Dans le sud de Gaza, Iyad est livré à lui-même, attendant le destin funeste qui le guette
Iyad réside dans la partie méridionale de la bande de Gaza. Il n'a pas eu la possibilité de célébrer l'anniversaire de sa plus jeune, Habiba. Depuis l’attaque du Hamas et les ripostes israéliennes, sa vie est plongée dans un abîme de désespoir.
Iyad, un Palestinien âgé de 36 ans, est un réalisateur qui a étudié le cinéma à l'université de Corse-Pascal-Paoli. Depuis son enfance, il réside dans le sud de la bande de Gaza, à Khan Younès. Il est marié à Hanan, âgée de 33 ans, et ils ont trois enfants : Lilia, 8 ans, Habiba, 5 ans, et Yasmina, qui n'a que sept mois. Leur vie se déroule dans cette localité constamment exposée à de multiples bombardements de l'armée israélienne.
Professeur de français de formation, Iyad avait à cœur de montrer une image pleine de vie de Gaza. Notamment avec « Gaza Stories », son projet vidéo lancé en 2019, visant à redorer le blason de l’enclave palestinienne. Mais depuis le 7 octobre, avec l’attaque du Hamas et les représailles israéliennes, son quotidien, sous les bombes et les morts, s’est transformé en cauchemar. Nous avons recueilli le témoignage d’Iyad.
« Ma famille est décimée. J’ai perdu 20 proches, dont 13 en une seule journée, ce 17 octobre. Ma cousine Ola a péri sous les bombardements avec ses enfants, son mari et ses beaux-parents. Et pour alourdir ma peine, ils n’ont pas pu bénéficier d’obsèques. Ils ont été inhumés dans une fosse commune, comme malheureusement beaucoup d’autres victimes.
Je dois parcourir le centre-ville pour remplir quelques rares bouteilles d’eau, faute d’approvisionnements
Pour l’heure, je vis en famille avec mes trois filles, ma femme, mes 4 frères et mes 2 sœurs. Mon quotidien est insoutenable : il y a régulièrement des frappes israéliennes sur la ville de Khan Younès, des drones de surveillance ratissent le ciel et des déplacés du nord de la bande de Gaza affluent par milliers chaque jour. Certains d’entre eux, élisent domicile dans des écoles de l’UNRWA (office de l’ONU venant en aide aux réfugiés, NDLR).
Ce qu’il faut comprendre c’est que tous les aspects de la vie à Khan Younès sont paralysés. Je dois parcourir le centre-ville pour remplir quelques rares bouteilles d’eau, faute d’approvisionnement, la nourriture manque cruellement, des tonnes de déchets jonchent les rues faute de ramassage…Selon Parismatch.
Que vais-je montrer si je reste en vie ? Nous sommes devenus des fantômes, dans un champ de ruine.
Iyad, Palestinien de 36 ans à Khan Younès (sud de la bande de Gaza).
Je passe mes journées dans le stress, à m’interroger : va-t-on survivre sans nourriture ? Est-on toujours en sécurité ? Je n’arrive pas à rassurer mes filles, à leur expliquer la guerre… Si pour le moment ma maison est debout, je vis dans l’incertitude, sans assurance pour les jours à venir. Ma vie est devenue un cauchemar, je suis là physiquement mais en réalité j’attends la mort. Je suis désemparé.
Pourtant, j’avais la soif de vivre. Dans le cadre de mon projet « Gaza Stories », j’ai réalisé des centaines de vidéos de 3 à 5 minutes en français et en anglais, où je tentais de montrer une image positive de Gaza à travers des visages et des histoires. Mais que vais-je montrer si je reste en vie ? Nous sommes devenus des fantômes, dans un champ de ruines.
Plusieurs scénarios sont maintenant devant moi : quitter ma terre, avoir des regrets ou rester et mourir. Ma seule envie c’est de vivre en sécurité avec mes enfants. C’est peut-être mes dernières heures avec eux. »