Consultant auprès de l'ONU à "Al-Ain News": S’il doit y avoir un autre effet domino, il passera par le Tchad
Le Consultant juriste auprès des Nations Unies, de l'Union européenne et de la Banque mondiale, Olivier d'Auzon s'est exprimé, dans un entretien à "Al Ain News", sur le dernier coup d'État au Niger.
1- Quelle est votre lecture de la situation au Niger et quels sont les dessous de ce coup d'État ?
Paris savait que «la situation était fragile au Niger» et que le président Bazoum pouvait être victime d'une tentative de coup d'État.
Cette déclaration mérite l’étonnement surtout à l’aune de la réaction d’Emmanuel Macron, visiblement très irrité par cet événement.
De fait, le président français, ne s’était-il pas écrié : «Le Niger après le Mali, ça fait beaucoup! » ?
Qu’on y songe, le Sahel est un « rift ethno-racial » le long duquel vivent des sédentaires sudistes et des nomades nordistes en rivalité territoriale depuis la nuit des temps.
Avec le Tchad, le Niger est la clef de voûte de la stabilité de toute la région sahélienne.
En plus, des menaces exercées par les djihadistes dans la zone des Trois frontières Burkina Faso, Mali et Niger, dite du Liptako Gourma, et celles découlant de la proximité des zones d’action de Boko Haram dans le Sud- est, le pays est également menacé par des conflits latents au nord. Etant entendu qu’il est situé au carrefour des trafics entre l’Afrique sud-saharienne et l’Europe, au point de jonction des foyers de déstabilisation de la Libye.
Au Niger où plusieurs conflits se déroulent, tant à l’ouest qu’au sud-est, la situation tient encore compliquer davantage, par le fait que le président Mohamed Bazoum est Arabe. Il est en effet membre de la tribu libyenne des Ouled Slimane (Awlad Sulayman) qui a des diverticules au Tchad et dans le nord-est du Niger.
Or la partie nord du Niger est le prolongement territorial des trois populations qui s’affrontent dans le sud libyen, à savoir les Arabes, les Touareg et les Toubou. Aujourd’hui, les Toubou et les Touareg sont en concurrence pour le contrôle des routes de la contre-bande.
Dans ce contexte, martèle Bernard Lugan, Paris a eu le grand tort de ne plus confier la politique africaine de la France à des hommes de terrain héritiers de la « méthode Lyautey » et de l’approche ethno-différentialiste des anciennes « Affaires indigènes ».
Après la fin de l’opération Barkhane, 1400 soldats français ont été redéployés au Niger, dont 400 forces spéciales de l’opération Sabre qui, chassées de Ouagadougou en février 2023, ont établi leur point d’attache dans la ville d’Ayorou, à 200 kilomètres au nord-ouest de la capitale Niamey.
Or« L’erreur absolue que nous venons de faire, c’est de rapatrier tous nos moyens qui étaient sur le Mali et sur le Burkina Faso au Niger. Nous avons mis nos dispositifs militaires au milieu de ce chaudron» indiquait l’Africaniste Bernard Lugan à l’antenne du Sud Radio. en mai 2023
Dans ce contexte, la France ne saurait s’exonérer de ses responsabilités, pointant du doigt systématiquement la Russie ; c’est si commode…
En Afrique, le renseignement français est focalisé sur deux ennemis : les groupes terroristes et les Russes de Wagner.
L’Afrique étant le flan sud de l’Otan, on ne saurait blâmer Moscou, qui ne se prive pas de s’engouffrer dans la brèche, profitant des faiblesses et des erreurs de la France, qui de surcroit la combat sur le front Ukrainien.
Or force est de constater que Putsch après Putsch, le pré-carré de la France en Afrique bascule inexorablement du côté de la Russie. Et s’il y a un autre effet domino, il passera par le Tchad.