Tunisie : Vers l'édification d'une nouvelle architecture institutionnelle et l'élection présidentielle imminente
La Tunisie se prépare à un changement majeur dans son paysage institutionnel avec l'instauration imminente d'une seconde chambre parlementaire.
Cette évolution ne surprend guère, étant donné le faible engouement suscité par le deuxième tour des élections locales, qui n'a mobilisé qu'une maigre fraction de l'électorat, atteignant à peine 12,44%.
Ce chiffre reflète une tendance persistante, observable depuis les derniers scrutins, qu'il s'agisse des législatives de décembre 2022-janvier 2023 ou des récentes étapes des élections locales conduisant à la formation de cette nouvelle entité, le Conseil national des régions et des districts. Selon l'activiste Ali Ben Amor, interrogé par El Watan, ce désintérêt croissant envers la sphère politique traduit une lassitude généralisée parmi les Tunisiens. Néanmoins, il convient de noter qu'environ trois millions d'électeurs avaient accordé leur confiance au président Saïed lors du référendum du 25 juillet 2022, un nombre comparable à celui des législatives de 2019.
Avec l'achèvement du deuxième tour des élections locales, les conseils locaux et régionaux sont désormais en place. Le processus de formation du Conseil local, composé des élus des arrondissements, voit son président trimestriellement désigné par le vote populaire. Ce président siègera ensuite au sein du Conseil régional, où trois membres seront élus pour représenter la région au Conseil national. Si les conseils locaux et régionaux voient leur composition renouvelée trimestriellement, celle du Conseil national demeure inchangée entre les élections, qui se déroulent tous les cinq ans.
Cette mise en place d'institutions est le fruit des efforts du président Saïed pour garantir une meilleure représentativité citoyenne, renforcer le pouvoir présidentiel et instituer un système électoral incluant un scrutin uninominal à deux tours pour les législatives ainsi que des élections locales pour la seconde chambre, chargée du développement régional. Toutefois, le débat fait rage quant à la délimitation des compétences entre ces institutions, celles-ci restant relativement floues dans le texte constitutionnel. Un exemple récent de cette incertitude est illustré par le recul de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur un projet de loi visant à criminaliser la normalisation avec Israël, suite aux réserves exprimées par la présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères.
La Tunisie se prépare également pour l'élection présidentielle de l'automne 2024. Le président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Farouk Bouaskar, a annoncé que la date de cette élection serait fixée après l'installation de la seconde chambre, marquant ainsi la finalisation de cette nouvelle structure institutionnelle. À l'approche de ce scrutin, plusieurs personnalités ont exprimé leur intention de se présenter, dont Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL), et Nizar Chaâri, qui s'est récemment fait remarquer en portant plainte contre la ministre de la Justice.
Quant au président en exercice, Kaïs Saïed, bien qu'il n'ait pas encore officialisé sa candidature, tout indique qu'il briguerait un second mandat, d'autant plus que les nouvelles institutions qu'il a promues seront en place lors de ce prochain mandat. Les observateurs estiment largement qu'il remporterait facilement le premier tour, mais il lui sera cette fois-ci demandé de produire des résultats tangibles, contrairement à sa première élection où il pouvait invoquer des mécanismes obsolètes pour expliquer d'éventuels échecs.
En résumé, bien que le coup d'envoi de la campagne présidentielle n'ait pas encore été donné, le chemin semble dégagé pour la réélection du président actuel, malgré les critiques émanant d'une partie de la classe politique et de la société civile.