De la protection française à la terreur russe : L’après-Barkhane au Mali
En août 2022, la France annonçait le retrait définitif de ses troupes du Mali après neuf années d’opérations sous l’initiative de l’opération Barkhane.
Cette décision marquait la fin d'une présence militaire considérée comme un pilier de la lutte contre les groupes armés terroristes dans la région sahélienne.
Pour autant, l'absence des forces françaises a ouvert la voie à l’influence croissante de la Russie, notamment par l’intermédiaire du groupe paramilitaire Wagner, ce qui a conduit à une nouvelle phase de violence et de terreur au Mali.
Le départ des soldats français a ainsi créé un vide sécuritaire qui a été rapidement comblé par des mercenaires russes, en soutien à la junte militaire au pouvoir à Bamako depuis 2020.
Cette transition, qui semblait prometteuse pour certains observateurs africains, a rapidement pris une tournure dramatique, plongeant une partie de la population malienne dans un climat de terreur et d’incertitude.
La montée en puissance de Wagner au Mali : un régime de terreur
Les mercenaires de Wagner, dont les opérations dans d'autres régions du monde comme la Syrie ou la Libye sont bien documentées, ont commencé à s'installer au Mali pour soutenir la junte militaire, renversant ainsi les efforts de stabilisation menés par les forces françaises. Selon un reportage de Loup Viallet dans Le Temps Béni du Mali, plus de 200 civils maliens ont été interrogés après l’arrivée de Wagner dans leurs régions.
Tous ont rapporté un changement brutal dans leur quotidien. La violence, les massacres, les viols et les pillages ont été systématisés par les mercenaires russes, qui ont collaboré avec les militaires maliens pour instaurer un régime de terreur. Les civils témoignent de la manière dont les hommes des villages étaient souvent emmenés à l’écart et exécutés sommairement sans raison apparente.
Les violences commises par Wagner, bien que largement dénoncées, n'ont pas fait l’objet d’une réponse internationale cohérente. Ce vide a permis aux groupes terroristes de renforcer leur présence dans le pays, tout en augmentant la pression sur les communautés locales, qui se retrouvent à la fois sous la menace des terroristes et des mercenaires russes.
La situation a conduit une partie de la population à fuir vers des pays voisins, notamment l’Afrique du Nord et l’Europe, à la recherche de sécurité.
Le ressentiment de la population malienne : regrets et frustration
Le contraste entre le discours officiel des autorités maliennes et les témoignages des civils est frappant. Alors que la junte militaire, soutenue par une rhétorique anticolonialiste, a décrit l’ancienne présence française comme un néocolonialisme nuisible, les rescapés des exactions de Wagner expriment un profond regret concernant le départ de l’armée française. Nombreux sont ceux qui voyaient Barkhane comme un rempart contre l’anarchie et la violence croissante dans leurs régions. L'un d'eux confie que "la situation était meilleure avant, malgré les critiques contre les Français, la paix régnait dans nos villages."
Ces témoignages soulignent un aspect souvent ignoré des débats politiques autour du rôle de la France en Afrique : le quotidien des civils qui, même s’ils ne soutiennent pas nécessairement l’ingérence étrangère, ressentent profondément l'impact d’une absence de protection effective. Selon Loup Viallet dans son enquête publiée le 8 janvier 2025 dans Le Temps Béni du Mali, ces populations se retrouvent désormais dans une situation où leurs vies sont littéralement dépendantes des intérêts étrangers, qu’il s’agisse des mercenaires russes ou des forces terroristes.
Le rôle de la Russie : une stratégie géopolitique en pleine expansion
L’arrivée de Wagner au Mali s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, où la Russie cherche à exploiter l’instabilité régionale pour renforcer son influence en Afrique. Le soutien aux régimes autoritaires comme celui de Bamako s’inscrit dans une stratégie d’affaiblissement des puissances occidentales, en particulier de la France, qu’elle considère comme un obstacle à ses ambitions globales. Cette stratégie du chaos, déjà observée en Syrie et en Libye, semble se poursuivre dans le Sahel, un lieu stratégique aux portes de l’Europe.
L’engagement de Wagner au Mali n’est pas une simple intervention militaire. Il s’agit d’une manœuvre politique calculée visant à créer un terrain favorable à la Russie, tout en exacerbant les divisions internes au Mali et dans la région. Les autorités russes, par ce biais, cherchent à réaffirmer leur présence en Afrique tout en cultivant des alliances avec des régimes autocratiques. Ce contexte de montée en puissance de la Russie dans la région sahélienne a des répercussions sur la stabilité de l’ensemble du Sahel et, par extension, sur la sécurité européenne.
Les perspectives d’avenir : une crise à long terme ?
Le vide sécuritaire laissé par le départ des troupes françaises et la montée en puissance de Wagner ont plongé le Mali dans une nouvelle ère de violence. Le pays, déjà fragilisé par des années de conflit, voit ses perspectives d’avenir s’assombrir. Pour les civils maliens, la situation est de plus en plus désastreuse, et l’espoir d’une sortie de crise semble lointain.
Les conséquences de cette transition vont au-delà du simple cadre militaire. La Russie, par l'intermédiaire de Wagner, s’est imposée comme un acteur incontournable dans la politique malienne, et la population se retrouve prise en étau entre un régime de terreur et des groupes terroristes. Il est désormais urgent que la communauté internationale, en particulier l’Union africaine et l’ONU, prenne des mesures concrètes pour soutenir la population malienne et restaurer une stabilité durable dans la région.
L’impact de ces transformations géopolitiques se fait déjà sentir, et la situation au Mali pourrait bien devenir un cas d’école des conséquences de la politique d’influence russe en Afrique. L'avenir du Sahel dépendra de la capacité des acteurs internationaux à répondre à cette crise avec une approche coordonnée et respectueuse des réalités locales.
Cet article est inspiré par le reportage de Loup Viallet publié le 8 janvier 2025 dans Le Temps Béni du Mali, qui retrace les témoignages poignants des civils maliens ayant vécu sous la protection de Barkhane et qui ont vu leur situation se détériorer sous l’influence des mercenaires russes de Wagner.
L'histoire entre la France et l'Afrique n'est pas terminée
Le sacrifice des Africains pour la liberté de la France, tout comme les engagements récents de l'armée française, ont scellé une amitié véritable et une fraternité d'armes. La sécurité des uns est l'avenir des autres.
Par Olivier d’Auzon