ONU: Vers une zéro tolérance pour le greenwashing
Des experts de l'ONU ont tracé mardi des «lignes rouges» contre le greenwashing d'acteurs privés qui font des promesses en l'air de neutralité carbone.
De plus en plus d'entreprises, d'investisseurs, de villes, de régions, promettent d'atteindre la neutralité carbone d'ici au milieu du siècle.
Des engagements avec souvent «des failles assez grandes pour y faire passer une citerne de diesel», a commenté le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, saluant le travail du groupe d'experts qu'il avait lancé à la dernière COP.
«Nous ne devons avoir aucune tolérance pour le greenwashing sur la neutralité carbone», a-t-il martelé.
Les 18 experts ont élaboré en quelques mois un mode d'emploi pour évaluer le degré de crédibilité des acteurs non étatiques qui s'engagent à la neutralité carbone.
Condition clé de cette crédibilité, s'éloigner des «activités destructrices de l'environnement», en particulier tout ce qui peut entraîner de la déforestation, et sortir progressivement des énergies fossiles responsables du réchauffement de la planète.
Villes, régions, organismes financiers et entreprises «ne peuvent pas revendiquer la neutralité carbone tout en continuant à construire ou investir dans de nouvelles sources d'énergies fossiles», insiste le rapport, qui souligne que les deux sont «incompatibles».
Tous ces engagements doivent en effet respecter les scénarios des experts climat de l'ONU qui estiment que pour limiter le réchauffement à 1,5°C, l'usage du charbon sans capture de carbone devrait être totalement stoppé et ceux du pétrole et du gaz réduits de 60% et 70%, respectivement, d'ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2019.
«Dissimulation toxique»
«Au moment où les banques soi-disant neutres en carbone déversent des milliards dans des nouveaux projets d'énergies fossiles, il est particulièrement encourageant que le groupe mette les choses au point», a réagi Lucie Pinson, de l'ONG Reclaim Finance.
«Utiliser des engagements à la neutralité carbone factices pour couvrir des expansions massives dans les énergies fossiles est répréhensible», a insisté Antonio Guterres.
«Cette tentative de dissimulation toxique pourrait faire tomber le monde de la falaise climatique. Cette imposture doit prendre fin».
«Si vous êtes une entreprise du secteur des énergies fossiles, il est probable que vous deviez repenser le cœur de votre modèle», commente de son côté un haut responsable de l'ONU, notant que certaines ont commencé leur transition vers les renouvelables.
Autre condition sine qua non à un objectif crédible de neutralité carbone, réduire le plus possible les émissions de gaz à effet de serre.
Et non pas les compenser en achetant des «crédits carbone» équivalent à un poids de CO2, en finançant par exemple des projets de reforestation ou de développement des énergies renouvelables.
«Vous ne pouvez pas simplement acheter des crédits carbone bon marché» et qui manquent parfois d'«intégrité», souligne auprès de l'AFP Catherine McKenna, présidente du groupe d'experts.
«Si vous espérez un A, il ne suffit pas de venir en classe. Vous obtenez un A en travaillant et vous ne pouvez pas payer quelqu'un d'autre pour le faire à votre place».
Le rapport estime également que les promesses à long terme doivent être accompagnées par un plan précis, avec des objectifs pour chaque période de cinq ans.
Elles doivent aussi couvrir toutes les activités d'une entreprise : activités directes (scope 1), consommation d'électricité et de chaleur (scope 2) mais aussi toutes les émissions indirectes en amont et en aval de la production, jusqu'à l'essence consommée par les automobilistes pour une compagnie pétrolière (scope 3).
Aujourd'hui, environ 90% du PIB mondial est couvert par des promesses de neutralité carbone, selon la plateforme Net Action Tracker élaborée par plusieurs centres de recherche. Mais beaucoup de ces promesses «ne sont pas à la hauteur» et d'autres «ne fournissent même pas de données», souligne Catherine McKenna.
Alors, le message envoyé aux PDG ou aux maires «est clair», souligne Antonio Guterres : «respectez ces normes et révisez vos lignes directrices dès maintenant, au plus tard d'ici à la COP28» dans un an.
Il a également appelé les gouvernements à «construire un cadre réglementaire» à partir de ces recommandations. Nous rapporte Le Figaro .