Experte de l’ONU : Paris et Abou Dhabi des acteurs fondamentaux en termes de décarbonation
La France et les Emirats Arabes Unis sont des acteurs fondamentaux de la transformation profonde dont le monde a besoin en ce moment dans les initiatives en faveur du climat, a indiqué Mme Amaia Celaya Alvarez, conseillère avec l’ONU-OIM.
Dans un entretien à Al-Ain News, Amaia Celaya Alvarez, également experte en Résilience Urbaine et Climatique avec environ 25 ans d’expérience professionnelle en Europe, en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient a déclaré qu’un « chemin vers un futur libre de charbon est possible si les acteurs impliqués s’engagent et innovent, non seulement dans leurs processus industriels, mais aussi dans leurs relations entre eux et avec la planète ».
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Et d’ajouter : « Paris et Abou Dhabi sont des acteurs fondamentaux de la transformation profonde dont le monde a besoin en ce moment : leur dialogue et d’éventuelles actions communes pour accélérer le processus de décarbonation seraient plus que bienvenus ».
Voici le texte intégral de l’entretien :
Al Ain (question 1) : Du 30 novembre au 12 décembre 2023, les Émirats arabes unis (EAU) seront le pays hôte de la COP 28, la conférence de l’ONU sur le climat. Le choix de ce pays et surtout la nomination de Sultan Ahmed al-Jaber, directeur général d'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) depuis février 2016, pour présider cette COP 28, ont suscité de nombreuses critiques en Occident notamment de la part des organisations écologistes. Quel est votre avis de professionnelle sur ce dossier ?
Amaia Celaya Alvarez : António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a marqué comme priorités clés pour cette année 2023, le Nouveau Agenda pour la Paix, ainsi que l’importance des droits sociaux et économiques (comprise bien sûr la question du genre) et le droit à un environnement propre, sain et durable qui assure les possibilités des nouvelles générations.
Dans ce scénario, s’il doit y avoir une chance de limiter l’augmentation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900), les pays riches ont 12 ans pour arrêter la production de pétrole et de gaz. C’est ce que disent les derniers rapports scientifiques publiés entre 2022 et 2023.
Où se tient la conférence des Nations Unies sur le climat et qui la préside sont des aspects qui donnent de la crédibilité (ou non) à ce message, et qui peuvent aider (ou non) à transformer les mots et les intentions en actions concrètes qui ont un impact réel pour les personnes et la planète.
Merci de me laisser dire que les approches dites « pragmatiques, pratiques et réalistes » n’obtiendront pas les objectives climatiques. Seulement un changement d’avis courageux et déterminé avec des actions claires qui accélèrent la décarbonisation mondiale apportera des solutions. La transition vers un Nouveau modèle énergétique, hydrique et alimentaire ne se fera pas en retardant les actions contre le réchauffement climatique.
AA (question 2) : Les EAU n'ont cessé de consentir des efforts visant à lutter contre le changement climatique notamment la diversification des sources d'énergie. En quoi ces efforts peuvent faire de ce pays un modèle à suivre ?
ACA : D'après ce que j'ai compris, le plan des EAU est de profiter d'un mix énergétique propre mené par le solaire, l'hydrogène propre et l'énergie nucléaire. D'un côté, je me demande quel pourcentage de l'énergie produite sera propre par rapport au total dans 12 ans, car il faudrait que ce soit 100 %. D'un autre côté, malgré les nouvelles dénominations et catégorisations de certaines énergies, l'énergie nucléaire ne semble pas être la solution pour un modèle énergétique à suivre à l'échelle mondiale. Des propositions plus visionnaires sont nécessaires et, presque selon toute vraisemblance, il faudra faire des compromis sur les marges bénéficiaires.
AA (question 4) : Les 22 et 23 juin 2023, la France accueille une conférence internationale pour un « Nouveau pacte financier mondial ». De nombreux pays seront représentés et bien entendu les EAU. Comment jugez-vous cette initiative du président français lancée lors de la COP 27 en Égypte ?
ACA : Construire les bases d’un nouveau pacte financier international qui aide les pays les plus vulnérables face à la crise climatique est crucial. Sans un accord en ces termes, nous ne serons pas en mesure de trouver des stratégies (et des tactiques) réalisables qui apportent des solutions tangibles. De ce point de vue, l’initiative est non seulement nécessaire, mais incontournable.
Nous devons modifier la marge budgétaire opérationnelle pour les actions climatiques, en particulier pour les pays les plus vulnérables. Ce n’est qu’ainsi que nous assurerons la résilience dans ce moment mondial convulsif de crises économiques, sociales et sanitaires (que le peuple et la planète partagent).
AA : Et quel rôle concret peuvent jouer les bonnes relations entre Paris et Abou Dhabi dans cet évènement ?
ACA : Un chemin vers un futur libre de charbon est possible si les acteurs impliqués s’engagent et innovent, non seulement dans leurs processus industriels, mais aussi dans leurs relations entre eux et avec la planète. Paris et Abou Dhabi sont des acteurs fondamentaux de la transformation profonde dont le monde a besoin en ce moment : leur dialogue et d’éventuelles actions communes pour accélérer le processus de décarbonation seraient plus que bienvenus.