Essais nucléaires en Algérie : le devoir de reconnaissance de la France
Le dossier des essais nucléaires, qui reste en suspens, représente l'un des obstacles les plus sérieux dans le traitement de la question de la mémoire entre l'Algérie et la France.
L'Algérie a commémoré cette année le 64e anniversaire des explosions nucléaires menées par les autorités coloniales françaises dans le sud algérien.
Ces essais, réalisés dans des zones désormais considérées comme interdites en raison de leur radioactivité, sont assimilés à des crimes contre l'humanité, des crimes imprescriptibles qui engagent la responsabilité de l'État français pour toujours.
Entre 1960 et 1966, la France a effectué 57 essais et explosions nucléaires : 4 essais aériens à Reggane, 13 essais souterrains à In Ecker (Tamanrasset), 35 essais complémentaires à Hammoudia, et cinq essais sur le plutonium dans une zone à In Ecker, située à 30 km de la montagne où ont eu lieu les essais souterrains.
La première bombe au plutonium, baptisée "Gerboise bleue", a explosé le 13 février 1960 à 7 heures du matin à El Hammoudia.
La puissance de la bombe était quatre fois supérieure à celle de Little Boy, la bombe à base d'uranium larguée par les Américains le 6 août 1945 sur la ville japonaise d'Hiroshima. Le dossier des essais nucléaires, qui reste en suspens, constitue l'un des obstacles les plus sérieux dans le traitement de la question de la mémoire entre l'Algérie et la France.
L'Algérie appelle sans relâche la France à indemniser les victimes des essais nucléaires, à fournir les cartes topographiques des sites d'enfouissement des déchets radioactifs et à entreprendre des opérations de décontamination des zones où les essais ont eu lieu.
"(...) Ce dossier épineux (les essais nucléaires, ndlr) se heurte toujours aux frustrations du passé colonial, qui empêchent un traitement responsable et objectif de la question de la mémoire, compromettant ainsi l'avenir des relations bilatérales entre l'Algérie et la France et repoussant toute initiative visant à élargir les domaines de coopération sur une base solide fondée sur la confiance", souligne l'APS dans un long communiqué diffusé à l'occasion de cette date commémorative.
"Toute tentative de traiter les séquelles du génocide perpétré le 13 février 1960 par la France coloniale s'accompagne de nouvelles complications (...) et dissimule, en profondeur, une volonté politique fluctuante dépourvue du courage de reconnaître, de sincérité et de bonnes intentions", ajoute la même source.
Tebboune : « Les Algériens attendent une reconnaissance totale »
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait précédemment déclaré dans l'une de ses déclarations à la presse que les Algériens « attendent une reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale », soulignant l'impératif pour la France de « nettoyer les sites des essais nucléaires et de prendre en charge les victimes de ces explosions ».
Lors des consultations politiques entre les deux pays, la partie française s'est ainsi engagée à « accélérer le processus de restitution des archives et à traiter la question des sites des essais nucléaires devant être réhabilités, abordant ainsi l'avenir avec sérénité et respect mutuel ».
Cependant, la loi française dite « loi Morin » relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes directes des essais nucléaires, promulguée en 2010, n'a prévu aucune disposition pour les proches de ces victimes en termes de préjudices moraux, familiaux ou matériels.
Elle comporte même plusieurs lacunes juridiques en faveur de la partie française. Dans une déclaration à l'APS, l'expert français Tony Fortin avait déclaré que l'application de la « loi Morin pose un problème réel », estimant que la situation est « complexe » en ce qui concerne les indemnisations qui restent « très limitées par rapport au nombre réel de victimes ».
Il a également mentionné une étude réalisée par l'Observatoire des armements sur les déchets des explosions nucléaires françaises en Algérie, déplorant le fait que « jusqu'à présent, rien ne semble avoir changé à ce niveau ».
Il convient de noter qu'à ce jour, les autorités algériennes n'ont reçu aucune carte ou plan des sites d'enfouissement des équipements utilisés lors de ces explosions, malgré les nombreux appels et initiatives lancés par plusieurs associations en faveur de la prise en charge des victimes, de la décontamination des sites des déchets radioactifs et de la restitution des archives médicales et techniques.
Des organisations non gouvernementales internationales ont appelé, dans une lettre rédigée en août 2023, les autorités françaises à lever le secret-défense sur les archives des essais nucléaires afin de permettre aux organisations internationales chargées de la surveillance et du contrôle de les consulter sans invoquer le secret-défense et la sécurité nationale, à dévoiler et à dépolluer les sites d'enfouissement des déchets, à faciliter le dépôt des demandes d'indemnisation des victimes algériennes et à signer ou à ratifier le traité sur l'interdiction des armes nucléaires.