L'ancien candidat gabonais à la présidentielle André Boassa à Al Ain News : La nature des relations avec la France est responsable des coups d'État en Afrique
Le coup d’État au Gabon était-il prévu depuis longtemps et Sylvia, l’épouse du président, a-t-elle vraiment été la goutte qui a fait déborder le vase?, a indiqué André Vincent Bouassa.
- Coup d’Etat au Gabon : Les activités militaires françaises suspendues par le gouvernement !
- Comme à Paris, Libreville, Niamey ou Bamako, Emmanuel Macron n’a pas de levier pour manœuvrer (expert)
Dans une interview pour Al-Ain News, André Vincent Bouassa, ancien candidat a la présidence, est revenu sur le dernier coup d'État au Gabon.
Un coup d'État qui a chassé du pouvoir Ali Bongo, et les militaires avaient pris la direction au moins d'une heure, laissant place à de nombreuses questions sur les dessous d’ un événement retentissant.
André Vincent Bouassa, ancien candidat a la présidence, a révèlé a "Al-Ain News" les dessous d'un événement retentissant.Interview.
°°Veuillez-vous présenter au public arabe ?
Je suis africain de nationalité gabonaise, vivant aux USA depuis 24 ans. Je suis chef d’entreprise dans les secteurs de l’aviation, la technologie financière et dans les finances. Je suis président du mouvement politique Gabon Nouveau et Innové. Pendant trois élections de suite, j’ai représenté en Amérique du Nord le candidat de l’Union du Peuple Gabonais( U.P.G. ) dont le défunt Pierre Mamboundou, la coalition de l’opposition avec Jean Ping et aujourd’hui le professeur Albert Ondo Ossa candidat représentant la coalition de l’opposition Alternance 2023 et vainqueur des élections de 2023.
°°Pourquoi êtes-vous opposé à la candidature d'Ali Bongo lors des élections récentes ?
J’ai été toujours opposé à la candidature de son parti le Parti Démocratique Gabonais (PDG) dont Omar Bongo son père était le candidat naturel et lui est devenu aussi l’héritier naturel. Depuis 1967 et cela fait 56 ans que la famille Bongo a géré sans partage le Gabon ce beau pays avec des ressources naturelles immenses. Le Gabon n’est pas un royaume, mais une république. Les élections ont souvent été tronquées et le bilan de leur gestion du pays calamiteux. Ils ont donné priorité à la France, leur famille et leurs amis au détriment du peuple gabonais.
Ali Bongo a fait deux mandats et au deuxième mandat, il a fait réviser la constitution pour remplacer la mandature du président qui était a deux termes, celui-ci est devenu un mandat illimité En plus de cela, sa santé ne lui permettait plus de se représenter. Ali Bongo avait tout contre lui pour se présenter pour le troisième mandat. Tous les signaux étaient au rouge.
°°Vous étiez un candidat des USA en lice pour la Présidentielle 2023. Comment avez-vous pu faire pour surmonter une loi imposant une certaine durée de séjour au Gabon ?
Quand j’ai décidé de me présenter cette loi n’existait pas. C’est une loi orientée contre les candidats de la diaspora parmi lesquels se trouve son demi frère Omar Denis Bongo le petit-fils du président congolais Denis Sasou Nguesso dont la fille était la femme du défunt président Omar Bongo.
°°Pensez-vous que ce coup de force était préparé depuis longtemps ou est-ce la proclamation des résultats du scrutin du 26 août, donnant Ali Bongo vainqueur, qui a poussé les militaires à agir ?
Je pense que le coup d’état était pensé depuis longtemps. Le chaos dans lequel Ali et Sylvia Bongo sans oublier leurs complices avaient mis le pays, les conditions d’élections, le chaos et le climat pendant et après le vote n’ont fait que concourir a l’exécution de ce coup d’état. Cela était prévisible, mais sauf que nous ne savions pas comment cela devrait se produire. C’est pourquoi je me suis présenté comme le candidat des ‘3 R’ ( Restitution, Récupération et Restauration). Pour moi, les Bongo, le parti démocratique gabonais et les alliées devraient restituer la souveraineté du pays qu’ils avaient pris en otage au peuple. Dans le cas où ils ne le feraient pas, je militais pour une récupération de gré ou de force. En plus après avoir récupéré, on restaurerait le pays en passant par une période de transition avec ce qui s’en suit. Cela était la vision que j’ai présentée lors de ma déclaration de candidature.
°°Votre candidature a été considérée comme preuve indéniable de la profonde division de l’opposition au Gabon. Qu'en pensez-vous?
Je ne pense pas. Nous avons maintenant la coutume de sembler être divisés avant le jour du scrutin, mais au finish la grande opposition arrive à avoir un candidat unique avant le jour du vote. Pendant ces dernières élections Ali Bongo et son parti pensaient que sa réélection passerait comme une lettre à la poste à cause des multiples candidatures. Le choix du prof. Albert Ondo Ossa en dernière minute comme représentant les grandes figures de l’opposition a été un coup de poignard dans le cœur. Ce choix a mobilisé et galvaniser les gabonais a allé voter pour l’opposition. La seule chose est que beaucoup ne s’étaient pas fait inscrire sur les listes électorales à cause d’un découragement dû aux élections précédentes et la peur de voir Ali Bongo tricher encore aux urnes.
°Ce pourrait être le huitième renversement successif du pouvoir en place en Afrique de l'Ouest en seulement trois ans. Pensez-vous que ces coups d’État contribueront à modifier les rapports de force dans la région, et nous parlons ici notamment de l’influence française et russe ?
Le Gabon fait partie de l’Afrique Centrale. Pour moi, les Russes ne sont pas à l’origine des coups d’état sauf qu’ils profitent du vide que laisse les Occidentaux et aussi du besoin de soutien financier et matériel ressenti par les commanditaires de ces coups pendant cette période. Par contre la nature des relations avec la France est responsable de ces coups d’état. Cette nature des relations est de plus en plus rejetée par les nouvelles générations et nouveaux dirigeants. La France doit arrêter de placer ses pions à la tête des pays africains, les maintenir et arrêter de faire de l’Afrique son portefeuille ou sa fontaine publique. Il faut que l’esprit colonialiste s’arrête et les reports entre les pays africains et la France doivent être équilibré, dans un contexte de respect mutuel et une base de gagnant-gagnant. Les Africains sont des humains au même titre que les citoyens français.
°°Le général Brice Oligui Nguema a été proclamé "président de transition" mais sans que la période de sa présidence ni les institutions qu'il présiderait ne soient indiquées. l'Opposition, peut-elle faire confiance aux militaires ?
Au vu des dernières activités du comité de la transition dont il préside, il semble que la maturité commence à gagner du terrain. Les pourparlers avec les religieux, la société Civile et une petite partie de l’opposition commencent à trouver un compromis. Nous attendons la position du prof. Albert Ondo Ossa. La période de transition sera définie unanimement et le gouvernement de la transition également. Un gouvernement de transition mixte compose d’un Premier ministre civil et aussi des ministres venant du civil est des militaire est en vue. En quelques jours, les Gabonais et l’opposition commencent à lui donner le bénéfice du doute.
En bref, je pense que le général Oligui a commencé à séduire l’opposition et les acteurs importants dans la situation de crise que nous connaissons au Gabon.
°°Après la récente série de coups d’État, comment voyez-vous l’avenir de la France en Afrique en général et au centre et à l’ouest du continent en particulier ?
La France doit revoir sa copie. Les Africains et surtout les Nouvelles générations ne tolèrent plus la nature des relations avec l’Afrique. La France ne sera, plus jamais, présente en Afrique comme elle l’a été. L’Afrique dans les années avenir sera plus indépendante. La France a suspendu ses accords militaires au Gabon. Les Gabonais sont très contents et voudraient même que les militaires français présents au Gabon quittent le pays.
°°La Russie, pourrait-elle étendre son influence au Gabon, si oui, sera-t-elle la bienvenue ?
Rien ne laisse penser à cela, toutefois, le Gabon est ouvert aux partenaires qui joueront franc-jeu dans un contexte de gagnant-gagnant.
Nous souhaitons voir de plus en plus des partenaires aussi venant des pays arabes pour nouer des partenariats dans des domaines lucratifs.
°°Pensez-vous que le chaos résultant des coups d’État puisse créer un climat favorable au terrorisme ?
Dans certains cas oui. Le Mali, le Burkina en savent quelque chose. Mais tout dépend des enjeux, de la nature des coups d’Etat, des auteurs des coups d’état, la population, les pays et aussi des partenaires extérieurs. Le terrorisme est entretenu aussi par le conflit d’intérêts des groupes, dirigeants ou pays. Le cas du Gabon est différent de celui du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Le contexte est différent.
°°Le Gabon, un pays aux immenses richesses naturelles. Pensez-vous qu'il est susceptible de se transformer en une arène du conflit international ?
Je ne pense pas. Le Gabon a des bons voisins qui ne s’impliqueront pas dans notre conflit et le problème actuel est un problème d’une seule famille (le clan Bongo) contre tout un peuple. Les Gabonais ne se laisseront pas piéger par la tentation d’être divisé par les forces extérieures y compris la France. Nous apprenons de ce qui se passe ailleurs. Nous espérons aussi que le général Oligui comprend cela très bien ainsi que l C.T.R.I.
°°Sylvia était-elle vraiment la véritable dirigeante du Gabon?
Sylvia était le "Pape" noir de la présidence d’Ali Bongo. Surtout après son AVC. Toutefois, Ali était un président passif qui laissait tout le monde prendre le dessus sur lui et ceci en commençant par ses directeurs de cabinet. Certainement, vous avez entendu parler d’un certain Maixent Acrombessi, Brice Laccruche Alihanga qui étaient super puissants. En ce qui concerne Sylvia, sans me tromper, elle est en grande partie à l’origine de leur chute. Elle a divisé le clan Bongo, a encouragé ce que les Gabonais appellent aujourd'hui la légion étrangère (un groupe des non-gabonais a la présidence) qui décidait de tout. Elle a géré la présidence de son mari comme une cuisine familiale. Elle a laissé son fils Noureddine Bongo Valentin et ses copains gérer un pays comme une épicerie du quartier. Si aujourd’hui le clan Bongo ne vient pas à leur secours, c’est à cause des abus de la gestion calamiteuse de sa famille et son implication dans la gestion du pays. Elle a oublié qu’elle a épousé un Africain.
°°Coup d'État au Gabon. Perdants et gagnants ?
Perdants, à 100 % Ali Bongo, sa famille, son parti le PDG et ses amis et la France même si tout n’est pas encore clair quant à son rôle dans ce coup d’état. Gagnants, attendons dans un an. Toutefois, le peuple se sent mieux aujourd’hui plus qu’hier. Il faut aussi avouer que le coup d’état nous a évité un bain de sang comme lors des élections précédentes. Surtout que le peuple était décidé à combattre le régime déchu dans le cas où on lui volerait encore sa victoire.
°°Avez-vous abandonné la course de 2023?
Je n’ai pas abandonné la course. Je compte me présenter aux prochaines élections après la transition. J’ai juste pris un peu de recul avant les élections pour observer. Toutefois, je travaille avec la diaspora et certains membres de l’opposition. Je compte aussi coopérer avec les membres du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions ( C.T.R.I) présidé par le général Brice Clotaire Olingui.
°°Si vous aviez gagné, quel serait votre programme ou vos priorités ?
Je milite pour une gestion semi-fédéraliste qui comprend la décentralisation de l’administration. Le Gabon a 9 provinces plus la diaspora qui est pour moi une dixième province. Le budget doit être reparti selon les tailles, et charges de chaque province. Il faut éviter que la population se concentre a la capitale. J’aurai eu un gouvernement central et les gouvernement locaux. Les priorités pour moi sont les infrastructures nationales, dont les routes, les hôpitaux, les écoles, les bâtiments gouvernementaux, l’eau, l’électricité, l’éducation, le logement, la formation professionnelle, l’entrepreneuriat, le sport et le social. Pour y parvenir, je commencerais par l’assainissement des finances publiques, la révision des accords avec la France et certains autres partenaires, reformer la fonction publique, dynamiser nos relations avec les partenaires économiques existants aussi bien qu’aller après des nouveaux partenaires.