La Nouvelle-Calédonie demeure suspendue aux déclarations des indépendantistes radicaux
Au lendemain de la treizième journée d’émeute, le bilan est lourd en Nouvelle-Calédonie : 7 personnes sont décédées, 115 policiers et gendarmes ont été blessés, et 370 personnes ont été interpellées.
Des incendies violents ont éclaté à Kameré, nécessitant l'évacuation de 35 personnes, dont 7 mineurs, par la mer. Un civil a été tué à proximité des barrages du CHT.
Dans le voisinage du quartier de Kaméré, les forces du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sont toujours en train d'essayer de déloger des individus qui se sont positionnés sur des toits ces derniers jours, équipés de fusils de précision. La zone de Rivière Salée, ainsi que les communes de Païta et de Dumbéa, demeurent des « points chauds ».
Les autorités ont dégagé la route de Nouville, offrant ainsi un accès à la clinique Kuindo-Magnin. Les conducteurs peuvent désormais observer l'étendue des dommages infligés au CFA (Centre de formation d'apprentis), qui a malheureusement été la cible d'un incendie et de pillages.
Plutôt , la médiathèque de Rivière-Salée, située à Nouméa, avait été incendiée dans la nuit du 18 au 19 mai 2024.
Face à cette situation, la jeunesse de Nouvelle-Calédonie se demande comment (re)construire un destin commun. Lors d'une rencontre avec le président français Emmanuel Macron, une vingtaine de jeunes ont exprimé leurs doutes et leurs profondes inquiétudes depuis le début des émeutes.
"Jamais, je n’y aurais cru", a déclaré un habitant du PK6. "J’ai une bande d’amis qui se déchire actuellement à cause de ces violences. Les gens se filment entre eux avec les téléphones, on ne sait pas pourquoi et où ces vidéos vont finir. Je vis dans un profond sentiment d’insécurité."
Une étudiante a quant à elle exprimé sa tristesse et sa colère face aux violences. "Comment construire un destin commun avec ces personnes ? La mission du dialogue est un idéal à atteindre, mais la réalité, c’est qu’il est difficile aujourd’hui de parler avec des gens de camps opposés qui refusent de s’écouter."
Dans ce contexte, on s’interroge sur la portée de la visite éclair du président Emmanuel Macron sur le caillou.
Après une visite visant à rétablir la tranquillité dans le pays et à favoriser les échanges entre les élus, Emmanuel Macron a dévoilé, au cours de la nuit du 23 mai 2024, les trois "piliers" fondamentaux pour un retour à la sérénité : la sécurité, la reconstruction économique et la voie politique.
Concernant ce dernier point, à l'origine des troubles, le chef de l’État s'engage à ne "pas forcer le passage" sur la réforme constitutionnelle à condition que les barrages soient levés "dans les plus brefs délais". S'il en est ainsi, il promet de faire "un bilan d'étape dans un mois" et espère ardemment un accord global avec les responsables politiques locaux.
Cependant, les violences continuent dans le nord de Nouméa, malgré la visite d'Emmanuel Macron. Une septième personne a été tuée le 24 mai 2024 dans la ville, pour la première fois par un policier, "pris à partie physiquement". Les exactions se concentrent désormais dans le nord de l’agglomération, le calme revenant dans plusieurs quartiers où des commerces rouvrent.
Le chef de l’État a exhorté les chefs de file indépendantistes d’appeler à "lever les barrages", condition, à ses yeux, pour mettre fin à l’état d’urgence, qui peut être prolongé par le Parlement au-delà du 27 mai 2024.
La situation en Nouvelle-Calédonie reste pour l’heure très tendue et incertaine. Les perspectives pour sortir de la crise dépendront en grande partie de la capacité des acteurs politiques locaux à trouver un accord et à rétablir la sécurité sur le territoire.
Le second sujet abordé lors de la visite d'Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie portait sur les défis économiques et la réparation suite aux dégâts causés par les émeutiers.
Pour gérer cette question épineuse, la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux a prolongé son séjour sur le territoire de quelques jours et une mission spéciale a été instaurée, comprenant des hauts fonctionnaires dépêchés sur place ainsi qu'une "équipe dédiée" à Paris.
"La priorité sera accordée à une aide d'urgence pour le paiement des salaires, la résolution des problèmes de trésorerie des entreprises, avec des délais de paiement et des reports d’échéances, avec l'engagement des assureurs et également des prêts à taux zéro pour soutenir l'ensemble des professionnels", a déclaré le président de la République.
"Ce qui sera organisé dans les prochains jours, c'est l'établissement d'un fonds de solidarité pour soutenir le secteur économique et ainsi aider les salariés, les gérants et les indépendants dans une situation critique."
En parallèle, l'État mettra en place une "mesure exceptionnelle et urgente" pour la réparation des bâtiments publics, y compris les écoles et les collèges, en faveur des collectivités qui bénéficieront de dispositifs d'aide.
"Un travail considérable doit être accompli pour reconstruire rapidement et de manière judicieuse. L'ensemble des acteurs devra élaborer une stratégie économique qui envisage sa diversification et l'avenir du nickel, essentiel dans le contexte actuel", a souligné Emmanuel Macron.
Les réactions des responsables politiques locaux à la visite d'Emmanuel Macron sur le caillou ont été globalement positives. Sonia Backès, la présidente de la province Sud, a déclaré qu'il y avait "un espace pour un accord global si ces violences cessent immédiatement".
Elle s'est dite "rassurée" sur le plan politique et a souligné que la visite d'Emmanuel Macron lui avait permis de prendre conscience de la gravité de la situation. Elle a cependant insisté sur le fait que le temps de dialogue ne serait ouvert que si les barrages étaient levés et que les violences cessaient.
Louis Mapou, le président du gouvernement, a quant à lui indiqué que "les réponses données nous satisfont". Il a salué la volonté d'Emmanuel Macron de "faire un chemin ensemble" et a souligné l'importance de travailler ensemble pour reconstruire le territoire. Il a cependant précisé qu'aucun chiffre n'avait encore été avancé concernant le montant des destructions et de l'aide de l'État.
Nicolas Metzdorf, le député de la seconde circonscription, a pour sa part salué "la franchise et l'écoute" d'Emmanuel Macron, tout en insistant sur la nécessité de "travailler ensemble pour sortir de la crise".
Dans le même temps, Emmanuel Macron a exhorté le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) à demander à ses partisans de lever les barrages, mais le groupe n'a pas clairement suivi les souhaits du président. Au lieu de cela, le FLNKS "renouvelle son appel au calme" et "demande également de desserrer l'étau", mais précise que cela ne s'applique qu'aux principaux axes de circulation pour permettre aux Calédoniens de circuler librement de manière progressive.
"La cellule de coordination des actions de terrorisme" confirme la poursuite de sa mobilisation
Le même message a été répété la veille par Christian Tein, chef de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT)… mais pour les habitants de qui ne dorment depuis le début des émeutes que d’un œil tels des lions, de peur que leur maison ne soit incendiée , la CCAT signifie plutôt volontiers : "cellule de coordination des actions de terrorisme " (NDLR), un groupe radical affilié au FLNKS.
Dans une vidéo, Tein a demandé "le retrait du projet de loi sur la modification du corps électoral et l'accession du pays à la pleine souveraineté". Il a déclaré que le groupe "reste mobilisé" et promet de "mener la contestation jusqu'au bout", malgré le fait qu'il ait été assigné à résidence, que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ait qualifié son groupe de "mafieux" et que le procureur de Nouméa ait ouvert une enquête à son encontre.
Pour autant, au lendemain de la visite éclair du Président de la République ,Nicolas Metzdorf, député de la seconde circonscription est revenu le 25 mai 2024 sur sa déclaration emprunte d’optimisme. Il a livré son analyse sur les discussions qui vont s’ouvrir, dans un long message publié sur les réseaux sociaux. Les Leaders indépendantistes apparaissent bel et bien dépassés par une "branche radicale" issue de la CCAT qui ne voudrait pas d’un accord.
Ainsi, les "leaders indépendantistes modérés" seraient devenus inaudibles et dépassés par cette branche qui menacerait "tous ceux qui voudront accepter de dialoguer et de taper dans la main avec nous", faisant régner un "régime de la terreur".
On l’aura compris, à l’instar du député on admet volontiers que la quête d’un accord d’ici un mois sera "difficile, pas impossible, mais difficile". Étant entendu que les habitants de Nouméa sont pris en otage par la CCAT.