Crise de gaz : La France tente de convaincre l’Allemagne
Que ce soit au cabinet d'Agnès Pannier-Runacher ou à l'Élysée, autour du président Macron, la diplomatie française est en pleine opération de conviction sur un mécanisme de plafonnement du prix du gaz pour fabriquer de l'électricité.
Les discussions se sont affinées ces jours derniers avec les ministres européens de l'Énergie, qui étaient réunis, mercredi à Prague. La France porte l'idée d'étendre à l'ensemble de l'Union européenne le « mécanisme ibérique » qui permet de plafonner le prix du gaz dans la formation du prix de l'électricité.
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La semaine dernière, le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher s'est rendu à Bruxelles, au siège de la Commission, pour faire la démonstration de la pertinence de ce modèle. La France a, bien sûr, le soutien du Portugal et de l'Espagne, qui ont obtenu une dérogation temporaire. Elle a été rejointe par la Suède, la Belgique, l'Italie, la Roumanie, les pays baltes? « L'Allemagne est très prudente », glisse-t-on au ministère de la Transition énergétique. Et, bien sûr, tout dépend du basculement ou non de l'Allemagne vers la France.
Les objections des Allemands
Selon le « mécanisme ibérique », conçu comme une exception au marché européen de l'électricité, la Commission a autorisé l'Espagne et le Portugal à plafonner le prix du gaz électrogène à 40 euros le mégawattheure du 15 juin au 15 décembre. Puis il augmentera de 5 euros par mois jusqu'à un plafond de 70 euros le 31 mai 2023. À cette date, le mécanisme s'éteindra avec les beaux jours. La France propose de reproduire ce plafonnement pour l'ensemble des 27 avec, pour chacun, un niveau de plafonnement adapté à sa consommation. « Nous serons tous gagnants », assure-t-on dans l'entourage du président de la République.
Ce mécanisme a l'avantage de ne pas mettre en péril les approvisionnements puisque les fournisseurs sont payés au prix du marché. C'est la puissance publique qui paie la différence entre le prix réel du gaz et le prix plafonné. « Il vaut mieux une mesure européenne qui fonctionne, comme l'ont démontré les exemples espagnol et portugais, plutôt que des mesures nationales mal coordonnées, ajoute-t-on au ministère de la Transition énergétique.
Reste à convaincre la chancellerie allemande, qui soulève quelques objections, dont celles-ci : qui paie ? L'argent que l'Allemagne dépensera dans ce plafond du gaz électrogène, elle n'aura pas à le débourser en « chèque énergie » pour les particuliers ou les entreprises. Son plan de soutien de 200 milliards d'euros, qui a effrayé ses partenaires et a soulevé des questions de concurrence loyale, n'aura plus besoin d'être aussi énorme. D'autant que l'on parle ici d'une mesure temporaire pour cet hiver. Les Pays-Bas, très rétifs par culture à toute intervention sur le marché, semblent moins dogmatiques que Berlin.
Un calendrier serré
Deuxième réserve des Allemands : le système ibérique connaît des « fuites ». Effectivement, marginalement, de l'électricité vendue en Suisse ou au Royaume-Uni, fabriquée avec ce prix du gaz subventionné en Europe, profitera à un pays tiers et non contributeur. Olaf Scholz voudrait aussi être certain que ce mécanisme ne rendra pas le gaz subventionné si bon marché que la consommation électrique en serait encouragée. Il suffit que le plafonnement ne soit pas trop bas, répondent les Français.
Bref, la discussion des détails est désormais très engagée entre la France et l'Allemagne afin d'emporter la décision, ou du moins des orientations claires, à l'issue du prochain Conseil européen des 20 et 21 octobre. La Commission, de son côté, va mettre sur la table des propositions concrètes et une déclinaison précise du mécanisme ibérique à l'échelle de l'UE mardi 18 octobre. Le Conseil européen devra sans doute en débattre une bonne partie de la nuit de jeudi à vendredi. « Mais il faut qu'on sorte de ce Conseil européen avec un accord politique », insiste-t-on du côté d'Emmanuel Macron, ne serait-ce que pour envoyer un signal clair aux citoyens européens, apaiser les tensions autour de l'inflation des factures en Europe. Les détails techniques seront à affiner entre les ministres européens de l'Énergie lors d'un conseil énergie le 25 octobre. Ce calendrier paraît très rapproché, mais cela fait des mois qu'on tourne en rond autour de la question du plafonnement des prix? La présidence tchèque de l'UE s'attend plutôt à un atterrissage « quelque part en novembre ».
Dans la mise en œuvre, il y a deux écoles : ceux qui prônent une mise en œuvre de ce dispositif par plaques (entre pays bien interconnectés) et ceux, comme la France, qui plaident pour une extension à tout le marché européen pour limiter au maximum les distorsions. Il est possible que les 27 transigent in fine par une extension en deux temps : d'abord par plaques, puis étendu à tous. Selon Le point.