Courtisée par Washington, Moscou et Pékin: l’Afrique est condamnée à être non alignée
Courtisée par Washington, Moscou et Pékin: l’Afrique est condamnée à être non alignée
Qu’on y songe, la destinée du monde ne doit-elle pas être comprise à l’aune de la fin de l’hyper puissance de Washington.
Étant entendu que bientôt 30 ans après la fin de la guerre froide, ce sont bel et bien Pékin et Moscou qui mènent la danse, au grand dam de l’Oncle Sam.
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Dans ce contexte, « l’Opération spéciale » lancée en 2022 par la Russie en Ukraine, ne serait être qu’assimilée qu’à une véritable « guerre par procuration » de la Russie et du « reste », contre les Etats-Unis et ses vassaux.
C’est ainsi qu’on soulignera volontiers que les Afriques militent pour attirer les grandes puissances, pourvu qu’elles soient diverses, dans la perspective de ce réalignement qui se dessine en direct.
Pour s’en convaincre, on recherchera des preuves :
De fait, les Afriques (ou l’Afrique), ne représentent-elles pas un Bloc à part entière à l’ONU, fort, soit 28 % des voies à l’Assemblée générale de cette même Organisation ? L’Afrique n’est-elle pas bénie des Dieux, compte tenu de ses minéraux rares et stratégiques ?
L’Afrique n’est-elle pas riche de sa jeunesse, soit 42% de la jeunesse à l’horizon 2023 ?
Et quid des routes maritimes-Golfe de Guinée, le Cap de Bonne -Espérance, Golfe d’Aden, le Canal de Suez, la Mer Rouge oh combien stratégiques pour le commerce mondial ?
Chemin faisant, on reviendra sur ses richesses faites de métaux rares et stratégiques :
« On dit souvent que la République démocratique du Congo (RDC) est un véritable scandale géologique, tant ses ressources minières sont importantes et diverses, explique Alexandra Brangeon su Service Afrique de RFI.
Or, diamants, cuivre, coltan, cobalt, le sous- sol congolais est l'un des plus riches de la planète. Au total, une cinquantaine de minéraux est présente dans le sous- sol du pays, mais seule une douzaine de ces minéraux est exploitée, soit en raison de leur faible valeur commerciale ou parce que leur exploitation est difficile à aussi les coûteuses ou même en raison de l'insécurité.
La plupart de ces minerais se trouvent dans le Sud et l'Est du pays, de l'or dans l'Itouri, le Nord et le Sud Kivu, du diamant dans le Kassai, le Sankoru, du cuivre et du cobalt dans le Okatanga et le Loa-Laba, du coltan dans le Nord et Sud Kivu, le Maniema et le Tanganyika. Le pays possède également du plomb, de l'uranium, du zinc, de l'étain, du manganèse, du charbon, du pétrole et du lithium.
Parmi ces ressources les plus convoitées, les minéraux qu'on appelle numériques, c'est-à-dire utilisés dans l'électronique, avec en tête le cobalt, un minéral rare stratégique pour la transition écologique puisqu'il est utilisé dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
La RDC possède la plus importante réserve de cobalt au monde, située principalement dans les provinces du Haut-Katanga et du Loa-Laba.
Autre minerai stratégique pour la RDC, le coltan, également utilisé dans l'électronique. Le pays détiendrait plus de 50% des réserves mondiales. La quantité exacte n'est pas connue en raison du manque de données géologique.
On le trouve dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, de l'Itouri et du Maniéma. Quand on parle de coltan, on parle également de cassitérite, également utilisée dans l'électronique. Mais la principale ressource minière de la RDC, c'est le cuivre utilisé dans la fabrication de câbles et fils électriques.
Le pays est le deuxième producteur mondial de cuivre derrière le Chili, avec près de 50% de de 2,4 millions de tonnes de cuivre produits l'année dernière, un record. Avec la transition vers l'énergie verte, la demande pour certains minerais devrait continuer à croître ces prochaines années, comme par exemple le cobalt.
Aujourd'hui, 80% du cobalt est utilisé pour fabriquer des batteries de téléphone, d'ordinateur, mais de plus en plus des batteries de véhicules électriques, vélos ou voitures. Une batterie de téléphone portable contient entre 5 et 10 grammes de cobalt, celle d'une voiture, entre 5 et 10 kilos.
Que rapportent toutes ces ressources minières à l'État congolais ?
En 2022, l'ensemble de la production minière a généré environ 24 milliards de dollars de chiffre d'affaires, dont un tiers doit atterrir dans les caisses de l'État, selon le Code minier.
L'exploitation minière à grande échelle contribue à hauteur de 20% du produit intérieur brut. Le secteur artisanal, lui, emploie près d'un million de personnes.
La RDC est donc assise sur un potentiel énorme, estime le géologue congolais Léon Muppé-Pele, pour qui le sous- sol congolais est encore loin d'avoir révélé tous ses secrets. » Alexandra Brangeon, Service Afrique, RFI.
Parmi ses richesses en hydrocarbures, on pense naturellement à l’Algérie, à l’Angola, au Nigeria et au Mozambique qui attirent toutes les convoitises …
Chacun sait qu’au cours de l’année 2022, les Afriques ont bel et bien exporté la bagatelle de 43,1 milliards de marchandises vers les vers les États-Unis tandis qu’elles en n’ont importé pour 30,6 milliards de dollars.
A ce titre on pourrait comparer ces chiffres avec ceux relatifs à l’Empire du milieu.
C’est ainsi que la Chine a exporté 164,1 milliards de dollars vers l'Afrique et importé 117,5 milliards de dollars de marchandises africaines la même année.
Avec des exportations africaines totalisant 661,4 milliards de dollars, les États-Unis représentent 6,5 % et la Chine 17,7 %.
Dans ce contexte, l’Empire du milieu est en passe de se placer à la première place commerciale du continent africain ,en qualité d’État, et ce alors que l'Union européenne se maintient en tête. Elle récolte assurément les fruits de près d’une décennie de Forum sur la coopération sino-africaine.
Pour leur part, les Etats-Unis disposent de la Loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique-qui expire en 2023 (GOA), pour développer le commerce et encourager les bons comportements .Cet instrument tend du reste à montrer que le commerce entre le Continent et les Etats-Unis connaît une tendance baissière, pour ne pas dire en déclin.
Quant à la Russie, son emprunte commerciale est beaucoup plus faible : ses exportations et importations s'élevaient à environ 18 milliards de dollars en 2022.
Pour autant , elle a préféré miser sur les aspects sécuritaires au grand dam de Paris et de Washington, en s’appuyant notamment sur son passé dans la guerre froide.
« Compte tenu de la diminution relative des échanges commerciaux entre les États-Unis et l'Afrique, les États-Unis pourraient chercher à faire appel à des tiers. Ils pourraient potentiellement influencer l'UE pour qu'elle influence l'Afrique », commente Bhaso Ndzendze, de l’Université Johannesburg pour the Conversation, dans son article : « L'Afrique courtisée par la Chine, la Russie et les États-Unis : pourquoi le continent ne doit pas choisir son camp », publié le 28 août 2023.
L'affaire Huawei est éloquente à ce titre, « Washington a-t-il fait pression sur plusieurs de leurs alliés pour qu'ils cessent de faire des affaires avec le géant chinois de la technologie. Selon les données de la CNUCED, la France (60 milliards de dollars) pourrait y avoir des conséquences pour l'Afrique en tant que tierce partie.
Il pourrait s'agir de pressions indues sur le continent pour qu'il adopte un certain comportement vis-à-vis de la Chine et de la Russie », souligne Bhaso Ndzendze.
Olivier d’Auzon