériennes, a donc indirectement servi à la Russie pour perpétrer les bombardements contre la population civile, qui ont conduit au décès d'au moins 5587 personnes et en ont blessé 7890», estiment les plaignants.
Ces derniers estiment par ailleurs que TotalEnergies ne pouvait ignorer les forts liens d'influence entre Novatek et le régime russe: l'oligarque Guennadi Timtchenko, un proche de Vladimir Poutine, a dû quitter en mars le conseil d'administration du groupe, étant visé par des sanctions européennes.
Leonid Mikhelson, directeur général de Novatek, est pour sa part visé par des sanctions britanniques.
«TotalEnergies réfute catégoriquement l'ensemble des allégations infondées de Global Witness, publiées par le journal Le Monde en août dernier», a rappelé vendredi le groupe, affirmant que les condensats instables produits par Terneftegaz avaient été «exportés à l'étranger» et n'avaient donc pas pu être utilisés par l'armée russe comme carburant pour ses avions.
«Être “complice de crimes de guerre” c'est fournir une aide directe à un État ou à une organisation criminelle auteurs des crimes», a par ailleurs estimé TotalEnergies. «Ces accusations sont une insulte à l'intégrité de nos équipes».
La plainte souligne de son côté «l'évolution juridique de la notion de complicité, revenant à considérer que les grands acteurs privés (et publics) peuvent être poursuivis (...) même si la preuve n'est pas rapportée qu'ils partagent le dessein de l'auteur principal», en l'occurrence de l'armée russe.
«La justice ne peut plus être aveugle face au concours indirect mais essentiel que des multinationales apportent à l'effort de guerre ou aux bénéfices considérables que continuent à tirer des multinationales après l'invasion de l'Ukraine», ont de leur côté commenté auprès de l'AFP les avocats des associations, Mes William Bourdon, Vincent Brengarth et Henri Thuilliez.
«La France ne peut à la fois condamner l'invasion et rester inactive face aux comportements qui l'entretiennent», ont-ils ajouté.Nous rapporte Le Figaro .