En Vidéo.. L'histoire de l'artiste belge Francis Alÿs en Mexique
En 1995, l'artiste belge Francis Alÿs s'exposait sur une place de Mexico avec une pancarte : « Turista ». En 1997, il réalisait The Loop, ralliant Tijuana à San Diego par un tour du Pacifique
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Francis Alÿs, né à Anvers Belgique en 1959, compte parmi les artistes contemporains les plus éminents au monde. Après avoir étudié l’architecture à l’Institut d’Architecture de Tournai en Belgique entre 1978-1983 puis, avoir suivi une formation à l’Istituto Universitario di Architectura di Venezia à partir de 1983, il s’installe en 1986 à Mexico, où il réside encore aujourd’hui.
Ce sera à partir des années 90 que Francis Alÿs fonde sa pratique artistique sur le concept de l’errance et de la trajectoire tel que la marche. Cette forme de mobilité constitue pour lui une façon d’interroger la réalité à travers l’espace urbain, utilisé comme un immense laboratoire, afin d’en faire émerger les singularités, d’emprunter son anonymat, de travailler l’imperceptible. Ses actions sont aussi aléatoires que discrètes. Il déplace au minimum un acte du quotidien, élargissant une situation, en modifiant sa signification.
Alÿs travaille à des projets dont l’échelle varie du simple dessin à la création d’évènements spectaculaires impliquant des centaines de participants, et utilise différentes techniques dont la vidéo, la photographie, la peinture et la performance.
Parmis ses oeuvres les plus connues : SomSometimes making something leads to nothingething Leads to Nothing, 1997; et plus récemment, Don’t Cross the Bridge Before You Get to the River, 2008.
Sa posture d’exilé lui inspire une série de gestes visant à infiltrer les flux de Mexico, dont le centre historique est souvent qualifié de « territoire de l’incurie » en raison du désordre et de la dégradation de son tissu urbain.
Il fait alors de la marche une discipline artistique lui permettant de révéler la résistance minimale (et corporelle) qu’opposent ses habitants aux structures de contrôle et d’uniformisation de la ville, « d’inscrire le corps, singulier ou collectif, dans le tissu du monde ». De cette façon, il se réfère au minimalisme, au Art land art ou encore aux déambulations de l’artiste britannique Richard Long.
Son travail
Le travail de Francis Alÿs a été analysé, à juste titre, en termes de concepts abstraits, sociologiques ou issus de l’histoire de l’art. L’artiste repousse la sculpture au-delà de limites transparentes, au final consommées dans l’imagination.
S’il était possible de résumer le travail de Francis Alÿs en seulement quelques mots, l’on pourrait dire que celui-ci consiste à tracer une ligne. De fait, dans nombre de ses travaux, le tracement d’une ligne émerge comme un facteur décisif, fondateur.
Ainsi, comme dans tous les processus de cristalisation, les lignes d’Alÿs sont des réalisations qui se produisent à la frontière de ce qui est, de ce qui a déjà été créé et de ce qui est encore à venir. C’est peut être pour cette raison qu’il est impossible de faire la part entre ce qui se réfère à l’art et ce qui se réfère à la vie dans le travail d’Alÿs, tant est forte la symbiose entre ces deux dimensions.
L’art d’Alÿs est la manifestation d’une rencontre libératrice entre Soi et l’Autre, au cours de laquelle Soi devient Autre dans l’optique de finalement devenir soit-même, une opération qui transforme le négativisme en affirmation.
A partir des années 90, Francis Alÿs est un voyageur sans repos, qui a incorporé dans son travail l’errance et la trajectoire. L’éphémère, c’est-à-dire le fugitif, le transitoire, est le principe central de l’art de Francis Alÿs. Les œuvres de cet artiste, architecte de formation, se déclinent sur toutes sortes de supports : vidéo, diapositive, photographie, dessin, peinture, notes, cartographie.
Ce qui rend le travail de l’artiste l’un des plus captivant de l’art contemporain, c’est le fait qu’il parvienne à trouver des moyens poétiques et inventifs d’aborder les crises politiques et économiques pressantes du monde actuel. Ses projets traitent de sujets tels que le travail au noir et la problématique des sans-abris à Mexico, les promesses et les échecs des programmes de modernisation en Amérique latine, les contestations territoriales en Israël et en Palestine, enfin les voies de l’immigration entre l’Afrique et l’Europe.
Son œuvre pose des actes tels que pousser des blocs de glace à travers les rues de la ville ou tracer une ligne verte sur le sol poussiéreux à l’aide de peinture dégoulinant ; faire déplacer une colline de sable par des centaines d’étudiants ou encore orchestrer des files d’enfants portant des modèles réduits de bateaux dans les vagues.
Les qualités poétiques des projets d’Alÿs résident dans leur absurdité fantasmatique, leur caractère éphémère ou inachevé, leur imagerie créative et, avant tout, dans l’espace énigmatique laissé ouvert à l’interprétation. La question principale que pose Alÿs -tant à lui même qu’au spectateur- est de savoir si tels actes poétiques, tandis qu’ils soulignent « l’absurdité » de certaines situations réelles, peuvent également créer un espace pour de nouveaux modes de pensée qui, à leur tour, pourraient aboutir à « la possibilié de changement ».
Les oeuvres d’Alÿs n’ont pas de forme matérielle définitive et on peut les rencontrer dans différent endroits et sous différents formats.
En dépit de la notion de durée intrinsèque qu’a son travail, on peut affirmer qu’Alÿs est un artiste qui réfléchit plus par le biais de l’image que via des narrations ou des événement imaginaires. Ces images mentales peuvent s’incarner de différentes manières : un petit collage dans lequel une montagne est ratissée par un peigne à cheveux, une peinture répresentant des hommes en cercle, les uns posants les mains sur les épaules des autres, etc. Si ces « images-rêves » visionnnaires sont des inventions fantasmatiques issues de l’imagination de l’artiste, elle proviennent de son imprégnation des contes de fées, des livres d’enfants, du surréalisme belge et des peintures du début de la Renaissance italienne.
Alÿs est particulièrement sensible à ce monde imagé pour deux raisons : premièrement parce qu’il est venu à l’art sur le tard, deuxièmement parce qu’il a renoué avec les livres pour enfants en tant que père. Quoi qu’il en soit, ces images sont à l’origine de nombreux de ses projets et c’est à travers elles que nous pouvons identifier le fondement poétique de son oeuvre : ces images sont toujours énigmatiques plutôt qu’illustratives et elles comportent souvent des incongruités d’échelle déconcertantes.
Tous les projets n’ont pas pour point de départ une image. Alÿs s’inspire parfois d’une anecdote, telle l’histoire des Tehuelche de Patagonie. Toutefois ces anectdotes, sont tout autant que les images, extrêmement concises et énigmatiques.
Ce qui relie toutes ces actions, quelle que soit leur échelle, c’est le fait que tout en travaillant, l’artiste essaie de trouver une image unique et un texte descriptif des plus brefs qui puissent faire office de cristallisant pour les projets. Il les utilise ensuite comme les deux composants des cartes postales qui sont les représentations les plus concises de son travail.
Alÿs admet que ramener un projet sous cette forme d’image et de texte de carte postale permet de lui conserver son caractère énigmatique et poétique, et garantit sa disponibilité pour de nouvelles interprétations et de nouvelles utilisations.
Les peintures d’Alÿs ont une forme caractéristique ; elles sont soigneusement réalisées à l’aide de nombreuses couches de peinture à l’huile mais sont également d’apparence modeste, souvent tendues de façon maladroite sur des petits cadres recyclés ou des planches de bois.
Le papier calque a toujours joué un rôle essentiel dans la pratique du dessin chez Alÿs qui l’utilise afin de recopier, déconstruire et reconfigurer les fragments d’une image, afin de réimaginer et réinventer celle-ci.
La distillation et la prolifération sont indissociables des nombreux objets présents dans les installations d’Alÿs.
La pratique d’Alÿs associe différentes tendances de l’art du XXe siècle qui semblaient jusqu’alors inconcilliables. Les images surréalistes de Magritte et les dernières peinture de Philip Guston, la musique de Georges Brecht et les Insertion into Ideological Circuits de Cildo Meireles, Alighiero Boetti et la production externalisée de centaines de mots carrés et la façon dont Robert Smithson fait voler en éclats l’idée d’une oeuvre monolitique au profil d’un nouveau concept d’une oeuvre pouvant exister sous différentes formes, localisations et temporalités, tous ces précédents sont fondamentaux pour Alÿs.
Lors des actions et promenades qui suivirent, Alÿs a commencé à noter et à réimaginer la manière dont l’espace public est utilisé dans la ville. L’influence des théories des situationnistes sur la dérive est sensible dans certaines de ses promenades -en particulier celles au cours desquelles il accumule des détritus métalliques avec ses Collectors.