La France réduit sa présence militaire en Afrique : vers une mutualisation des bases avec les partenaires européens et américains
La France s'apprête à réduire considérablement sa présence militaire en Afrique de l'Ouest et centrale, selon un plan actuellement discuté avec les partenaires africains.
Cette décision fait suite aux récents échecs de la France au Sahel et s'inscrit dans le cadre de partenariats "rénovés" et plus discrets annoncés par le président Emmanuel Macron.
Trois sources concordantes ont confirmé que Paris prévoyait de réduire ses forces prépositionnées à quelques centaines de soldats dans les bases militaires françaises au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Tchad et au Gabon. Le dispositif devrait ainsi compter environ 600 militaires, mais sera appelé à croître ponctuellement en fonction des besoins exprimés par les partenaires.
Jean-Marie Bockel, envoyé spécial d'Emmanuel Macron en Afrique, a déclaré au Sénat en mai 2024 : "La France souhaite une présence visible moindre, mais maintenir un accès logistique, humain, matériel à ces pays, tout en renforçant notre action qui réponde aux aspirations de ces pays." L'armée prévoit de se doter cet été à Paris d'un commandement dédié à l'Afrique, avec un général déjà désigné pour prendre sa tête.
Cette réduction des effectifs militaires français en Afrique est une décrue historique.
Il y a deux ans, la France comptait plus de 5 000 militaires au Sahel dans le cadre de l'opération antiterroriste "Barkhane". Cependant, les juntes arrivées au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey ont progressivement poussé la France à se retirer, au profit notamment de la Russie.
Le Tchad est le dernier pays du Sahel à héberger des soldats français. Toutefois, il est désormais encerclé par des pays accueillant des forces paramilitaires russes issues de la réorganisation du Groupe Wagner d'Evgueni Prigojine, mort dans un mystérieux accident d'avion en août 2023.
Le général Thierry Burkhard, chef d'état-major français, a déclaré que "l'armée française n'exclut pas de 'mutualiser' ses bases 'avec les Américains ou d'autres' partenaires européens". Toutefois, il a précisé que "l'état-major pourrait aussi finir par les rétrocéder".
Selon le général Burkhard, "les missions de combat sont finies". Le futur dispositif militaire français en Afrique sera donc recentré sur d'autres objectifs : "entretenir des relations avec les autorités militaires locales", "garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne", "recueillir du renseignement" et "poursuivre les actions de partenariats opérationnels".
Les soldats français ne seront plus engagés dans des missions de combat, mais apporteront "essentiellement de la formation et des capacités aux pays partenaires, à leur demande", a indiqué le général Burkhard. Paris compte également "adopter une posture plus désinhibée en matière de ventes d’armes, après avoir longtemps rechigné à leur livrer du matériel offensif".
En Côte d'Ivoire, un pilier de l'alliance française en Afrique de l'Ouest, les troupes militaires ont déjà entamé leur réduction, passant de 900 à 600 soldats ces derniers mois, comme l'a confirmé une source officielle.
Au Sénégal voisin, la tendance à la baisse est également perceptible, alors que le nouveau président panafricaniste de gauche, Bassirou Diomaye Faye, élu à la fin du mois de mars 2024, met l'accent sur la souveraineté nationale.
Son Premier ministre, Ousmane Sonko, a réitéré mi-mai 2024 la position du Sénégal, déclarant : « Notre pays souhaite plus que jamais disposer de lui-même, une ambition qui ne peut coexister avec la présence permanente de bases militaires étrangères sur notre sol. » ( Source : Le Monde/ AFP, 17 juin 2024)
Ce dernier, connu pour ses critiques acerbes à l'encontre de Paris, qu'il accuse d'avoir soutenu la répression contre son camp sous l'ère du président Macky Sall, a toutefois tenu à nuancer ses propos en précisant : « Il ne s'agit pas pour nous de remettre en question les accords de défense conclus avec la France. »
La base française de Djibouti épargnée par la réduction de voilure : un point d'appui stratégique pour la France
La base française de Djibouti, qui accueille 1 500 militaires français, ne sera pas concernée par cette réduction de voilure. Selon le général Burkhard, "la France veut conserver un point d’appui stratégique dans ce petit pays situé face au Yémen, à la sortie de la mer Rouge, dans le détroit de Bab-el-Mandeb où transite une grande part du commerce mondial entre Asie et Occident".
Le plan de réduction des effectifs militaires français en Afrique est en cours de discussion avec les partenaires africains. Les conclusions de ces échanges sont attendues en juillet 2024. Toutefois, les grandes lignes du projet sont déjà prêtes, selon les sources proches du dossier. Cette décision marque un tournant dans la politique étrangère de la France en Afrique, où elle a longtemps entretenu une présence militaire importante héritée de la colonisation.