L'Iran dans la tourmente : crash d'hélicoptère, succession et tensions régionales
Le président iranien a été déclaré mort lundi matin, tout comme son ministre des Affaires étrangères et les autres responsables présents dans l'appareil qui s'est écrasé dimanche.
Le guide suprême de l'Iran, l'Ayatollah Ali Khamenei, a déclaré cinq jours de deuil national et a nommé le premier vice-président, Mohammad Mokhber, en sa qualité de chef de gouvernement par intérim, suite à la disparition du président Ebrahim Raisi et de plusieurs autres hauts responsables iraniens dans un crash d'hélicoptère.
Après des heures de recherche et d'opérations de sauvetage rendues difficiles en raison de conditions météorologiques défavorables, le président iranien a été déclaré mort lundi matin, tout comme son ministre des Affaires étrangères et les autres responsables présents dans l'appareil qui s'est écrasé dimanche.
Mais quels sont les faits ?
Les médias officiels en Iran ont fait état le 19 mai 2024 de l’« atterrissage brutal » d’un hélicoptère présidentiel faisant partie d’un convoi aérien ramenant une délégation de la province iranienne de l’Azerbaïdjan oriental.
Le président Ebrahim Raïssi et son chef de la diplomatie, Hossein Amir-Abdollahian, étaient dans l’hélicoptère concerné. Faisaient également partie des passagers le gouverneur de la province de l’Azerbaïdjan oriental, Malek Rahmati, et le représentant du guide suprême dans cette région, l’ayatollah Mohammad Ali Ale-Hashem, selon al-Jazeera. Aucun passager n'a survécu.
L’accident s’est produit dans une région montagneuse difficile d’accès et mal connectée au réseau de télécommunication, alors que les conditions météorologiques ont compliqué les opérations de sauvetage, les médias iraniens faisant état de brouillard et de pluie.
Quid du contexte ?
Pendant les opérations de recherche, les membres les plus durs du régime iranien ont demandé aux citoyens de prier pour le président Ebrahim Raïssi, qui est proche du guide suprême Ali Khamenei et est considéré comme un possible successeur à ce dernier, qui a 85 ans.
Plus tôt dans la journée, le président iranien avait rencontré son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, pour inaugurer un barrage dans la région frontalière. Bakou est un allié important d'Israël, qui lui fournit la plupart de ses armes en échange de gaz et d'un accès à l'Iran voisin, selon certains analystes.
Malgré les conditions météorologiques difficiles, de nombreuses personnes ont soulevé la question d'une éventuelle implication d'Israël dans cet accident, alors que la guerre à Gaza dure depuis huit mois et que "l'axe de la résistance" mené par Téhéran est actif sur différents fronts. La télévision d'État a déclaré que l'accident était dû à de mauvaises conditions météorologiques dimanche soir.
Le 13 avril 2024, la République islamique a lancé une attaque directe sans précédent sur Israël en représailles à une frappe attribuée à l'État hébreu sur son annexe consulaire à Damas. Cette attaque comprenait plus de trois cents projectiles, dont des missiles balistiques et de croisière, auxquels Tel-Aviv a répondu quelques jours plus tard près d'un site nucléaire dans les environs d'Ispahan.
Pour rappel, Ebrahim Raïssi a été élu président en 2021 et représente la ligne dure du régime. Il fait l'objet d'une plainte en Suisse pour crimes contre l'humanité pour son rôle présumé dans les exécutions massives d'opposants en 1988, alors qu'il était juge.
C'est sous sa présidence que la répression du mouvement "Femme, vie, liberté" s'est organisée dès septembre 2022 suite à la mort de Mahsa Amini, faisant près de 500 morts parmi les manifestants, selon des organisations de défense des droits de l'homme.
Quels sont les enjeux ?
• Ebrahim Raïssi était considéré comme un possible successeur du guide suprême, ainsi que son fils.
La décision devait théoriquement être prise par l'Assemblée des experts, réélue en mars dernier, qui représente une ligne conservatrice stricte. L'ancien président Hassan Rouhani s'était vu interdire de se présenter à sa réélection pour cette institution. Bien que la question n'ait pas encore été résolue, la mort du chef de l'État implique également l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle dans les 50 jours, le vice-président assurant l'intérim.
L'Azerbaïdjan et l'Iran avaient entamé des initiatives de rapprochement pragmatique ces derniers mois, suite à la guerre éclair du Haut-Karabakh en septembre 2023.
Cette guerre a permis à Bakou de reprendre ce territoire majoritairement arménien, qui s'est vidé de ses habitants depuis.
Les relations entre les deux voisins ont souvent été tendues.
Téhéran pourrait revenir sur ces mesures d'apaisement si cet accident d'hélicoptère s'avérait être une opération planifiée et que l'Azerbaïdjan y avait joué un rôle quelconque.
Une telle hypothèse, si elle était confirmée, pourrait surtout remettre en question les discussions indirectes en cours entre l'Iran et les États-Unis pour éviter une escalade régionale face à la guerre à Gaza.
Récemment, l'Iran a également fait savoir, par l'intermédiaire d'un conseiller du guide suprême, que le pays pourrait revoir sa doctrine nucléaire, officiellement à usage civil, s'il devait faire face à un "risque existentiel".
"La mort du président Raisi et d'autres hauts responsables iraniens dans un crash d'hélicoptère est un événement tragique et imprévu qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la stabilité régionale et les tensions géopolitiques", a déclaré Sarah Jones, experte en sécurité internationale à l'Université de Londres.
"Le président Raisi était considéré comme un possible successeur du guide suprême Ali Khamenei, et sa mort pourrait donc créer une incertitude quant à la direction que prendra le régime iranien dans les mois à venir", a-t-elle ajouté.
Selon Jones, la mort de Raisi pourrait également avoir des répercussions sur les relations entre l'Iran et ses voisins, en particulier l'Azerbaïdjan, qui avait récemment entamé des initiatives de rapprochement pragmatique avec Téhéran.
Cependant, Jones a souligné que les circonstances exactes de l'accident d'hélicoptère n'étaient pas encore claires, et qu'il était donc important d'éviter toute spéculation hâtive.
"Il est important de laisser les autorités iraniennes mener leur enquête et de ne pas tirer de conclusions hâtives sur les causes de l'accident ou sur ses éventuelles implications géopolitiques", a-t-elle conclu.