Quand la transition écologique se traduit par « un scandale écologique » en Afrique
Vouloir nous émanciper des énergies fossiles, est assurément très pervers, car cette émancipation, nous plonge inexorablement dans une nouvelle dépendance : celle aux métaux rares.
Pour sortir de la dépendance occidentale à la Chine, leader incontesté du secteur, l’heure est à la quête tous azimuts de nouvelles sources d’approvisionnement.
Et dans cette bataille, l’Afrique et singulièrement la RDC, est au centre de toutes les attentions
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Graphite, indium, tungstène, terres rares... ces ressources sont devenues indispensables à notre nouvelle société écologique, quasi religieuse où les voitures électriques, les éoliennes et les panneaux solaires seraient dorénavant de mises pour ne pas dire obligatoires. Sans parler de la révolution numérique avec ses smartphones, ordinateurs, tablettes et autres objets connectés…
Or à la réflexion, les coûts environnementaux, économiques et géopolitiques de cette dépendance pourraient se révéler encore plus dramatiques que ceux qui nous lient au pétrole ; et s’il s’agissait d’un véritable scandale écologique ?
Smartphones en tête – le besoin en terres rares se fait de plus en plus pressant pour répondre aux besoins croissants des filières dites « vertes » ; ces filières « vertes » qui soit dit en passant sont plutôt très « noires »…
L’explosion des marchés liés à la transition numérique et aux technologies à « bas carbone » pourrait être une bénédiction pour la République Démocratique du Congo (RDC), dont le sous-sol regorge de coltan et de cobalt. Mais force est de constater qu’il s’agit plutôt d’un cauchemar !
Qu’on y songe « il faut purifier huit tonnes et demie de roche pour produire un kilo de vanadium, seize tonnes pour un kilo de cérium, cinquante tonnes pour un kilo de gallium », explique le journaliste d’investigation, Guillaume Pitron, auteur du très remarqué ouvrage : La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique. Publié chez Les Liens qui Libèrent, 2018, 296 p.
Plus de 400 %. C’est l’ampleur de la hausse que va connaître la demande de batteries rechargeables d’ici à 2030, selon une étude BloombergNEF publiée fin juin 2021. Si ces technologies appelées « lithium-ion » sont essentielles pour concrétiser la transition « bas carbone » et numérique, elles sont aussi très gourmandes en métaux rares.
Et sur ce terrain, le sous-sol de la RDC est particulièrement riche. Un véritable « scandale géologique » au centre duquel se trouvent en particulier le cobalt et le coltan, dont le pays détient la quasi-totalité des réserves mondiales.
L’explosion de la demande de ces matériaux actifs, indispensables à la fabrication des batteries qui équipent smartphones, voitures électriques ou encore éoliennes, pourrait être une aubaine pour le pays, dont 77 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté.
La RDC, dont la filière minière est massivement artisanale, opaque et très peu régulée, attise la convoitise de grandes multinationales – chinoises en tête – parfois sans scrupules, et de groupes armés qui se disputent le contrôle des sites d’extraction dans le Nord et le Sud-Kivu. « Plus de 200 000 Congolais, dont 40 000 enfants en 2014, peinent dans les mines comme « creuseurs » dans des conditions indignes et dangereuses, pour alimenter ce très fructueux marché », révèle Marie Toulemonde dans son enquête intitulée :«RDC – Samsung, Apple, BMW… Ce que nos smartphones et voitures doivent aux Congolais », publiée dans Jeune Afrique
Les ONG dénoncent régulièrement l’exploitation de ces travailleurs précaires par une partie des principaux acteurs du marché.
Dans ce contexte l’IRAdvocates, une coalition de chercheurs et d’avocats, a-t-elle déposé une plainte contre Apple, Microsoft, Dell et Google, que l’organisation accuse d’avoir bénéficié indirectement du labeur des enfants dans les mines de cobalt congolaises, indique Marie Toulemonde pour Jeune Afrique.
On l’aura compris, si la voiture électrique n’émet que très peu de CO2, en amont, s’agissant de la batterie, stricto sensu, on a tout à la fois un désastre social et un désastre écologique. Étant entendu que le Cobalt produit à 80% au Congo, ou 40.000 enfants, « les creuseurs » sont payés 1 dollar US par jour, rapportent les ONG. Si on considère le Lithium, et pour faire cette fameuse batterie, il faut un million de tonnes de litres d’eau, soit la consommation d’eau pour cinq cents personnes pendant un an.
Dès lors , vouloir développer localement les mines de lithium à l’instar du Président français Emmanuel Macron n’est pas acceptable politiquement, car il déclencherait inévitablement un désastre écologique. (NDLR, mais des désordres écologiques sont bel et bien en cours en Chine comme en Afrique !)
De fait, nous observons une période de sécheresse. Dans ces conditions, aller consommer des millions de litres d’eau, pour aller transformer de la saumure en lithium n’a pas de sens.
Et pourquoi un désastre écologique couplé à un désastre social en cours en Chine et en Afrique seraient tolérés et acceptables dans ces parties du monde alors, qu’ils paraissent impensables en Occident et tout particulièrement en Europe… ?