Loi sur la fin de vie en France : Incertitudes et délais dans les décisions Macroniennes
La réunion prévue à l'Élysée ce mardi sur le projet de loi fin de vie a été reportée en raison des inondations dans le Nord-Pas-de-Calais. Des incertitudes demeurent sur le contenu, surtout en ce qui concerne l'aide active à mourir et le calendrier.
Le président de la République avait prévu de convoquer les ministres ce mardi à l'Élysée pour discuter du projet de loi sur la fin de vie. Cependant, en raison des inondations dans le Nord-Pas-de-Calais, cette "réunion de cadrage", comme l'a décrite Olivier Véran, a été reportée. Des interrogations persistent sur le contenu du texte, notamment en ce qui concerne l'aide active à mourir, ainsi que sur le calendrier prévu.
La "réunion de cadrage" sur le projet de loi sur la fin de vie, prévue par Emmanuel Macron à l'Élysée le 14 novembre, a été différée en raison de la visite du président dans le Pas-de-Calais, touché par des inondations. Cet épisode prolonge la saga politique sur la fin de vie, désormais soumise aux décisions d'un président qui semble hésiter à s'engager dans un dossier qu'il a initié.
Le 3 avril dernier, après la conclusion des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui avait soutenu à 76 % l'ouverture de l'aide active à mourir, le président de la République avait enjoint au gouvernement de lui soumettre un projet de loi "d'ici la fin de l'été". Bien qu'il ait reçu le texte en septembre, aucune avancée n'a été observée depuis. L'introduction du projet, initialement prévue trois semaines après la rentrée, a été repoussée en raison de la visite du pape François, farouchement opposé à l'aide active à mourir, à Marseille.
Pas de précipitation
Depuis, quand on le questionne sur le contenu du projet de loi, le cabinet de la ministre Agnès Firmin Le Bodo renvoie vers l’avis consultatif à venir du Conseil d’Etat. Une manière de temporiser en attendant les derniers arbitrages d’un président de la République qui ne s’est jamais montré particulièrement pressé de réformer sur le sujet.
Un président qui, pourtant, le 31 mars 2022, lors d’un déplacement à Fouras (Charente-Maritime), s’était personnellement prononcé en faveur d’une évolution de la loi française « vers le modèle belge ». Avant de déclarer, six mois plus tard devant le Pape, qu’il « n’aimai[t] pas le mot d’euthanasie » et que « la mort, c’est un moment de vie, pas un acte technique ».
Le même Emmanuel Macron qui vient de déclarer la semaine dernière devant le Grand Orient de France, principale obédience française de francs-maçons, que « le droit de mourir dans la dignité » fera l’objet d’une « traduction dans une loi de liberté et de respect » dans les prochains mois, peu après avoir agité la carte d’un éventuel référendum au moment de convoquer les partis à une nouvelle « rencontre de Saint-Denis ».
« On en prendrait pour trois ans de plus, sous réserve d’une révision constitutionnelle », souffle le député Olivier Falorni (MoDem et Indépendants), qui préside le groupe parlementaire d’études sur la fin de vie et qui ne veut pas croire à ce scénario. « Quoi qu’il arrive, de toute façon, ça prendra dix-huit mois. Le président de la République continue de mûrir le sujet, note un ministre à propos de la période qui s’écoulera entre la présentation du projet de loi en conseil des ministres et l’adoption définitive du texte. C’est un processus long, rien ne serait pire que de se mettre la pression sur le calendrier. » Sur les scénarios à venir, la situation reste donc encore plutôt opaque.
Le flou autour de l’exception d’euthanasie
Et sur le fond du dossier, les choses ne sont pas claires non plus. Agnès Firmin Le Bodo ne fait pas mystère de son intérêt pour le modèle orégonais, du nom de cet Etat américain dans lequel les médecins sont autorisés à prescrire une substance létale à un patient adulte dont le décès est envisagé dans les six mois. Le patient peut ensuite la boire chez lui au moment de son choix. « L’enjeu, ce serait de pouvoir répondre à toutes les personnes remplissant les critères d’éligibilité et de tenir compte notamment de la situation des personnes empêchées physiquement d’y avoir accès », notait par ailleurs la ministre dans nos colonnes en août dernier, envisageant l’intervention d’un tiers pour garantir à toute personne éligible l’accès à l’aide à mourir, selon nouvelobs.
Cette disposition a été préconisée par le Conseil consultatif national d’Ethique (CCNE) en septembre 2022, car elle garantirait le respect du principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens. Dans une moindre mesure, elle ferait aussi écho aux recommandations de la majorité des membres de la convention citoyenne, qui souhaitent que l’assistance au suicide et l’euthanasie soient conjointement proposés, « dans la mesure où le suicide assisté seul (voté à 10 %) et l’euthanasie seule (votée à 3 %) ne répondent pas à l’ensemble des situations rencontrées ».
L’euthanasie figurera-t-elle dans la première version du projet de loi ? Contacté, l’entourage du président de la République reste muet. La question est politique pour Emmanuel Macron, dans un contexte ou de nombreux soignants s’y opposent, et où le gouvernement aura besoin de rallier, outre Renaissance, des parlementaires de l’opposition, qui se sentent humiliés par les multiples recours au 49-3. Le président de la République pourrait en effet avoir un double intérêt à ce que l’euthanasie ne figure pas dans le texte, soupire Jonathan Denis, le président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), qui s’attend à un projet de loi de courte envergure :
« Le premier, ce serait de ne pas se mettre à dos les représentants des soins palliatifs ou les soignants qui peuvent y être opposés en leur disant que l’on se dirige vers un dispositif auquel ils participeront le moins possible. Le deuxième, ce serait d’envoyer un signal aux parlementaires en leur disant qu’il leur laisse tout le loisir d’amender le texte et de s’en emparer. »
Ce qui faciliterait leur ralliement. « Il est possible que certains députés se saisissent de l’aspect trop frileux du texte pour s’abstenir ou s’y opposer en disant qu’il n’est pas à la hauteur », analyse un parlementaire.
D’autres, parmi lesquels des députés Renaissance, se font l’écho des organisations de soignants qui sont opposés à l’ouverture de l’aide active à mourir, en fustigeant la cohabitation dans le même d’un texte d’un volet dédié au suicide assisté, voire à l’euthanasie, et d’un autre au déploiement des soins palliatifs. « Combiner dans un même texte des questions par essence différentes serait une erreur », écrivent-ils dans une tribune publiée par « l’Express ».
De son côté, l’ADMD s’oppose vivement à un projet de loi qui privilégierait le suicide assisté : « Pour moi, on n’est pas du tout dans un esprit de fraternité ou de solidarité quand on renvoie quelqu’un chez lui en lui disant de prendre ce produit seul, tonne Jonathan Denis. Ce n’est pas ma conception de l’accompagnement et d’une promesse de non-abandon », poursuit-il. S’il est une certitude dans ce dossier flou, c’est que les débats ne font que commencer.