Émirats arabes unis : la future puissance spatiale du Golfe
Partie intégrante de sa stratégie de diversification économique, le programme spatial des Émirats arabes unis, lancé en 2006, est en train de faire de ce pays un acteur majeur dans le club des puissances établies et émergentes du secteur.
Quoi qu’il en soit, les EAU sont plus que jamais déterminés pour devenir la première puissance spatiale arabe…
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
Le programme spatial émirati a été lancé en 2006 et son agence spatiale a été créée en 2014. Elle est dirigée par Sarah Al Amiri, 36 ans et également ministre d’État pour les hautes technologies des EAU.
Le budget annuel de l’UAE Space Agency serait de 5 milliards d’euros par an.
Le principal atout des Émirats par rapport à tous les autres États de la région, c’est bien sûr sa formidable puissance financière et ses impressionnantes réserves budgétaires.
Autre avantage des EAU est la coopération et les partenariats qu’ils ont pu tisser très tôt, depuis une décennie, avec d’autres puissances et agences étrangères dans ce domaine (NASA, CNES, ESA, JAXA – Japon –, KARI – Corée –, et à présent l’ISA – Israël –, etc…)
L’Arabie saoudite, l’autre puissance spatiale du Golfe en devenir
Même si l'Arabie saoudite, l’autre grande puissance financière du Golfe, a déjà envoyé le premier astronaute arabe et musulman de l'histoire dans l’espace en 1985, c’est depuis 2015 avec le nouvel homme fort du pays, le prince héritier Mohammed ben Salman, que le programme spatial saoudien a été développé et accéléré avec pour ambition de devenir une grande puissance dans ce secteur.
Certes, au-delà de leur alliance politique et géostratégique indéfectible depuis 2015 jusqu’en 2021, cette « concurrence » entre Riyad et Abou Dhabi, notamment dans le domaine de l’espace ne peut provoquer qu’une certaine émulation entre les deux riches États, qui ne peut être que bénéfique pour les avancées technologiques du monde arabe.
Citons dès le début des années 2000, le développement, en coopération avec la Corée du sud, du satellite d'observation de la Terre DubaiSat 1 suivi par d'autres satellites de ce type.
Puis la société émiratie de télécommunications Thuraya qui a mis en place en 2000 l'un des trois réseaux mondiaux de téléphone satellitaire.
En 2019, un émirati, Hazzaa al-Mansoori, s’était envolé dans l’espace pour une mission de huit jours à bord de l’ISS. Il était alors le premier citoyen du pays à voyager dans l'espace.
En février 2023, un autre émirati, Sultan al-Neyadi, avait lui aussi décoller à bord d’un vaisseau SpaceX vers la station internationale pour une mission de six mois.
La Mission martienne des Émirats ou Al-Amal, l'espoir en arabe, est lancée par une fusée japonaise H-IIA le 19 juillet 2020, et le 9 février 2021, la sonde réussit son insertion en orbite martienne, faisant des EAU la cinquième nation (et la première arabe !) à s'installer autour de Mars.
La mission Rashid 2 avec un second exemplaire de l'astromobile devrait être lancée à une date qui reste encore à définir.
Enfin, le 27 juin dernier, les EAU ont inauguré leur Payload Hosting Initiative (PHI) avec le lancement d’un premier satellite, PHI-Demo.
Prestige national, soft power et réalisme
Bien sûr, il y a énormément de fierté et de prestige avec le programme spatial des Émirats arabes unis.
Or les Émiratis sont également dans une approche très pragmatique où ils veulent coûte que coûte former leurs spécialistes dans le secteur. Ainsi, comme évoqué plus haut, ils travaillent avec beaucoup de partenaires internationaux.
On l’a dit, ils ont d’ailleurs signé de nombreux accords avec toutes les grandes agences spatiales de la planète. Ils développent énormément de programmes étudiants aux Émirats et ils envoient aussi leur personnel se former à l'étranger.
Ainsi, au-delà du prestige, de la gloire et du soft power que représentent les avancées émiraties, la nouvelle « République de Venise du Moyen-Orient » (cf. mon dernier ouvrage) sait pertinemment que le développement dans ce domaine a inévitablement un effet de ruissèlement et un impact important dans d’autres secteurs hautement stratégiques comme les communications, les hautes-technologies et bien sûr le militaire.
Bref, si les EAU poursuivent leur percée dans le domaine de l’espace, si stratégique sur le plan de la souveraineté nationale, ils pourront à l’avenir irriguer des pans entiers de l’économie locale et régionale tant les applications du spatial sont cruciales, riches et diverses.
C’est également une façon de parrainer éventuellement l’émergence de nouveaux acteurs et de concrétiser l’ambition émiratie de faire de l’espace un nouveau vecteur d’influence diplomatique.