Comme à Paris, Libreville, Niamey ou Bamako, Emmanuel Macron n’a pas de levier pour manœuvrer (expert)
Les putschs se ressemblent tous et ils ont le vent en poupe dans le pré carré africain de la France, a estimé Olivier d'Auzon.
Dans une interview pour Al-Ain News, Olivier d'Auzon, consultant juriste auprès des Nations unies, de l'Union européenne et de la Banque mondiale est revenu sur le dernier coup d'État au Gabon.
1. Comment le coup d'État au Gabon et ses conséquences semblent-ils affecter la position de la France en Afrique, notamment en ce qui concerne les bases militaires et les intérêts économiques français dans la région?
Un mois après le putsch du Niger, des militaires issus de la garde prétorienne du Président Ali Bongo Ondimba (ABO) ont destitué, sans coup férir, le 29 août 2023, le président gabonais dont ils devaient pourtant assurer la sécurité, alors qu’il briguait son troisième septennat.
Dans la soirée, le nouvel homme fort du pays, le chef de la garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema, a été officiellement nommé “président de la transition”, après avoir été porté en triomphe par des centaines de soldats.
Les putschistes ont annoncé le coup d’État à la télévision Gabon24, juste après la proclamation, mercredi, de la victoire d’Ali Bongo Ondimba à la présidentielle, avec 64,27 % des voix, contre 30,77 % pour son principal rival, Albert Ondo Ossa, qui dénonçait des fraudes massives.
Dans ce contexte, comparaison n’est pas raison, mais toujours est-il que “Comme au Niger, c’est celui-là même qui est chargé de veiller à la sécurité d’ABO qui l’a déposé”, remarque Aujourd’hui au Faso.
Dès lors, à l’instar du journal burkinabè, on pourrait émettre deux hypothèses : De choses l’une…sois il s’agit d’un “‘coup d’État arrangé’ entre le clan Bongo et le général Oligui, fidèle de la famille présidentielle depuis le pater familias, […] pour ne pas avoir à proclamer l’opposant Ossa vainqueur de la présidentielle du 26 août 2023”( NDLR, et pour appuyer cette hypothèse, on soulignera que les putschistes n’ont pas annoncé qu’ils souhaitaient œuvrer à l’établissement au pouvoir du rival ABO : Albert Ondo Ossa .
Soit, le chef de la garde républicaine et ses hommes n’ont pas “pu avaler les résultats de la mascarade électorale proclamés à 4 heures du mat’”.
Pour Aujourd’hui au Faso, le coup d’État de mercredi met en tout cas “fin à la monarchie Bongo, vieille de cinquante-cinq ans”.
Et contrairement au Niger, la joie exprimée le 29 août 2023 dans les rues de Libreville n’était pas accompagnée d’hystérie antifrançaise comme à Niamey.
2. Quelles sont les réactions de la France et des autres acteurs internationaux face aux coups d'État au Gabon et au Niger, et comment ces réactions varient-elles en fonction de la situation politique dans chaque pays?
Pas plus qu’à Paris qu’à Libreville qu’à Niamey ou à Bamako, Emmanuel Macron n’a de levier pour manœuvrer.
Si le coup d’État Gabonais n’a pas les mêmes conséquences « tectoniques » pour le Sahel que les coups d’État ourdis au Mali, au Burkina et au Niger, il aura assurément aussi un impact quant à la présence française sur le continent.
Il pourrait signifier à très court terme, la perte d’un «ami de la France».
Pour mémoire, on soulignera volontiers qu’Emmanuel Macron était allé au Gabon où il avait clamé, le 2 mars 2023, notamment que « L’Age de la Françafrique est bien révolu ». Chemin faisant, on aimerait s’interroger sur le sens de la « Françafrique », quand un État digne de ce nom, ne saurait avoir qu’une politique conforme à ses intérêts.
Quid de la base militaire de la France, l’une des quatre installations permanentes prépositionnées sur le continent, avec ses 370 soldats ?
Quid du volet économique de la France, où plus de 80 filiales d'entreprises françaises sont implantées au Gabon pour un chiffre d'affaires cumulé de près de 3 milliards d'euros?
3. En quoi les commentaires sur le coup d'État au Gabon mettent-ils en évidence des différences de perception et d'approche internationale entre les événements au Gabon et au Niger, et comment ces différences pourraient-elles influencer la stabilité politique dans la région?
S’agissant du Niger, face aux injonctions de la junte qui exige le départ de l’ambassadeur de France, Sylvain Itté et réclame le retrait des militaires français Au Niger, Emmanuel Macron opte pour la fermeté en passant par la non reconnaissance des autorités putschistes, couplée à l’exigence d’un retour au pouvoir du président Bazoum.
Dans le même temps, Washington entend coûte que coûte sauver sa base militaire au Niger, même s’il doit « sacrifier » son ami français et prendre langue avec la junte. Les
S’agissant de Libreville , on ne voit pas comment l’opposition à Ali Bongo pourrait blâmer les putschistes gabonais.
Dans la même veine, le chef de la diplomatie de l’Union européenne s’empresse de souligner que le coup d’État au Gabon, qui a renversé Ali Bongo était consécutif à des élections entachées d’irrégularités : « Naturellement, les coups d’État militaires ne sont pas la solution mais nous ne devons pas oublier qu'au Gabon il y avait eu des élections pleines d'irrégularités", a-t-il souligné, affirmant qu'une élection truquée pouvait être interprétée comme un "coup d'État institutionnel".
En clair, au jeu du « deux poids, deux mesures », le Putsch au Gabon est légitime, tandis que celui du Niger ne l’est point.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où les militaires gabonais se montrent plus ouverts au dialogue et s’engagent dans un calendrier de retour rapide à l’ordre constitutionnel, le coup d’État au Gabon peut infléchir favorablement sur celui du Niger.
Pour l’heure, pas plus qu’à Paris ( absence de majorité présidentielle), qu’à Libreville, qu’à Niamey ou à Bamako, Emmanuel Macron n’a de levier pour manœuvrer.