Zinédine Zidane aurait-il pu jouer en 2023 ?
Légende du football français, Zinédine Zidane a fêté ses 51 ans la semaine passée. L'occasion pour lui d'évoquer son actualité mais aussi de donner son regard sur le football en 2023 pour Téléfoot.
A ses yeux, les prérequis physiques actuels auraient pu l'empêcher de donner sa pleine mesure footballistique. Alors, Zidane aurait-il eu sa place en 2023 ? Et si oui, à quel poste ?
C'est une confession marquée du sceau de l'humilité qui le caractérise. Dimanche, c'est un Zinédine Zidane très détendu qui a répondu aux questions de Téléfoot. Au menu, son avenir, les performances de Kylian Mbappé, l'arrivée de Jude Bellingham au Real Madrid, notamment. Mais c'est une autre séquence qui a interpelé. Invité à donner son avis sur le football actuel, ZZ a été d'une transparence totale : le sport pratiqué en 2023 n'a plus grand-chose à voir avec celui de son époque, selon eurosport.
"Je crois clairement que physiquement, ça a beaucoup changé, a-t-il estimé. A notre époque, tu pouvais être un peu moins bien physiquement, ce n’était pas bien grave. On pouvait toujours s'en sortir avec notre technique. Aujourd'hui, je pense que ce serait plus compliqué". Zidane aurait-il pu être joueur en 2023 ? Il semble en douter : "c'est un football différent, peut-être que sur le plan physique ça m'aurait joué des tours, confesse-t-il encore. C'était peut-être aussi mon problème quand j'étais joueur. J'étais très très sérieux mais parce que j'avais du mal physiquement à récupérer".
PUISSANCE, INTENSITÉ ET EXPLOSIVITÉ
Il n'en fallu pas plus pour alerter la France du football : Zinédine Zidane, l'idole nationale, l'un des meilleurs joueurs de l'histoire, n'aurait donc pas sa place dans le foot actuel ? Physiquement, la question se tient.
"Avant, l'important c'était surtout d'être endurant, rembobine Jean-Marc Branger, ancien joueur pro dans les années 90 et préparateur physique dans plusieurs clubs pro depuis 2007. Aujourd'hui, il faut être endurant, explosif, aller vite et être puissant.Donc Zidane a raison sur ça : il faut être tellement complet physiquement aujourd'hui. C'est impossible de compenser via la technique ou l'expérience, comme ça pouvait être le cas par le passé. L'endurance est encore capitale puisqu'il faut pouvoir encaisser 60 à 80 matches par saison. Mais, dans les matches désormais, ce qui prime c'est la puissance et la vitesse".
A première vue, pas la qualité première de ZZ. Si l'ancien capitaine des Bleus avait du mal à enchaîner au milieu des années 2000, il risquerait de carrément souffrir en 2023. Le fait qu'il ait tenu les rênes du plus grand club monde très récemment donne encore de plus pertinence à son propos. "Comme on insiste énormément sur la puissance et la vitesse, on a plus de chances d'avoir des pépins musculaires que quelqu'un de très endurant, continue Jean-Marc Branger. Le problème est là aujourd'hui : les soins ont aussi énormément évolué mais quand vous avez vos entraînements là-dessus, votre corps est sur le qui-vive en permanence en réalité".
Reste que l'apparition de la data au quotidien, l'individualisation presque systématique du travail physique et l'accompagnement hors-terrain pour le fameux "travail invisible" aurait sans doute permis à Zidane de combler ses éventuelles lacunes physiques pour performer encore aujourd'hui. Mais l'essentiel est finalement ailleurs : Zidane aurait-il pu être Zidane en 2023 ?
LA MORT DU N°10
Car la révolution physique a eu de vraies conséquences tactiques. Oublié le numéro 10 qui voit tout avant tout le monde mais qui peut parfois traîner des pieds à la récupération ou prendre son temps à la création. En 2023, l'intensité est le maître mot. Entre les saisons 2006-2007 et 2012-2013, la Premier League avait constaté une hausse de 49% des actions réalisées à haute intensité. Le chiffre n'a fait qu'évoluer dans la décennie passée où les mots-clés sont devenus transition et contre-pressing.
"Juste après ma conférence de presse d'arrivée à Barcelone, Van Gaal m’a dit que j’étais le meilleur du monde quand on avait la balle mais qu’on jouait à 10 quand on ne l’avait plus", se marrait ainsi Juan Roman Riquelme, possiblement le dernier grand numéro 10 du XXIe siècle même si Mesut Özil pourrait avoir son mot à dire. L'anecdote prête à sourire mais symbolise complètement le grand basculement des trente dernières années. Aujourd'hui, prime à l'intensité plus qu'à la créativité.
"Francisco Filho, formateur historique à l’INF Clairefontaine, nous expliquait qu’un profil comme Riquelme aurait beaucoup de mal à évoluer au très haut niveau aujourd’hui parce qu’il y a un déficit d’explosivité sur les premiers mètres", nous expliquait ainsi Christophe Kuchly, journaliste auteur de livres sur la tactique, dont "L’Odyssée du 10", en 2021. Un état de fait confirmé par Jocelyn Gourvennec, aujourd'hui entraîneur mais autrefois numéro 10 à l'ancienne.