Pourquoi la France n’est plus écoutée ?
En dépit de la méthode Coué et les mantras du Quai d’Orsay ou de l’Élysée, les jeux sont faits : la France n’est plus écoutée, ni respectée dans le monde !
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
Nous assistons à un recul de plus en plus net de la place géopolitique de la France.
Emmanuel Macron et la souveraineté del’Europe, un vœu pieux ?
Mais ce n’est pas nouveau, cela a commencé il y a déjà plusieurs décennies, comme je l’ai maintes fois expliqué dans mes différents ouvrages.
Dans le monde d’aujourd’hui, l’influence, que cela nous plaise ou non, est fonction de la puissance économique et commerciale. Et nous sommes à cet égard bien à la traine, loin derrière l’Allemagne par exemple.
Notre rayonnement, qui est l’aura de notre passé glorieux, la méthode Coué ou le fait de claironner que nous sommes la quatrième puissance mondiale (passée récemment à la 6e place !) ne suffisent pas à être véritablement influent. En Europe, par exemple, c’est à Berlin que tout se décide !
Du coup, on navigue à vue, un peu au jour le jour, car on a besoin d’argent et il faut vendre.
Quand votre croissance est négative ou peine à atteindre les 1 % et que vous êtes toujours plus endetté, vous êtes forcé de faire beaucoup de concessions et de compromissions..
Si vous ajoutez à cette diplomatie strictement commerciale, nos leçons de morale, notre « droit d’ingérence », notre « droit-de-l’hommisme » le plus prosélyte, hypocrite et à géométrie variable, ainsi que l’idéologie de certains de nos « savants » et soi-disant « experts », vous avez le cocktail qui fait toute la vacuité de l’« irrealpolitik » (Védrine) actuelle de notre politique étrangère !
Je rappelle souvent la fameuse phrase de Mao : « Le poisson pourrit toujours par la tête ».
C’est le problème de la France, peut-être son principal danger avant même le terrorisme, l’islamisme et une immigration hors de contrôle (et bien loin devant, comme on veut nous le faire croire, la menace russe !) : une classe dirigeante et politicienne de plus en plus déconnectée et paralysée par la peur.
Shakespeare l’avait écrit : la prospérité et la paix produisent des couards. Lorsque vous avez des responsables politiques qui passent du banc de leurs grandes écoles à un fauteuil de bureau, sans s’être jamais battu, ni n’ayant pris aucune gifle de toute leur vie, il ne faut pas s’étonner du cruel manque de courage de cette caste.
Jamais ils ne prendront des décisions politiques courageuses sauf à être forts avec les faibles et faibles avec les forts tel qu’on le voit en matière de sécurité intérieure ou encore avec les lois liberticides et ubuesques de la gestion calamiteuse de la crise sanitaire…
Pour la France, le retour à une véritable indépendance et souveraineté industrielle et nationale doit dépasser le cadre du simple slogan électoral pour s’imposer urgemment dans les actes. Avant qu’il ne soit trop tard…
Le coup fatal d’Emmanuel Macron ?
Aujourd’hui le rôle de la France notamment au Sud de la Méditerranée (notre principale frontière !) se limite à des ventes d’armes avec nos partenaires stratégiques égyptiens, émiratis et dans une moindre mesure avec les saoudiens.
Or, les relations internationales, surtout dans cette région, je l’ai déjà dit, ne se résument pas à des considérations commerciales, idéologiques ou émotionnelles (surtout à géométrie variable !).
Ce sera toujours le réalisme mais également des questions psychologiques qui prévaudront.
Boudée par le Maroc, humiliée par l’Algérie, la France est à présent totalement inaudible et hors-jeu des grands dossiers méditerranéens et du Moyen-Orient, en Libye, en Syrie, dans le conflit israélo-palestinien et même au Liban ! Ne parlons même pas de l’Afrique…
Après « l’Irrealpolitik » de ses prédécesseurs, la diplomatie spectacle mais stérile d’Emmanuel Macron, puis son alignement sur la politique des Etats-Unis et de l’Union européenne à propos de l’Ukraine et contre la Russie, ont fini de sortir la France de l’Histoire et des affaires du monde.
Or, l’histoire nous rappelle pourtant que la France n’est jamais aussi grande, respectée et écoutée que lorsqu’avec panache, elle est rebelle et insolente. Comme en 2003, lorsqu’elle s’est opposée courageusement à l’intervention américaine en Irak.
Malheureusement, pour cela, il lui faut des chefs courageux et indépendants ! Une espèce actuellement en voie d’extinction sur les bords de Seine…
Emmanuel Macron a toujours affirmé pourtant vouloir renouer avec l’héritage gaullien, notamment vis-à-vis de la Russie, mais il ne s’en est jamais donné les moyens. En avait-il au moins la liberté ou même l’envie et la volonté ? Pas sûr…
Dernière preuve de l’effacement et du déclassement de la France sur la scène internationale, la dernière visite du président Macron en Chine.
Ce dernier s’est permis une nouvelle leçon de morale aux dirigeants chinois en les prévenant que soutenir « l’agresseur » russe reviendrait à se rendre « complice ».
Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Autre symbole affligeant : lors de sa visite à Pékin, outre la présence à ses côtés des grands patrons français, le président français était accompagné… d’Ursula von der Leyen !
Et c’est bien Emmanuel Macron qui avait insisté, par faiblesse et dépendance, la présence à ses côtés de la présidente de la Commission européenne. De fait, l'aliénation du président français est patente.
La France est donc aujourd'hui clairement sous tutelle et n’a plus voix au chapitre dans les affaires du monde !
De même, tout juste revenu de Pékin et lors d’une récente visite au Pays-Bas, le président français a prononcé un discours sur l’avenir de l’Europe ainsi que sur sa « souveraineté économique et industrielle ».
Or, il est le seul à rêver de cette « souveraineté européenne », les Européens n’en veulent pas ! Ils préfèrent que leur sécurité soit assurée par l’OTAN et les armes américaines et laisser leurs économies et leurs industries se faire prendre otage de manière croissante par la puissance financière chinoise.
Au final, il n’y a malheureusement rien à attendre des politiciens, aux mains et aux esprits liés, qui nous gouvernent.
Sans courage, empêtrés dans de multiples conflits d’intérêts personnels, toujours sous influences diverses, soumis aux « puissances de l’argent » (anglo-saxonnes ou chinoises) et aux ordres de l’« État profond » atlantiste du Quai d’Orsay (dixit Macron en 2019), nos « petits télégraphistes » de Washington ou de Bruxelles, feront ainsi à chaque fois passer les intérêts supérieurs des Français et de la nation au second plan.
Tout en écornant inexorablement l’image et l’aura de la France sur la scène internationale…