M23 : Macron salue la médiation angolaise sans évoquer clairement les sanctions contre le Rwanda, que la RDC réclame
Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a effectué une visite officielle de deux jours en France, les 29 et 30 avril 2024.
Cette visite intervenait après celle du président français, Emmanuel Macron, à Kinshasa en mars 2024, et avait pour objectif de "rendre la pareille" et de poursuivre les discussions sur les points laissés en suspens.
Le point le plus important et le plus sensible à l'ordre du jour demeurait la situation sécuritaire dans l'est de la RDC, en particulier dans la province du Nord-Kivu. Cette région est en proie à un conflit entre milices depuis 20 ans, qui a fait plus d'un million de déplacés.
Les forces armées congolaises se sont alliées à certaines de ces milices pour combattre la principale milice, le M23, soutenue par le Rwanda voisin. Félix Tshisekedi accuse le Rwanda d'envoyer ses soldats sur son territoire pour entretenir le conflit et piller les ressources minières du Kivu.
En venant à Paris, le président de la RDC espérait que la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, fera des déclarations relatives à la situation en RDC et proposera des résolutions. Félix Tshisekedi souhaitait des sanctions contre le Rwanda au niveau des Nations unies pour contraindre les troupes rwandaises à quitter son territoire.
Pour autant, la France a cherché à rétablir et à renforcer ses relations avec le Rwanda ces dernières années, après des années de relations glaciales en raison du rôle trouble de la France dans le génocide de 1994.
Emmanuel Macron souhaite faire de Kigali l'un de ses partenaires stratégiques en Afrique, en s'appuyant sur l'armée rwandaise dans le cadre d'opérations militaires en République centrafricaine et au nord du Mozambique.
Ce rapprochement de Paris vis-à-vis de Kigali passe mal aux yeux de Kinshasa, d'autant plus que de nombreux rapports ont épinglé l'appui de l'armée rwandaise au M23.
En 2023, les Nations unies ont accusé plusieurs officiers rwandais de haut rang d'apporter un soutien au groupe armé et de se rendre ainsi complices d’homicides illégaux et de viols perpétrés par ses miliciens auprès des populations.
En juillet 2024, l’Union européenne a elle-même sanctionné plusieurs responsables du conflit dans le Kivu, parmi lesquels un capitaine rwandais.
Le Quai d’Orsay a durci le ton dans ses dernières déclarations, se disant préoccupé d’une implication rwandaise dans le conflit au Kivu et appelant le Rwanda à cesser tout soutien au M23. Cependant, il ne manque pas de pointer dans le même temps le soutien apporté par les forces armées congolaises à certains groupes armés et continue d’appeler à la désescalade et à la paix.
La dernière visite d’Emmanuel Macron en RDC a laissé un souvenir amer aux Congolais, car il avait mis les pieds dans le plat diplomatique en déclarant à son homologue que la RDC n'avait pas été capable de restaurer sa souveraineté depuis 1994. Les propos du président français avaient été très mal reçus par l’opinion publique congolaise.
La visite officielle du président congolais à Paris était l'occasion de rattraper ce raté diplomatique. Le volet économique de la visite, avec une table ronde qui réunira des acteurs économiques, se fera à Bercy, au ministère de l’Économie et des Finances, ce qui est un signe clair de soutien politique et diplomatique.
La France, qui jusqu'à présent ne s'était pas beaucoup investie en RDC, opère un rapprochement économique opportun en raison de l'importance croissante de la RDC en tant que partenaire dans les domaines de l'énergie et des minerais rares nécessaires aux nouvelles technologies. Paris a confirmé qu’elle escomptait rectifier le tir…
De fait, le méga-projet de barrage hydroélectrique d’Inga, ou la construction de lignes ferroviaires pour désenclaver les provinces et acheminer les matières premières sera bel et bien mis en oeuvre…
Lors d'une conférence de presse commune le 30 avril 2024, Macron a exhorté le Rwanda à cesser tout soutien aux rebelles du M23 dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et à retirer ses forces du pays. Il a également promis d'essayer de convaincre Kigali de mettre fin à son intervention dans la région. Macron a réaffirmé l'engagement de la France envers l'intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC.
Tshisekedi a de son côté salué le soutien de la France dans la recherche d'une solution au conflit qui ravage l'est de la RDC depuis plusieurs années. Il a estimé qu'une lueur d'espoir était en train de poindre à l'horizon, mais a précisé qu'il ne serait possible de discuter avec le Rwanda qu'une fois que son armée aura quitté la RDC.
Emmanuel Macron a également évoqué un engagement de Tshisekedi à mettre fin aux agissements des FDLR, des rebelles hutu rwandais présents dans l'est de la RDC depuis 30 ans. Il a affirmé que la France et plusieurs autres alliés étaient prêts à aider la RDC à mettre en œuvre cet engagement. E. Macron a également déclaré qu'il rappellerait le président rwandais Paul Kagame dans les prochains jours pour discuter de la situation.
Emmanuel Macron a salué la médiation angolaise mais n'a pas évoqué clairement des sanctions contre le Rwanda, que la RDC réclame
Le président français a proposé un séquençage qui verrait le désarmement et l'encadrement des FDLR, suivis du retrait des forces rwandaises présentes en RDC, puis du désarmement du M23 et d'un processus d'accompagnement. Il a salué la médiation angolaise et a exprimé l'espoir que des initiatives concluantes pourraient être prises d'ici la fin de l'été pour mettre fin à la situation actuelle. Cependant, il n'a pas évoqué clairement des sanctions contre le Rwanda, que la RDC réclame
Le président français Emmanuel Macron a demandé au Rwanda de cesser tout soutien aux rebelles du M23 dans l'est de la République démocratique du Congo (RD Congo) et de retirer ses forces du pays.
Emmanuel Macron a réaffirmé que la France ne transigerait jamais sur l'intégrité territoriale et la souveraineté de la RD Congo. Il a également évoqué l'engagement du président congolais à mettre fin aux agissements des FDLR, des rebelles hutu rwandais présents dans l'est de la RD Congo depuis 30 ans, et a assuré que la France et plusieurs autres alliés étaient à ses côtés pour mettre en œuvre cette avancée.
Cependant, Emmanuel Macron tel un funambule sur le fil a joué l’équilibre diplomatique sur le dossier rwandais.
La France essaye de jouer sur les deux tableaux, en raison des intérêts français importants au Rwanda sur le plan politique, diplomatique et sécuritaire, et avec la RDC sur le plan du business et des minerais. La RDC est également le pays francophone le plus vaste au monde, ce qui rend sa relation avec la France d'autant plus importante.