La crise migratoire : le grand défi géopolitique de l’Europe
L’accueil récent et forcé par la France des migrants récupérés en mer par le navire d’une ONG, l’Ocean Viking, démontre que les dirigeants de l’Union européenne ne comprennent pas les graves enjeux géopolitiques d’aujourd’hui et de demain pour l'Europe.
C’est aujourd’hui de notoriété publique, et les rapports de Frontex l’attestent, que ce sont les ONG qui orchestrent et instrumentalisent ces « sauvetages en mer » préparés avec le concours de groupes criminels de passeurs, ces trafiquants d’êtres humains, véritables esclavagistes des temps modernes.
En effet, à partir des ports libyens, ces derniers ne mettent à la mer les migrants que lorsqu'ils ont la certitude que les navires des ONG sont suffisamment proches pour les « sauver », conformément au droit de la mer, obligation diffusée à l’envi par les médias européens.
Quoi qu’il en soit, dans la dernière affaire de l’Ocean Viking et en dépit des pressions européennes, Giorgia Meloni, la nouvelle présidente du Conseil italien, issue d’une coalition des droites italiennes, a refusé, par respect de ses engagements auprès de ses électeurs (et 63% des Italiens étaient contre !), d’accueillir les clandestins du navire de l’ONG.
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C’est donc le gouvernement français, au mépris de son opinion publique qui refuse, elle aussi, à plus de 70% toute nouvelle immigration, qui a accepté de jouer les bons samaritains.
Ainsi, le Président Macron a cédé une nouvelle fois, sous couvert d’humanisme, aux injonctions de la Commission européenne. La crainte des critiques de la minorité bien-pensante ainsi que des ONG et de leur propagande idéologique a également son rôle dans cette décision française et cette nouvelle lâcheté gouvernementale.
D’autant que le patronat et une certaine catégorie de la population bobo-progressistes française et européenne ne voient aucun mal à l’arrivée d’une main-d’œuvre malléable à merci (lorsqu’elle est encore en situation irrégulière comme dans le BTP ou la restauration) et sous-payée pour occuper des emplois dont les salaires sont ainsi tirés à la baisse. Comble de bonheur, tels de véritables esclaves modernes, ces nouveaux immigrés peuvent potentiellement agrémenter le quotidien des bourgeois des grandes villes, comme le font déjà les femmes de ménages, les livreurs et les chauffeurs Uber ou encore les agents de sécurité… issus de l’immigration extra-européenne.
Ceci étant dit, la décision française et cette politique de l’autruche encouragent les ONG à réitérer leurs actions à la limite de la légalité et créent ainsi en Afrique de nouveaux appels à l’émigration. Alors qu’avec ou sans le secours des ONG, certains pauvres bougres tentent leur chance seuls et perdent malheureusement la vie en mer. Ils sont donc aussi les premières victimes de cette politique folle de l’Union européenne qui ne veut pas prendre des mesures fermes sur cette question migratoire et contre ces ONG.
C’est également un message de grande faiblesse qui est encore lancé aux pays du sud de la Méditerranée.
L’immigration, un enjeu géopolitique majeur
Nous ne sommes qu’au début des crises migratoires. Il faut en avoir conscience et arrêter de croire que ce ne sont que quelques dizaines de milliers d’immigrés que nous devrons accueillir. La réalité est beaucoup plus préoccupante et s’inscrit dans l’explosion démographique du continent africain.
C’est un terrible défi géopolitique présent et à venir qui s’expose aux Européens.
Samuel P. Huntington l’avait rappelé dans son Choc des civilisations en 1996 : « La démographie dicte le destin de l’Histoire, les mouvements de population en sont le moteur ».
Bien évidemment, au-delà des fermetures des frontières européennes, ce problème migratoire pourra principalement n’être réglé qu’en amont, c’est-à-dire dans les pays d’Afrique et du Maghreb.
Il faut alors radicalement revoir nos politiques de codéveloppement. Les aides au développement sont encore trop souvent et massivement détournées par la corruption endémique de ces zones. Des solutions existent et fonctionnent pourtant comme la coopération décentralisée.
Et pourquoi pas, ne pas envisager, comme le suggère Jean-Michel Nogueroles, le président du think tank français Nova Roma, des initiatives ambitieuses et sérieuses comme un grand plan Marshall pour l’Afrique, étroitement contrôlé et cogéré avec les pays intéressés et qui serait partiellement financé avec le support de la Banque Européenne d’Investissements agissant en liaison avec la Banque Centrale Européenne.
En attendant, et c’est une urgence, il faut cesser les demi-mesures, les tergiversations et les débats stériles sur les « quotas », la « répartition » dans chaque pays ou encore un accueil « contrôlé ».
Bref, dans un contexte de crises multiples qui touchent l’Europe et au regard des problèmes socio-économiques qui ne cessent de s’aggraver comme les tensions identitaires et communautaires, il est impératif de changer de logiciel et d’adopter, comme l’Australie en son temps, des mesures cohérentes et claires ainsi que ce message de fermeté : « Si vous tentez de venir en Europe, vous serez immédiatement renvoyés ». Or une telle révolution copernicienne dans la politique migratoire européenne, qui seule pourra éviter des conflits internes futurs, n’est malheureusement pas à l’ordre du jour pour des raisons idéologiques. De plus, elle sera difficile à mettre en œuvre au niveau européen en raison des politiques divergentes entre les États membres de l’UE et devant le diktat de ses instances dirigées par des idéologues et des technocrates déconnectés du réel et des inquiétudes légitimes des peuples européens.
Pourtant, l’histoire et l’actualité de ces dernières années ont toujours démontré à travers le monde et de manière factuelle, les conséquences néfastes voire tragiques des grands mouvements de population incontrôlés. Depuis des décennies et surtout à partir de 2015, avec l’afflux massif en Allemagne de millions de réfugiés syriens et ses funestes conséquences (terrorisme, explosion de la délinquance, tensions intracommunautaires, montées des populismes…), tous les services de sécurité européens sonnent pourtant le signal d’alarme.
Dans son ouvrage, Dictionnaire amoureux de la géopolitique (Plon, 2021), Hubert Védrine relate un de ses échanges très intéressant avec le célèbre géopoliticien singapourien, Kishore Mahbubani. Alors qu’il discute de l’Europe avec l’universitaire, l’ancien conseiller de François Mitterrand et ministre socialiste des Affaires étrangères de 1997 à 2002 lui demande : « Qu’est-ce qui permettra selon vous le sursaut de l’Europe ? ».
Mahbubani lui répond que les principales et premières conditions à ce sursaut sont « un moratoire sur les migrations et que l’Europe devienne machiavélienne » !
Dont acte ! Et pourtant, Védrine et Mahbubani sont loin d’être considérés comme de dangereux fascistes…
Sur l'auteur: Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020) et Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021)