Emmanuel Macron et la souveraineté de l’Europe, un vœu pieux ?
Tout juste revenu de Pékin et en visite d’État aux Pays-Bas ce mardi 11 avril, le président français a défendu la souveraineté économique et industrielle de l’Europe face aux États-Unis et la Chine. Point fort de ce déplacement.
Un très beau discours, certes comme toujours, mais dans les faits et par les temps qui courent, une autonomie stratégique européenne n’est pour l’instant que de la pure science-fiction !
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
Emmanuel Macron a plus que raison : l'autonomie stratégique de l'Europe est un objectif absolu et la France gaullienne a vocation à être la moins alignée possible, vis-à-vis de la Chine comme des Etats-Unis.
Or le président français est bien trop intelligent pour croire lui-même à ses propos. Du moins espérons-le… Sinon, ce serait très grave. Il est plus que probable que nous soyons ici, encore les témoins de la diplomatie spectacle si chère au locataire de l’Élysée.
Concernant les Européens, Emmanuel Macron a déclaré que « nous serions beaucoup plus forts ensemble ». Soit. Mais comme tout géostratège sérieux qui se respecte le pense, la seule alternative pour que l’Europe ne soit plus « un nain géopolitique » (Védrine) tout en restant « un géant économique » (pour combien de temps ?) aurait été, et c’est De Gaulle le premier qui en avait émis l’idée, une Europe des nations (et non une Union européenne sous ce format) « de Brest à Vladivostok », c’est-à-dire une alliance d’États européens forts et partenaires de la Russie (pour ses énergies, ses ressources et son immense profondeur stratégique en Asie).
Impensable aujourd’hui mais qui aurait été un véritable cauchemar pour les Etats-Unis et la Chine !
En attendant, la déclaration du président français a bien fait sourire les Américains. Les Chinois n’en pensant pas moins.
Signe des temps, du côté de nos « amis » Européens, et surtout les Allemands qui mènent la danse dans l’UE actuelle, aucun n’a trouvé la peine de revenir sur les incantations françaises…
Les économies et les entreprises de la plupart des pays membres de l’Union sont déjà prises en otage par la finance prédatrice chinoise. Angela Merkel n’avait-elle pas refusé pour ces mêmes raisons de suivre en son temps Donald Trump lorsqu’il lança sa guerre économique contre l’Empire du milieu ?
Et avec la guerre en Ukraine, on l’a vu, la plupart d’entre eux préfèrent s’armer en achetant américain, alors que la France se classe chaque année dans le trio de tête mondial des pays producteurs et exportateurs d’armes ! Pour exemple, la Belgique, le Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, l’Allemagne… ont déjà choisi le F35 américain plutôt que Le Rafale français, pourtant moins cher et comme, l’affirment les experts, plus performant…
C’est Regis Debray qui résume le mieux l’état actuel de l’Union européenne : « Elle n'a ni visage ni rivages, ni contours ni compteurs.
Le signe d'une démission et d'un renoncement historique. Flasque et ectoplasmique. Fade car fondée sur le consensus, car à 27 on ne peut dire que des lieux communs. La désagrégation de l'Union européenne sera l'expression de l’Europe-même.
L'Europe sera telle que son histoire l'a faite, livrée à des coopérations, des alliances... A la fin de l’Union européenne, ce sera les retrouvailles avec l’Europe ».
Pour comprendre le poids de l’Union européenne dans les affaires du monde, il n’y avait qu’à voir l’accueil humiliant réservé la semaine dernière par le pouvoir chinois à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne (le président Macron avait insisté pour qu’elle l’accompagne lors de sa dernière visite en Chine !).
De fait, Pékin ne considère absolument pas cette Europe comme un interlocuteur géopolitique crédible !
Dernière chose, ce sera la guerre en Ukraine et surtout son issue qui illustreront l’évanescence géopolitique de l’Europe.
Car toutes les guerres prennent fin un jour. Malheureusement le peuple ukrainien n’aura été finalement que le grand sacrifié du nouveau Grand Jeu planétaire en cours.
Lorsque les Américains le décideront, forts de leurs succès à court terme (mise sous tutelle définitive d’une Europe « coupée » durablement de la Russie, vente de leurs armes et de leur gaz au prix fort sur le Vieux continent…) mais réalisant, pour le long terme, le désastre de leur stratégie globale face à la Chine, ils autoriseront enfin Zelensky à négocier.
Poutine et les Russes n’auront alors atteint que 70% de leurs objectifs initiaux, mais en occupant toujours un cinquième du territoire ukrainien. Certes, la Russie sortira assurément affaiblie et peut-être vassalisée à la Chine. Or, grâce à ses extraordinaires ressources naturelles et comme elle l’a maintes fois prouvé à travers l’histoire, elle s’en remettra.
La Chine sera de toute évidence, elle, la grande gagnante, plaçant inexorablement ses pièces pour le futur Siècle chinois. Les Européens, eux, seront encore et toujours les éternels dindons de la farce…