L’Affaire Nevenka : Premier procès #MeToo en Espagne - Icíar Bollaín explore les dynamiques de la prédation sexuelle
Dans son dernier film, L’Affaire Nevenka, sorti cette semaine en France, la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín expose les mécanismes de domination et d’abus de pouvoir.
Ce long-métrage, inspiré de faits réels, retrace le calvaire de Nevenka Fernández, une jeune femme brisée par un politicien influent, et l’impact que cette affaire a eu sur la société et la justice espagnoles, révélant les rouages de rejet et de solidarité en jeu.
Dès les premières scènes, on suit une jeune femme, affolée et désorientée, qui fuit une fête publique en l’honneur des Templiers, où elle devait apparaître en costume médiéval aux côtés du maire.
Cette femme, c’est Nevenka Fernández, dont l’histoire a marqué l’Espagne au début des années 2000. Son agresseur, Ismael Álvarez, alors maire de Ponferrada affilié au Parti populaire, fut brièvement son amant avant de devenir son bourreau après avoir été éconduit. Le film alterne entre les entretiens de Nevenka avec son avocat et les scènes de harcèlement qu’elle subit au sein de la mairie.
Une critique du clientélisme politique
Nevenka, choisie à 24 ans pour son apparence et sa jeunesse, doit affronter la condescendance des hommes politiques expérimentés qui la perçoivent comme une “décoration”. Au fil du récit, on voit comment cette femme brillante et confiante est piégée dans une toile de manipulations et de trahisons.
Le film met aussi en lumière le clientélisme politique : Ismael Álvarez n’hésite pas à détruire la réputation de la famille de Nevenka, tout en s’assurant des alliances grâce à des faveurs et emplois. Bollaín explique qu’elle n’a pas pu tourner à Ponferrada en raison de l’influence encore forte de l’ancien maire, un symbole du poids politique encore exercé par le Parti populaire dans la région.
L’œuvre repose largement sur la performance des acteurs principaux. Mireia Oriol incarne Nevenka dans son premier rôle au cinéma, tandis qu’Urko Olazabal prête ses traits à Ismael, alternant entre le charisme d’un élu populaire et les comportements abusifs envers la jeune femme.
Un cas emblématique de #MeToo politique en Espagne
Premier cas de harcèlement politique mis en lumière dans l’ère #MeToo en Espagne, L’Affaire Nevenka a déjà fait l’objet d’une série sur Netflix et a été présenté au Festival de San Sebastián, où il a remporté le prix du cinéma basque. Nevenka Fernández, revenue d’exil pour l’occasion, a été ovationnée lors de la projection, bien qu’elle ait autrefois été la cible de diffamations et de harcèlement médiatique et professionnel, qui ont contribué à son départ d’Espagne.
Le film s’inspire du livre de Juan José Millás, premier auteur à documenter l’affaire, ainsi que des témoignages et dossiers judiciaires. Intitulé en version originale Soy Nevenka (« Je suis Nevenka »), le film met en scène la reconquête de son histoire par la jeune femme, un processus de résilience et de survie selon la réalisatrice Bollaín.
L’accueil du public espagnol a été significatif, en particulier à Ponferrada, où les salles affichaient complet à chaque projection. En France, on espère que le film rencontrera le même succès.