Retrait de trois pays de la CEDEAO : Une décision "mûrement réfléchie", selon le Burkina Faso
Le 28 janvier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) après des mois de tensions avec l'organisation régionale.
Cette décision, qualifiée de "mûrement réfléchie" par les États du Sahel, est toutefois lourde de conséquences. Nous avons discuté de ces développements avec le père Arsène Brice Bado, vice-président de l'Université jésuite à Abidjan du Centre de recherche et d'action pour la paix.
Regroupés au sein de l'Alliance des États du Sahel (AES), formée en septembre dernier pour lutter contre les groupes jihadistes, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont décidé de prendre leur destin en main. Ces trois pays, récemment secoués par des coups d'État, des sanctions économiques et une suspension de la CEDEAO, ont officiellement annoncé leur retrait immédiat de l'organisation ouest-africaine le 28 janvier.
Les reproches de l'Alliance des États du Sahel envers la CEDEAO incluent l'éloignement des idéaux des pères fondateurs, l'influence croissante de puissances étrangères considérée comme une menace, ainsi que des sanctions jugées "illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables". Pour le père Arsène Brice Bado, la rupture était inévitable et l'Alliance des États du Sahel se profile désormais comme une alternative à la CEDEAO.
Le Premier ministre burkinabè, Appolinaire Joachimson Kyelem de Tambela, a qualifié cette décision de "mûrement réfléchie", soulignant la recherche d'une "souveraineté totale" face à l'indifférence perçue de la CEDEAO envers les crises humanitaires et les tentatives de déstabilisation.
L'annonce du retrait a suscité des réactions en cascade dans la région. La CEDEAO a exprimé sa volonté de négocier une solution, tandis que l'Union africaine a regretté cette décision.
Les conséquences du retrait sont vastes, notamment la remise en question de la libre circulation des personnes et des biens, du passeport commun de la CEDEAO et des tarifs douaniers harmonisés. Des projets d'infrastructures reliant les pays de la CEDEAO pourraient également être compromis, et la cohésion sociale des populations risque d'être fragilisée par d'éventuelles réinstaurations de visas et de contrôles de résidence.
La CEDEAO elle-même se trouve fragilisée par le départ de ces trois pays, mettant en lumière l'interdépendance économique de la région. Les sanctions imposées au Niger, notamment, ont déjà eu des répercussions significatives, soulignant la nécessité d'une réorganisation de l'organisation ouest-africaine.
L'Alliance des États du Sahel dénonce également l'influence étrangère exercée sur la CEDEAO. Bien que complexe, cet argument soulève des préoccupations quant à la présence de forces extérieures dans les décisions de l'organisation régionale. La nécessité pour la CEDEAO de se réorganiser et de répondre aux aspirations de souveraineté des populations est mise en avant.
En ce qui concerne l'avenir, la décision de l'Alliance des États du Sahel pourrait ouvrir la voie à la concrétisation d'une monnaie commune, marquant une nouvelle étape dans la dynamique actuelle. Toutefois, les défis liés à une réinitialisation totale des relations économiques et monétaires entre les pays de la région sont considérables.
Le paysage géostratégique de l'Afrique de l'Ouest est en pleine mutation, marqué par une concurrence entre grandes puissances telles que la France, les États-Unis, la Russie et la Chine. Les pays de l'Alliance des États du Sahel semblent se tourner vers la Russie, suscitant des inquiétudes parmi les pays occidentaux. Cette évolution soulève des questions cruciales sur la souveraineté des pays de la région face à l'influence étrangère, et appelle à une réflexion approfondie sur les enjeux géopolitiques de l'Afrique de l'Ouest.