Kidal libérée : «les autorités doivent avoir le triomphe modeste »
La récente libération de la ville de Kidal au Mali a déclenché des scènes de liesse populaire, marquant un moment historique pour le pays en proie à une crise interne depuis 2012.
Cependant, derrière la joie palpable, les observateurs avertis soulignent la nécessité d'un triomphe modeste et appellent à une approche politique pour consolider les progrès réalisés.
Tiambel Guimbayara, directeur de publication pour le média La Voix du Mali, partage son analyse de la situation : « Il y a des scènes de liesse populaire dans le pays, la reprise de Kidal est accueillie avec bonheur par la population civile. » D’autant que, « l’essentiel les combats ont eu lieu autour de la ville », épargnant ainsi les habitants de Kidal.
Pour lui, cette libération représente bien plus qu'une victoire militaire ; c'est un pas crucial vers la réaffirmation de la dignité du Mali en tant qu'État. Le symbole est fort, mais la prudence est de mise. Guimbayara met en lumière le jeu politique entourant Kidal, soulignant que « depuis 2012, le Mali n’était pas entré dans Kidal, aujourd’hui, elle est entrée sans tirer un coup de feu dans l’intérieur de la ville ». Cela suggère un changement de dynamique, mais aussi la nécessité d'une approche politique et inclusive pour résoudre la crise inter-malienne.
Les autorités maliennes sont appelées à adopter une attitude modeste malgré cette avancée. « Les autorités doivent avoir le triomphe modeste. Parce que nous sommes entre Maliens, c’est une crise interne. C’est donc important car l’on ne peut pas résoudre ce type de crise par la force militaire », souligne Guimbayara. La solution doit passer par le dialogue, sans règlements de comptes extra-judiciaires, pour sortir de la spirale de violence.
Le message envoyé par la libération de Kidal est également interprété comme une réponse au niveau international, en particulier à la France qui a longtemps été impliquée dans la région. Cependant, Guimbayara appelle à la prudence dans l'interprétation de ce succès et met en garde contre la dégradation des relations avec la France.
« Clairement, c’est un message qui s’adresse aussi à la France, et plus largement à la dite communauté internationale : là où vous avez échoué, on a réussi. Mais même sur ce plan, il ne faut pas trop tirer sur la corde également. »
En dépit de cette libération significative, les défis demeurent. Le retrait annoncé des forces françaises de la région soulève des questions sur la stabilité à long terme. « Maintenant, il faut que le pouvoir en place s’en arrête là, qu’ils n’instrumentalisent pas plus cette situation. Ils ont répondu à l’exigence d’un moment, ils ont rempli leur contrat. Désormais, ils peuvent organiser des élections dignes, sécurisées, et transmettre le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu. Après le temps des armes est venu le temps des discussions. »
Pour aboutir à une paix durable, les discussions doivent inclure toutes les parties prenantes. « Il faut inclure tous les fils du Mali à la table des discussions. Ceux qui ne veulent pas déposer les armes devront rendre compte de la loi. Toutefois, je crois que leur position serait minimisée s’ils gardaient les armes à la main alors que l’ensemble du pays se dirige vers un règlement politique des différends. » La clé réside dans une approche inclusive, garantissant que tous les Maliens se sentent représentés et écoutés dans le processus de reconstruction nationale affirme notre interlocuteur.
Prudence toutefois, car depuis quelques semaines, des djihadistes ont apporté leur soutien à la rébellion touareg, créant une situation sécuritaire totalement inédite et nouvelle. Le repli "tactique" évoqué par les Touaregs semble préfigurer une riposte coordonnée avec les groupes djihadistes, un scénario que le colonel Goïta, conscient de la complexité de la situation, a annoncé sobrement en déclarant la prise de Kidal, soulignant que la guerre est loin d'être gagnée, sans triomphalisme.
Depuis 2013, le Mali a été le théâtre de développements géopolitiques complexes, marqués par des conflits internes, des interventions étrangères, et des efforts pour restaurer la stabilité dans une région en proie aux tensions.
L'intervention militaire française, débutée en 2013, visait à contrer l'avancée des groupes djihadistes qui menaçaient la stabilité régionale. Cette opération a été suivie par la mise en place de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), déployée pour soutenir les efforts de paix et de sécurité.
Cependant, malgré ces efforts internationaux, le Mali a continué à faire face à des défis complexes, notamment des tensions ethniques et des mouvements de rébellion, notamment celui des Touaregs. Les négociations de paix ont été laborieuses, marquées par des périodes de tension et d'accalmie, reflétant la fragilité de la situation politique et sécuritaire.
Ces défis ont été exacerbés par l'annonce récente du retrait des forces françaises de la région, laissant planer des incertitudes sur la stabilité à long terme. Dans ce contexte, la libération de Kidal représente une étape cruciale, mais la route vers une paix durable reste semée d'obstacles, exigeant une approche politique et inclusive pour surmonter les divisions profondes qui persistent dans le pays.